Burn out : "Ce sont les meilleurs éléments qui craqueront"

Burn out : "Ce sont les meilleurs éléments qui craqueront"

22.06.2017

Gestion du personnel

L'épuisement professionnel est un mal de cadres. Seul un plan de prévention bien ficelé permet de repérer rapidement les sujets à risque. Lors d'une conférence organisée hier au sein du salon Préventica, le docteur Martine Keryer, médecin du travail et secrétaire CFE-CGC chargée de la santé au travail, dévoile les stratégies à adopter.

"Un matin, l’un de mes patients a mis trois heures à atteindre sa salle de bains, ses muscles étaient paralysés. Un autre a pris le volant pour aller au travail, et sa voiture a fini emboutie contre un arbre sans qu’il en ait conscience. Le corps montre qu’il n’en peut plus." Pour le docteur Martine Keryer, médecin du travail et secrétaire nationale santé au travail et handicap de la CFE-CGC, le syndrome d’épuisement professionnel est à prendre très au sérieux. Elle animait hier, au salon Préventica à Paris, une conférence sur la prévention de ce syndrome chez les cadres, public prédisposé à une forme de surengagement au travail.

"Un de mes patients n’arrivait plus à résoudre un puzzle pour enfants"

Au terme de burn out "largement galvaudé aujourd’hui", Martine Keryer préfère celui, plus exact, d’épuisement professionnel. Cette pathologie psychique s’installe progressivement. Le surengagement au travail fait naître une montée de stress, avec des conséquences cliniques parfois impressionnantes. "Dans une situation de stress chronique, le corps sécrète du cortisol, une hormone qui inonde tous les organes et crée des symptômes souvent invisibles." Syndromes  cardiovasculaires, digestifs, cutanés... Le comportement change aussi. Jusqu’à 20% des neurones peuvent éclater, donnant lieu à des troubles de la concentration, de la mémoire, de la créativité… Voire pire. "Un de mes patients, un cadre dirigeant arrêté depuis plus d’un an, ne parvenait plus à résoudre un puzzle destiné aux enfants de cinq ans !"

Les victimes, persuadées de pouvoir surmonter cette charge de travail, s’acharnent. Jusqu’au décrochage, à la suite d’un événement émotionnel fort, souvent lié à la vie privée. "Mais l’origine de cet état, c’est toujours le travail. Pas les facteurs personnels", insiste le docteur Keryer.

Un arsenal préventif anti-burn out

Face à ces troubles encore méconnus, la prévention est indispensable. "Mon souhait le plus cher est d’arriver à former les directions et les DRH, qui sont aujourd’hui dans un semi-déni du problème", déplore le docteur Keryer. Elle distingue trois types de prévention. Tout d'abord, la prévention tertiaire : repérer les salariés lorsqu'ils sont "sur la pente ascendante du burn out", avant le décrochage. Et les adresser au médecin du travail. "A ce stade de la pathologie, la personne est souvent en déni. Elle ne veut pas être mise en arrêt de travail. Je demande à mes patients dans cette situation d'en parler avec leur famille. Bien souvent, cela fonctionne et ils reviennent me voir quelques jours après, pour être arrêtés."

Dès lors que le médecin du travail décèle au moins deux cas de burn out potentiel, il doit exercer son droit d'alerte auprès de l'employeur (article L. 4624-9 du code du travail). Son avis sera adressé également au CHSCT et à la Carsat.

La prévention secondaire consiste à former les directions, les ressources humaines, les CHSCT et les cadres. "Il faut passer le message : ce sont les meilleurs éléments de l'entreprise qui craqueront, les salariés les plus impliqués. Je connais un établissement bancaire qui a monté un service entier d'anciens chefs d'agences qui ont fait un syndrome d'épuisement professionnel. Maintenant, ils font de l'administratif!"

Enfin, la prévention primaire vise les facteurs organisationnels : veiller à ce que la charge de travail ne soit pas trop élevée. Et l'exercice est difficile lorsqu'on parle de cadres : leur travail suppose peu de charges physiques, mais beaucoup de charges mentales, plus subtiles à évaluer. Sont à prendre en compte les actions cérébrales, mais aussi les émotions engendrées par l'activité (être en contact avec un public, avoir à cacher ou feindre, respecter des délais et exigences de qualité insupportables, endurer une ambiance de travail difficile…).

25% d'incapacité de travail, "l'équivalent d'un bras coupé"

La reconnaissance de l'épuisement professionnel au tableau des maladies professionnelles ? Le docteur Keryer n'y croit pas. "Par contre, peut-être que le stress post-traumatique et l'anxiété généralisée feront un jour partie des maladies professionnelles reconnues. Mais pour l'instant, seule la CFE GCG demande la création d'un tableau de maladie professionnelle sur les troubles psychiques liés au travail".

Une pathologie non reconnue dans un tableau doit entraîner une incapacité permanente de travail (IPP) d'au moins 25 % pour être reconnue. "C'est l'équivalent d'un bras coupé!" critique le docteur Keryer. En attendant, certains médecins du travail contournent cette procédure en déclarant les syndromes d'épuisement professionnel comme accidents du travail. Ils se basent sur l'élément déclencheur de la chute du salarié - brimade, humiliation - dès lors que cet év��nement a une date et une heure précises.

Une solution reste à portée de main : abaisser à 10% le taux d'IPP nécessaire à la reconnaissance du burn out. Cette mesure a été introduite dans le rapport de la commission parlementaire rendu sur le sujet en mars 2017. Mais présidentielle oblige, ce document  est pour l'instant resté lettre morte. "Le rapport porte de bonnes propositions, reconnaît Martine Keryer. J'espère qu'il ne servira pas à caler les tables..."

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Laurie Mahé Desportes
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