Calcul de l'effectif : un syndicat peut demander au juge de considérer des CDD comme CDI

10.03.2023

Gestion du personnel

Si seul le salarié en CDD peut demander la requalification de son contrat en CDI, un syndicat peut demander au juge de l'élection de considérer les contrats de travail comme tels s'agissant du calcul de l'effectif de l'entreprise.

Le calcul de l'effectif peut constituer un enjeu de taille dans l'entreprise. En particulier lorsqu'il se rapproche du seuil de 50 salariés, permettant ainsi la désignation de délégués syndicaux et de représentants de la section syndicale, et attribuant au CSE des droits importants (personnalité morale, possibilité de désignation d'experts, mise en place d'une BDESE...).

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les organisations syndicales sont donc particulièrement vigilantes à cet égard. C'est certes à l'employeur de réaliser ce calcul et d'en apporter la preuve, mais il se doit de fournir aux syndicats participant à la négociation du protocole préélectoral, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de cet effectif.

Qu'en est-il lorsqu'un syndicat estime que certains salariés ne sont pas pris en compte dans l'effectif comme il se devrait ? C'est sur la prise en compte de salariés en CDD dont le syndicat estime qu'ils devraient être requalifiés en CDI que la Cour de cassation se prononce dans cet arrêt du 15 février 2023. 

Désignation d'un représentant de la section syndicale

Dans cette affaire, un syndicat non représentatif désigne un représentant de la section syndicale (RSS). L'employeur conteste cette désignation au motif que la condition d'effectif de l'entreprise prévue à l'article L. 2142-1-1 du code du travail n'est pas remplie. Le tribunal judiciaire fait droit à sa demande, l'effectif de l'entreprise étant inférieur à 50 salariés.

Mais le syndicat conteste. Il argue d'irrégularités constatées par l'inspection du travail tenant aux motifs de recours des CDD conclus par l'entreprise. En d'autres termes, les CDD devraient être requalifiés en CDI et pris en compte dans l'effectif en tant que tels, ce qui, d'après le syndicat, porterait l'effectif à au moins 50 salariés, l'autorisant ainsi à désigner son RSS.

CDD considérés comme des CDI pour le calcul de l'effectif

Rappelons, à l'instar de la Cour de cassation, qu'en application l'article L. 1111-2 du code du travail relatif au calcul des effectifs en droit du travail, les salariés en CDD « sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents »  et « sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu ». Concernant les salariés en CDI (à temps complet), ils sont en revanche pris en compte dans l'effectif comme une unité. 

La Cour de cassation explique ensuite que  « si les salariés engagés à durée déterminée peuvent seuls agir devant le juge prud'homal en vue d'obtenir la requalification de leurs contrats en contrats à durée indéterminée, les syndicats ont qualité pour demander au tribunal judiciaire, juge de l'élection, que les contrats de travail soient considérés comme tels s'agissant des intérêts que cette qualification peut avoir en matière d'institutions représentatives du personnel et des syndicats, notamment pour la détermination des effectifs de l'entreprise ».

Ainsi, un syndicat peut demander au tribunal judiciaire, juge de l'élection, que des CDD de l'entreprise soient considérés comme des CDI, et comptent comme tel dans le cadre de la mise en place et des droits des institutions représentatives du personnel et des syndicats, par exemple pour le calcul de l'effectif. 

Il ne s’agit pas d'une requalification de ces contrats, celle-ci ne pouvant être demandée que par le salarié lui-même. La nature de ces contrats reste donc inchangée.

Remarque : un syndicat représentatif peut également agir en justice en requalification d'un CDD en CDI dans le cadre de l'action en substitution prévue à l'article L. 1247-1 du code du travail, mais il doit en informer le salarié concerné, lequel peut s'y opposer. Dans l'affaire commentée, il s'agissait toutefois d'un syndicat non représentatif.

Il s'agit d'une confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 14-13.712). Cette solution apparaît comme logique : il n'est pas possible d'imposer à un salarié de demander la requalification de son contrat, droit individuel, mais il ne serait pas légitime d'en faire dépendre les droits collectifs des salariés, notamment en matière de représentation du personnel. Ainsi, un syndicat peut demander au juge d'en tenir compte dans ce cadre.

Remarque : cette solution évoque celle retenue par la Cour de cassation en matière de prise en compte des ruptures conventionnelles dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif. Comme dans notre affaire, un syndicat (et dans ce cas le CSE)  ne peut demander la nullité d'une rupture conventionnelle en raison de sa cause économique, action qui n'appartient qu'au salarié concerné, mais il peut demander à ce qu'elle soit prise en compte pour déterminer la procédure d'information-consultation des représentants du personnel applicable et les obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi (v. l'arrêt de principe, Cass. soc., 9 mars 2011, n°10-11.581). Ce sont en effet les droits collectifs des salariés qui sont en cause dans ce cadre.

Effectif restant inférieur à 50 salariés

Cependant, l'ajout  à l'effectif de ces deux CDD considérés comme CDI par le juge ne permettait pas dans cette affaire d'atteindre le sésame des 50 salariés pendant 12 mois consécutifs. Le syndicat non représentatif ne pouvait donc pas désigner son RSS.

A cet égard, la Cour de cassation souligne que l'employeur rapportait la preuve que l'effectif de l'entreprise sur les 12 mois précédant la désignation du RSS restait inférieur à 50 salariés, et qu'en dehors des deux CDD objets de l'injonction de requalification en CDI faite à l'employeur par l'inspecteur du travail, le tribunal « n'était pas saisi d'une demande tendant à considérer comme des contrats à durée indéterminée d'autres contrats de travail à durée déterminée ».

Séverine BAUDOUIN
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