Ce que des professionnels du chiffre attendent d'Emmanuel Macron

Ce que des professionnels du chiffre attendent d'Emmanuel Macron

22.05.2017

Gestion d'entreprise

La remontée des seuils d’audit légal, la suppression du RSI et la simplification font partie des sujets qui suscitent des interrogations de la part de votre profession.

Les avis sont partagés concernant le nouveau quinquennat qui s’ouvre. Les professionnels du chiffre que nous avons contactés se montrent tour à tour confiants, inquiets voire sceptiques sur l’action d’Emmanuel Macron. Tous s’interrogent en tout cas sur le PDF iconprogramme du candidat devenu Président de la République le 7 mai 2017, lequel comporte plusieurs mesures imprécises. Sans compter les dossiers en cours qui alimentent les débats de votre profession depuis plusieurs années.

De nouveaux ministres de tutelle vont devoir s’atteler à cette tâche : Bruno Le Maire, ministre de l’économie, (ou Gérald Darmanin, en charge de "l'action et des comptes publics") pour les experts-comptables, et François Bayrou, garde des Sceaux, pour les commissaires aux comptes.

 

► Seuils d’audit : "une épée de Damoclès"

Le possible relèvement des seuils d’audit légal français – alignés sur les critères européens – inquiète. Le sujet est "une épée de Damoclès", relève Jean-Luc Reffet, dirigeant du cabinet Unicompta. Aujourd’hui, au niveau européen, une entreprise est soumise à l’obligation de certification de ses comptes dès lors qu’elle dépasse deux des trois seuils suivants : 12 millions d’euros de chiffre d’affaires (CA), 6 millions d’euros de total de bilan et 50 salariés. Dans l’Hexagone, l’audit est obligatoire dans toutes les SA, dans les SARL au-dessus de 3,1 millions de CA, 1,55 million d’euros de total de bilan et/ou 50 salariés, et dans les SAS de plus de 2 millions d’euros de CA, 1 million d’euros de bilan et/ou 20 salariés. L’Union européenne laisse le choix aux Etats membres de déterminer leurs seuils (jusqu'à une certaine limite). Avec des seuils plus bas, la France a opté pour un périmètre d'audit plus large. Pour l’instant.

"Si demain les seuils européens sont appliqués, on perd 90 % de nos mandats", prédit Jean-Luc Reffet, qui détient une cinquantaine de mandats essentiellement dans des PME au sens français et des associations. Ces projets "vont à l'encontre du climat de confiance que le commissaire aux comptes instaure lorsqu'il certifie les comptes annuels d'une société française" et "qui permet aux entreprises de conquérir de nouveaux marchés et de se développer", déplore Ivan Tocchio, dirigeant du cabinet Expert & audit. Et de pointer la possible suppression de "dizaines de milliers d'emplois" dans les cabinets d'audit. Si ce projet se concrétise, Ivan Tocchio propose une contrepartie : "engager la responsabilité du dirigeant d'entreprise sur l'intégralité de son patrimoine personnel dès lors qu'il ne souhaite pas faire appel aux services d'un Cac". "Un dirigeant ainsi impliqué sera forcément beaucoup plus vigilant sur le contenu et la diffusion de sa communication financière", justifie-t-il.

 

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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► Suppression du RSI : "on met quoi à la place ?"

La suppression du régime social des indépendants (RSI), promise par le nouveau Président de la République, soulève des interrogations. Si la plupart des professionnels libéraux s’accordent sur les dysfonctionnements du RSI et ses multiples couacs, "on met quoi à la place ?", se demande Olivier Bonniol, associé chez Bonniol conseil. La solution de remplacement reste floue pour l’instant. "C’est une pure promesse électorale", estime Jean-Luc Reffet. Le programme d’Emmanuel Macron prévoit un "adossement" des indépendants au régime général de la Sécurité sociale mais avec un "guichet spécifique" dédié. Le basculement dans le régime des salariés fait grincer des dents. Olivier Bonniol (tout comme l’Unapl) pointe un coût supplémentaire. Aujourd’hui, un gérant majoritaire de SARL ou un autre travailleur non salarié affilié au RSI paie une cotisation correspondant environ à 45 % de sa rémunération nette. Avec le régime général, il débourserait 65 %, précise-t-il. Sans compter qu’il ne bénéficierait pas de certains avantages comme la réduction Fillon. "Pas mal d’entreprises vont être mises au tapis", avance-t-il. Concernant le droit à l’assurance chômage, M. Macron s’est engagé à en faire bénéficier aussi les professionnels indépendants.

 

► La simplification administrative, c’est pour quand ?

"On appelle de nos vœux la vraie simplification", espère Olivier Bonniol. "On a des lois dont on attend toujours les décrets. Aujourd’hui, on mange de la documentation et on passe une énergie considérable au lieu de faire ce qui intéresse nos clients (le conseil)", témoigne-t-il. "Il faudrait une refondation de tous les textes de base : le code de commerce, le code général des impôts et le code du travail. J’aspire au pragmatisme : enlever des textes qui engorgent inutilement les tribunaux, alléger des normes au lieu d’ajouter des exceptions à la marge". Emmanuel Macron prévoit de mettre fin à l’instabilité fiscale avec le vote d’une loi d’orientation en 2017 qui fixera pour cinq ans l’évolution de la fiscalité pour le quinquennat. "Nous ne réformerons pas plusieurs fois un même impôt dans le quinquennat", promet-il dans son programme. Une stabilité bienvenue pour Jean-Luc Reffet. Qui ajoute : "Je suis confiant quand même. Macron suit ses dossiers. Je souhaite qu’il réussisse".

Céline Chapuis
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