Barème d'indemnités de licenciement injustifié : la Cour de cassation se prononcera le 17 juillet

Barème d'indemnités de licenciement injustifié : la Cour de cassation se prononcera le 17 juillet

09.07.2019

Gestion du personnel

La Cour de cassation a tenu audience hier matin, saisie d'une demande d'avis sur le barème d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, par deux conseils de prud'hommes. Les avocats au Conseil ont livré leurs analyses avant que l'avocate générale n'exprime sa position. Selon elle, la Cour de cassation doit juger le barème conforme aux normes internationales. La décision sera rendue le 17 juillet.

Il va falloir attendre encore un peu avant de savoir ce que la Cour de cassation décide s'agissant du barème d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Saisie pour avis dans le cadre de deux contentieux portés aux prud'hommes, elle a tenu audience, hier matin, sous les lambris de la Grand' chambre du Palais de justice à Paris. Pendant près de trois heures trente, les plaidoiries se sont succédé.

La Cour de cassation doit répondre à deux questions. La première touche à sa compétence même. La Cour de cassation peut-elle rendre un avis sur une question relative à la conformité d'une loi aux normes internationales ? Jusqu'à présent elle a refusé de le faire. Mais sa position pourrait évoluer à cette occasion, d'autant plus que le Conseil d'Etat accepte, lui, de rendre des avis en la matière.

Si la Cour de cassation accepte de rendre un avis, elle devra alors répondre à une seconde question : celle de la conformité du barème à deux dispositions internationales : l'article 10 de la convention OIT n° 158 et l'article 24 de la Charte sociale européenne. C'est là tout l'objet des nombreuses décisions de conseils de prud'hommes qui se sont prononcés sur le barème.

La "réparation adéquate" au coeur du contentieux
Les plaidoiries des avocats au Conseil ont surtout porté sur le fond du problème. Certains ont soutenu une argumentation uniquement juridique, souvent très technique. D'autres ont décidé d'aller sur un terrain plus "politique". Tel est le cas du professeur de droit Antoine Lyon-Caen qui a développé une analyse non pas tant juridique qu'ontologique. "Le barème considère le travail comme un objet (...) et le travailleur comme un objet. La perte injustifiée d'un emploi, c'est la simple perte d'un objet. ".
Mais c'est surtout la notion de "réparation adéquate", prévue par les textes internationaux, qui a agité les débats.  "Une indemnisation est adéquate si elle est suffisamment élevée pour compenser le préjudice et si elle constitue une sanction suffisamment dissuasive pour l'employeur", a souligné l'avocate Manuela Grevy qui intervenait pour le compte du SAF et de la CFDT. Et d'ironiser : "le barème est tellement dissuasif que vous pouvez calculer le montant à partir du simulateur [du gouvernement] !".
Selon elle, le barème ne permet pas de réparer l'intégralité du préjudice causé par la faute de l'employeur. Prenant l'exemple d'une femme de plus de 50 ans dont la moyenne du temps passé au chômage est de 721 jours, elle s'offusque : "c'est une aumône, une injure que de lui attribuer [ce que prévoit le barème]".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La "réparation adéquate", une "réparation intégrale" ?
Mais justement, pour d'autres des avocats présents hier, qui dit réparation adéquate ne dit pas réparation intégrale. François Pinatel qui intervenait pour la société Sanofi et le syndicat d'avocats employeurs en droit du travail, Avosial, soutient qu'apprécier la notion de réparation adéquate n'est nullement synonyme de réparation intégrale, comme cela est souvent avancé. "La réparation adéquate est définie par la convention OIT n° 158 (...) Il s'agit d'un principe avec une marge d'appréciation laissée à l'Etat qui est importante". Or, selon lui, le système français ne contrevient pas à ce principe d'une réparation adéquate, que ce soit au regard de l'article 10 de la convention OIT n° 158 ou de l'article 24 de la charte sociale européenne.
S'agissant du premier texte, l'avocat se réfère à une décision du BIT de 2015 concernant le plafonnement du droit espagnol. "Ce barème a été validé car les salariés bénéficient d'une assurance chômage dès le premier jour et car il est écarté en cas d'atteinte à un droit fondamental, ce qui correspond exactement au système français". Pour le second de ces textes - la charte sociale européenne - l'avocat cite une décision de 2016 du comité européen des droits sociaux relative au droit finlandais. "A aucun moment, la décision ne dit que le plafonnement est contraire à l'article 24 [de la charte sociale européenne]. Elle dit juste qu'il faut trois conditions : une indemnité suffisante ; que cette indemnité présente un caractère dissuasif ; qu'il existe des voies alternatives de réparation en droit interne". Trois conditions remplies par le barème français selon François Pinatel. "L'indemnisation est suffisante car il existe un plafond et un plancher calculés par rapport à l'ancienneté du salarié. Les planchers sécurisent l'indemnisation même si elle est inférieure à celle qui existait auparavant. A partir de cinq ans d'ancienneté, le barème est dissuasif". Enfin, "il y a toujours la place pour des réparations fondées sur la responsabilité civile afin de réparer les préjudices non intégrés dans le barème".
Evaluer les effets déjà produits par le barème
C'est une autre stratégie qu'a adopté Thomas Haas, avocat représentant FO. Il a décidé de se placer sur le terrain des effets déjà produits par la réforme opérée par les ordonnances du 22 septembre 2017. "Le préjudice constitué par la perte de son emploi fait naître une créance légitime de le voir réparé. Un juge doit pouvoir être saisi pour réparer ce préjudice". Or, "on observe une baisse du montant des dommages intérêts alloués et une chute marquée du contentieux prud'homal. Rien ne permet de penser que ce préjudice serait moindre qu'avant et pourtant l'indemnisation est moindre. C'est bien la preuve qu'une partie du préjudice n'est plus réparée. La baisse du contentieux prud'homal peut être liée au barème . Mais même si le barème n'est pas la cause unique de cette baisse, il dissuade le justiciable de saisir le juge. Il y a une atteinte au droit d'accès au juge. Si le juge n'est plus saisi, c'est car cette utilité n'existe plus car le juge a été privé de son droit de juger", estime l'avocat.
Décision le 17 juillet

Après avoir écouté l'ensemble des plaidoiries, l'avocate générale a livré son analyse et conclu à la conventionnalité du barème. Reprenant l'analyse développée par François Pinatel, elle estime qu'"une réparation adéquate ou inappropriée n'est pas synonyme de réparation intégrale car l'intégralité n'est réservé qu'aux licenciements les plus graves". "L'article 10 de la convention OIT n° 158 n'interdit pas un plafonnement conçu sur la base de critères objectifs". Par ailleurs, constate-t-elle, "les juges disposent d'une marge d'appréciation très faible pour les faibles anciennetés, mais qui s'élève lorsque l'ancienneté s'accroit". A ces arguments, l'avocate générale ajoute le versement de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis, la possibilité d'indemniser les préjudices distincts, celle pour le juge de demander le remboursement des allocations chômage pendant six mois et la mise à l'écart du barème en cas de licenciement nul lorsqu'il y a violation d'une liberté fondamentale.

"Je conclus que le système de sanction du licenciement ne conduit pas à une réparation manifestement inadéquate et inappropriée au sens de l'article 10 de la convention OIT  158".

La Cour de cassation rendra sa décision le 17 juillet à 14 heures. Plusieurs solutions s'offrent à elle :

  • refuser de rendre un avis en maintenant sa jurisprudence actuelle ;
  • accepter de rendre un avis et juger le barème conforme aux normes internationales ;
  • rendre un avis et invalider le barème.

Dans les deux derniers cas, ce serait un pas de franchi pour lever les incertitudes qui entourent l'application du barème, quand bien même certains conseils de prud'hommes ont déjà annoncé leur intention de résister à la décision de la Cour de cassation si celle-ci venait à juger conforme aux normes internationales le barème d'indemnités.

Florence Mehrez
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