Bénéfice d'une sûreté par subrogation : droit perdu par le choix du créancier et décharge de la caution
03.11.2021
Gestion d'entreprise

Les cautions qui ont perdu, par le fait du créancier, le nantissement sur un fonds de commerce dont elles auraient pu bénéficier par subrogation après la cession de la société et le paiement du solde de la dette sont déchargées de leur obligation.
Faisant application du droit antérieur à la récente réforme du cautionnement par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la Cour de cassation rend un arrêt sans grande surprise (Cass. com. 5 févr. 2020, n° 18-22.533).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Si les faits relatés par la Cour de cassation ne permettent pas de saisir toutes les subtilités de l’affaire, l’essentiel suffit cependant à cerner la problématique dont est saisie la Cour de cassation. Pour garantir un prêt consenti pour l’achat d’un fonds de commerce, une banque avait pris deux sûretés : un nantissement du fonds financé et le cautionnement des deux dirigeants de la société emprunteuse. Dans le cadre d’un plan de cession adopté par le tribunal après mise en liquidation judiciaire de la société, la banque renonce au nantissement. Elle poursuit ensuite les cautions, qui soulevant l’exception de subrogation, arguent de leur décharge. Cette prétention est retenue par la cour d’appel. Dans son pourvoi, la banque conteste la décision, d’une part sur la question du caractère exclusif et fautif de son fait ayant entraîné la perte du nantissement, d’autre part sur l’ampleur de la décharge.
Il ressort de l’actuel article 2314 du code civil que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits « préférentiels » (ou, plus exactement, avantageux) du créancier ne peut plus, par le fait de ce dernier, s’opérer en faveur de la caution.
Subrogation rendue impossible par le créancier
Parmi les conditions affectant l’efficacité de l’exception de subrogation figure, en premier lieu, l’imputation au créancier de l’impossible subrogation, qui selon la jurisprudence enseigne qu’elle doit être et exclusive : le fait du débiteur, d’un tiers ou de la caution elle-même, qui aurait provoqué ou contribué à provoquer la perte du droit dans lequel la caution n’a pu être subrogée, empêche la libération de la caution. Or, en l’espèce, le créancier conteste que son fait ait été la cause exclusive de la perte du droit de la caution. Selon lui, en premier lieu, la levée du nantissement, qui résultait de l’adoption du plan par le tribunal avait également résulté de la proposition de l’administrateur judiciaire de retenir une offre portant renoncement au nantissement et de la décision du tribunal de suivre cette proposition. En second lieu, l’une des cautions au moins aurait elle-même consenti à cette perte en se montrant favorable, lors de l’audience, à l’offre prévoyant une renonciation au nantissement du fonds.
Pour la chambre commerciale, ces éléments ne sauraient suffire à écarter l’efficacité de l’exception de subrogation : la banque, qui a librement renoncé à la sûreté réelle dont elle bénéficiait, a même fait un choix en faveur de cette perte dans la mesure où l’offre présentée par le repreneur comportait une option à deux branches, celle délaissée par la banque proposant un paiement sans perte du nantissement. Dans ces conditions, peu important que, par ailleurs, la caution se soit montrée favorable à cette offre, que l’administrateur lui ait marqué sa préférence et que le tribunal ait arrêté le plan au profit du repreneur dans les termes de la seconde branche de l’option librement choisie par la banque.
Preuve par le créancier de l'absence de conséquence de la perte d'un avantage
S’agissant de l’ampleur de la décharge, dont les juges du fond ont considéré qu’elle devait être totale, là où le créancier plaidait qu’elle devait être limitée à la valeur du fonds laquelle était, selon lui, inférieure au montant auxquelles les cautions étaient tenues, la Cour de cassation répond sur le terrain de la preuve. Le créancier n’ayant pas démontré que la valeur du fonds était inférieure au montant de l’obligation des cautions, les juges du fond ont légalement justifié leur décision de décharger totalement les cautions. La solution est classique qui fait peser sur le créancier la charge de la preuve de l’absence de préjudice subi par la caution du fait de la perte de l’avantage dans lequel elle ne pourra être subrogée du fait du créancier (Cass. com. 30 juin 2009, n° 08-17.789).
Impact de la réforme des sûretés
Il est difficile de prédire si cette solution pourrait être retenue sous l’empire des textes issus de la nouvelle réforme des sûretés. Ce qui est certain, c’est que l’innovation, introduite par le nouvel article 2314 du code civil selon laquelle la caution ne peut reprocher au créancier son choix dans le mode de réalisation de la sûreté dont il dispose reste sans incidence en l'occurrence (Ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021, art. 5). Pour le reste, si l’on suit le rapport au président, la nouvelle disposition s’inscrit dans le sillage de l’ancienne, l’article 2314 issu de la réforme étant présenté comme se contentant de reprendre et de clarifier le bénéfice de subrogation (Rapp. au président de la République, Ord. n° 2021-1192, 15 sept.). Cependant, les nouveaux termes employés pourraient ne pas être neutres puisque le « fait » du créancier est remplacé par sa « faute » et que la décharge de la caution » fait place à sa libération « à concurrence du préjudice qu’elle subit ». Si ces choix terminologiques paraissent bien ne faire que prolonger l’application actuellement faite par la jurisprudence de l’article 2314 du code civil, ils pourraient aussi renforcer, voire cristalliser le voisinage, pourtant discuté (V. Cabrillac, Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, 10e ed. Lexis Nexis, n° 311), de l’exception de subrogation avec le mécanisme de la responsabilité civile. Or, dans ce dernier cadre, c’est bien à celui qui se prévaut d’un préjudice engendré par une faute de démontrer l’un comme l’autre, outre le lien de causalité qui les unit.
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