Cession d'un fonds de commerce : nouvel ajustement des formalités de publicité

28.02.2020

Gestion d'entreprise

La première publication de l'acte de cession d'un fonds de commerce, préalable à celle du BODACC, peut être effectuée sur des supports en ligne autres que les supports traditionnels. Des dispositions, qui avaient été supprimées en 2016 dans un but de simplification, sont rétablies dans un souci d'efficacité et de rapidité.

Rappel de la nécessité de publier la vente du fonds de commerce

Les articles L. 141-12 et suivants du code de commerce organisent la publicité de la cession d’un fonds de commerce. L’objet de la publication est de protéger les créanciers du cédant et leur permettre de s’opposer au paiement du prix dans un délai de 10 jours après la dernière en date des publicités légales, c’est-à-dire après la publication au BODACC (C. com., art. L. 141-14). L’acte sous seing privé de cession du fonds de commerce, pour être publié, doit préalablement avoir été enregistré. A défaut, la sanction est la nullité de la publication (C. com., art. L. 141-13). La publication, qui doit être effectuée à la diligence du cessionnaire dans un délai de 15 jours à compter du jour de la signature de l’acte de cession, a la forme d’un extrait ou d’un avis au BODACC. Elle doit, à peine de nullité, contenir les mentions visées à l’article L. 141-12 du code de commerce. En cas de non-respect, la sanction est l’inopposabilité du paiement du prix aux créanciers du cédant (et non pas la nullité de la cession), le cessionnaire s’exposant au risque de payer le prix une seconde fois auxdits créanciers (C. com., art. L. 141-17).

Atermoiements du législateur

Avant la loi "Macron" du 6 août 2015, la cession d’un fonds de commerce devait faire l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales (JAL) et d’une publicité nationale au BODACC. Pour simplifier la procédure, la loi "Macron" du 6 août 2015 n’avait conservé que la publicité au BODACC. La loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias a finalement réintroduit l’obligation de publier l’acte de cession du fonds de commerce dans un JAL dans l’arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité, dans les 15 jours de l’opération.

Remarque : la mesure concerne les opérations survenues depuis le 16 novembre 2016, mais ne s’applique pas en cas de fusion ou de scission entre sociétés par action et SARL (C. com., art. L. 141-21).

De nouveau, et en application de la Loi PACTE du 22 mai 2019 (L. n° 2019-486, 22 mai 2019 : JO, 23 mai), le législateur réintroduit des dispositions qui avaient récemment été supprimées.

Apport de la loi Pacte

Désormais, la première des deux publicités légales, à savoir celle qui auparavant était exclusivement effectuée dans un JAL, peut être effectuée sur les supports des services de presse en ligne. Ainsi, dans sa version en vigueur depuis le 24 mai 2019, l’article L. 141-12 du code de commerce dispose : "(…) La vente ou cession d’un fonds de commerce doit, dans la quinzaine de sa date, être publiée à la diligence de l'acquéreur sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel le fonds est exploité et sous forme d'extrait ou d'avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales".

Remarque : l’article 3 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ("loi PACTE"), entrée en vigueur le 24 mai 2019, a modifié la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales (AJL).

Les modifications portent notamment sur :

  • l’ouverture aux services de presse en ligne (SPEL), au sens de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, de l’habilitation à publier des AJL à compter du 1er janvier 2020 ;
  • la limitation de la surface (pour les publications imprimées) et du contenu (pour les SPEL) consacrés à la publicité et aux diverses annonces pour les titres souhaitant candidater à l’habilitation à publier des AJL ;
  • la suppression des habilitations par arrondissements.
Focus sur ses décrets d’application

Le décret d'application n° 2019-1216 du 21 novembre 2019, publié le 22 novembre 2019, a abrogé le décret du 17 décembre 1955. Son article 1er précise que :

  • les publications de presse d'information générale, judiciaire ou technique ne peuvent consacrer plus de la moitié de leur surface à la publicité, aux annonces classées et aux AJL,
  • les SPEL d'information générale, judiciaire ou technique ne peuvent avoir pour objet principal la diffusion de messages publicitaires, d'annonces classées et d'AJL.

Le décret d'application n° 2020-106 du 10 février 2020, publié le 11 février 2020 et entré en vigueur le 12 février 2020 :

  • réduit à deux années la durée de l'inscription au RCS des plans de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • précise que l'avis publié au BODACC, lors de l'immatriculation des sociétés au registre du commerce et des sociétés (RCS), doit mentionner la dénomination ou raison sociale d'une personne morale ayant la qualité d'associé ou de commissaire aux comptes de la société immatriculée,
  • clarifie et harmonise les dispositions relatives aux informations mentionnées au RCS en ce qui concerne les organes de gestion, d'administration, de direction et de contrôle des comptes des sociétés et des groupements d'intérêt économique (GIE).

Ces dispositions concernent le cessionnaire du fonds de commerce, qui est tenu de s’immatriculer au RCS, dans les 15 jours du commencement de l’activité lorsqu’il s’agit d’une personne physique (C. com., art. R. 123-32). Elles devront être respectées, à la suite de son immatriculation, dans l’avis publié au BODACC.

Mentions à respecter pour la publicité sur un support habilité à recevoir des annonces légales (SHAL)

Concernant plus précisément les formalités de publication, ce même décret du 10 février 2020 :

  • remplace les mots "journal" et "journaux" dans la partie réglementaire du code de commerce par les mots "support" et "supports",
  • indique la forme et le contenu de la publicité des cessions de fonds de commerce dans les supports habilités à recevoir des annonces légales (SHAL).

Cette publicité doit prévoir les mêmes mentions que celles qui étaient exigées pour un JAL, à savoir :

  • les dates, volume et numéro de la perception de l'enregistrement, ou en cas de simple déclaration à la recette des impôts de la situation du fonds, la date et le numéro du récépissé de cette déclaration et, dans les deux cas, l'indication du bureau où ont eu lieu les opérations ;
  • la date de l’acte ;
  • les noms, prénoms et domicile de l’ancien et du nouveau propriétaire (ou la dénomination sociale et adresse du siège social s’il s’agit de personnes morales) ;
  • la nature et le siège du fonds ;
  • son prix, tel qu’il a servi pour calculer les "droits d’enregistrement" ;
  • l'indication du délai de dix jours suivant la dernière en date des publications légales (c’est-à-dire au BODACC) afin que les créanciers du cédant puissent s’opposer au paiement du prix et obtenir le paiement de leur créance ;
  • une élection de domicile dans le ressort du tribunal du lieu d'exploitation du fonds cédé (C. com., art. R. 141-1).
Dispositions réintroduites afin d’assurer l’efficacité et la rapidité de la publicité  

Le décret du 10 février 2020 précise que l’avis publié au BODACC doit mentionner la dénomination ou raison sociale du vendeur si celui-ci est une société, la nature du SHAL (journal papier ou services de presse en ligne), et les références de la publication dans le SHAL (le titre du support et la date de la première insertion) (C. com., art. R. 123-211, 4°).

La mention des références de la première publication, qui avait été supprimée par le décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la simplification de formalités en matière de droit commercial, est donc réintroduite. 

De même, le décret du 10 février 2020 rétablit le délai, qui avait été supprimé par le décret n° 2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la simplification de formalités en matière de droit commercial, dans lequel l’avis publié au BODACC doit être requis du greffier par le nouveau propriétaire du fonds de commerce.

Ce dernier doit agir dans les trois jours de la première insertion dans un SHAL (C. com., art. R. 123-212, al. 1), ce qui ne devrait pas poser de difficultés aux praticiens, les outils numériques et les services en ligne permettant d’agir avec célérité.

 

 

Stéphane Ingold, Avocat à la Cour, associé Cabinet Gouache

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