Charte des contrôles : «il y a une volonté de clarification de l’AFA»

24.07.2022

Gestion d'entreprise

Avec sa nouvelle charte des contrôles présentée à la fin du mois de juin, l'Agence française anticorruption (AFA) continue à faire preuve de pédagogie. Alexandre de Konn, avocat associé, spécialisé en droit pénal général, des affaires et de la presse au sein du cabinet LPA-CGR et Julie Pereira, collaboratrice, tirent les enseignements de ce nouveau texte.

L'AFA poursuit sur sa lancée. L'Agence met à jour régulièrement sa documentation et en informe les professionnels du secteur.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Le 29 juin, elle publiait une nouvelle charte des contrôles. Que faut-il en retenir ?

Alexandre de Konn : C’est un nouveau document qui est publié. Le précédent datait d’avril 2019. L’AFA cherche à tirer les enseignements de son activité. C’est une autorité très jeune qui a 5 ans (elle a été créée par la loi Sapin II en décembre 2016 et a commencé ses contrôles en octobre 2017). Elle actualise régulièrement ses règles, ses recommandations, etc. L’Autorité a fait plus de 150 contrôles en 5 ans : les deux tiers dans le secteur privé, un tiers dans le secteur public. Elle en tire donc des leçons pour adapter ses modalités de contrôles.

Dans son rapport 2021, l’AFA constatait une amélioration quantitative du dispositif mis en place par les entreprises : sur une quarantaine de contrôles, vingt-cinq ne donnaient lieu à aucune suite. En termes de qualité, le dispositif peut être insuffisant, notamment en matière de cartographie des risques. De très nombreuses entreprises disposent de programmes qui ne sont toutefois pas suffisamment adaptés à leur structure. Les attentes de l’AFA sont cependant très élevées.

La charte est divisée en quatre parties : elle rappelle son champ de compétence, les modalités du contrôle opéré, les droits et devoirs de chaque partie (agents de l’AFA et entités contrôlées) ainsi que les modalités de fonctionnement de la commission des sanctions.

L’AFA essaie de faire un effort supplémentaire de pédagogie. Elle veut adapter ses modalités de contrôle pour tenir davantage en compte des profils des entités contrôlées et des risques particuliers auxquels elles sont exposées. C’est une charte unique : elle vise aussi bien les personnes concernées au titre de l’article 3 de la loi Sapin II (le questionnaire type à destination des acteurs publiques et la fiche périmètre définissant les acteurs publics, associations et fondations reconnues d'utilité publique susceptibles d’être contrôlés ont aussi été mises à jour en juin) que les personnes privées (assujetties au titre de l’article 17 de la loi Sapin II). Le questionnaire concernant ces dernières n’a pas été mis à jour. Sa deuxième édition date de juillet 2021. L’AFA précise les modalités de ses contrôles sur place et sur pièces en essayant de faire ressortir deux phases.

Peut-on justement rappeler les différentes étapes d’un contrôle AFA ?

Alexandre de Konn : Sur ce point, il y a une volonté de clarification de l’AFA. Une première phase du contrôle opéré vient vérifier la qualité et l’efficacité du dispositif. Cela se fait via un questionnaire adressé par l’AFA et la production de pièces. Les entités contrôlées ont un mois pour y répondre. Il y a ensuite des entretiens. Le guide précise aussi qu’un approfondissement du contrôle peut être décidé à ce moment-là de manière optionnelle avec de nouvelles demandes de productions de pièces ou des vérifications sur place.

Puis, une nouvelle phase de contradictoire débute. L’AFA envoie son rapport provisoire qui contient des recommandations adressées à l’opérateur économique. L’entité contrôlée à 2 mois pour présenter un projet de plan d’actions ou des observations. Elle peut aussi contester certains points. Si, par contre, l’entité n’apporte pas de réponse, le rapport de l’AFA devient définitif.

Sur la base de celui-ci, l’AFA va décider de la suite. S’il s’agit de personnes publiques, l’AFA formule des observations ou des recommandations. Pour les entités privées, par contre, des avertissements peuvent être émis avec saisine, s’il le faut, de la commission des sanctions qui pourra ensuite enjoindre la prise de mesures voire prononcer des sanctions pécuniaires.

Que dire sur la partie présentant les droits des représentants des entreprises contrôlées ? Que faire valoir face à l’AFA ?

Julie Pereira : Le but de l’AFA est de montrer ici que l’entité contrôlée est présente à chaque étape de la procédure. Elle est au cœur du contrôle. Cela passe par le fait qu’elle soit notifiée du début du contrôle par lettre LRAR (périmètre du contrôle, etc.). Mais également pendant tout le déroulé, l’AFA précise que le représentant désigné par l’entité contrôlée participe à l’ensemble des opérations et répond aux sollicitations des agents de contrôle.

Alexandre de Konn : Le résultat du contrôle doit être le plus inattaquable possible. A chacune de ces étapes, il y a plein d’opportunité pour l’entreprise et il faut les exploiter. De manière générale, Il faut se préparer et anticiper les contrôles. Il faut déjà se poser la question de savoir si on est susceptible d’être contrôlé parce que l’on est dans l’article 3 ou l’article 17 de la loi Sapin II. Il faut être vigilant sur les délais et ne pas laisser l’AFA sans réponse. Il faut appeler son avocat dès le début du processus.

Quelles sont les obligations à respecter méticuleusement ?

Alexandre de Konn : Il faut éviter l’entrave. Il ne faut pas faire obstacle aux activités des enquêteurs. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’à l’issue de tout cela, il y a une commission des sanctions potentielle. C’est un contrôle qui mérite d’être attentif. Il faut trouver le bon équilibre entre la coopération tout en restant prudent. Il faut analyser les documents avant de les donner aux enquêteurs. Lorsqu’on livre quelque chose, il faut être à même d’expliquer à quoi cela correspond ainsi que les éventuels trous dans la raquette. Et il faut montrer les mesures déjà mises en place pour corriger le tir.

L’AFA a également publié une mise à jour de son guide sur les conflits d’intérêts. Quelles sont les nouveautés ?

Le guide publié en novembre 2021 a été mis à jour au mois de juin. L’objectif est de tenir compte de la nouvelle définition du délit de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal). Cela interdit à une personne publique - un dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de services public ou un élu - de prendre, de recevoir, de conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont il a la charge. La loi du 22 décembre 2021, dite loi confiance dans l’institution judiciaire, a apporté une modification sur ce point. Le terme « quelconque » était très général selon la jurisprudence. Il pouvait s’agir d’un intérêt moral et la définition était volontairement « attrape tout ». Beaucoup d’élus se retrouvaient donc condamnés pour des problématiques de conflits d’intérêts. Le terme disparait au profit d’une nouvelle définition : l’intérêt doit être « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ». Les critères ne sont pas cumulatifs. Il n’y a pas besoin de démontrer qu’il y a eu réellement une interférence entre l’activité privée de l’élu et l’activité publique mais cela doit être « de nature » à le faire. Si un élu à un intérêt personnel dans une opération soumise à son autorité, on va considérer que c’est de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité. C’est cela que l’AFA a pris en compte. Ses services en ont aussi profité pour rajouter quelques exemples de jurisprudences.

 

 

Propos recueillis par Sophie Bridier
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