Peu d'annonces, processus de recrutement trop longs ou au contraire brutalement interrompus, etc. Dans sa chronique, Florent Appert, responsable juridique spécialisé en corporate et M&A en transition, nous dévoile les difficultés qu'un juriste senior peut rencontrer dans sa recherche d'emploi.
Plein emploi, record du nombre de recrutements pour 2019, etc. Et pourtant une transition professionnelle qui s’allonge. Ma perplexité n’a d’égale que l’incompréhension - mêlée de compassion - de mon entourage. Mon N+1 qui n’avait jamais changé d’entreprise en près de 15 ans de carrière me l’avait assuré lors de mon départ « négocié ». « Avec ton niveau, tu ne devrais pas avoir de problème pour retrouver du travail ». Effectivement, comment imaginer qu’avec plus de 15 années d’expérience en tant qu’avocat puis juriste d’entreprise en M&A, dans le secteur du numérique, un certificat de corporate finance en cours à HEC, cela soit aussi compliqué.
Un coup d’œil aux annonces de juristes en CDD et CDI sur les différents sites de recrutement spécialisés dans les métiers juridiques donnait une première indication. Si le volume était là, une forte - ceci est un euphémisme - tendance RGPD, contrat et compliance semble régner sur l’ensemble des offres. Certes, en recherche d’emploi comme dans d’autres domaines, il existe une loi universelle qui veut que l’on ne voie que ce qui ne vous concerne pas. L’expérience requise se situait généralement entre 4 et 8 ans. En tout cas, pas plus de 10 ans. Une étude du cabinet de recrutement Oasys démontrait d’ailleurs qu’au-delà de 45 ans, le marché n’existe plus. Après tout, les juristes sont peut-être comme les militaires, à chaque grade correspond un âge de départ à la retraite.
J’ai récemment parcouru avec enthousiasme, déception et amusement, dans cet ordre, un article intitulé « Top rémunérations : 7 postes cadres qui rapportent 10 000 € par mois ». Y figuraient les postes de juriste senior en M&A et de directeur juridique. Cela correspondait à mon profil. Un chasseur de tête y racontait avoir recruté un responsable juridique spécialisé en financement immobilier pour une rémunération s’élevant à plus de 120K€/annuel. La lecture de cet article devenait passionnante jusqu’à ce que l'auteur explique comment accéder auxdits postes... Par l’évolution interne !
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Au téléphone avec le RH ou le cabinet de recrutement, il m’est par ailleurs déjà arrivé de constater que le N+1 a exactement le même profil que moi, ce qui donne à l’entretien la dimension d’un incident spatio-temporel. Autre cas d’interruption prématurée, le consultant vous demande vos prétentions, vous abattez vos cartes et le consultant vous annonce, forcément un peu contrit que, si le poste requiert 7 à 10 ans d’expérience, la rémunération renvoie au niveau de vie d’un junior qui continuerait de vivre chez ses parents ou en colocation. Le candidat idéal serait donc un mix improbable entre Tanguy et un surdoué du droit avec un M2, un LLM, une école de commerce, le CAPA et la maturité professionnelle.
Quoiqu’il en soit, parvenant tout de même à répondre à des annonces ou à etre contacté par des cabinets de recrutement, je suis arrivé au niveau supérieur : les entretiens RH et N+1. En coupe du monde de football, cela correspond à la sortie des poules. Il y a une chance sur deux de se faire éliminer.
Arrive enfin l’entretien où, outre vos immenses qualités professionnelles, vos soft skills devraient vous permettre de faire la différence dans cette battle royal qu’est le marché de l’emploi. Un process de recrutement c’est à la fois un examen de compétences professionnelles, un concours, et presqu’un « date » car, en short list, sur 3 à 5 personnes aptes à tenir le poste, une seule sera retenue. Dans l’hypothèse, statistiquement la plus forte, où vous ne seriez pas retenu, vous recommencez non pas au début du niveau mais au début du jeu.
Certains retours post-entretiens vous permettent de comprendre ce qui allonge votre transition professionnelle. Parfois, c’est objectif. Le recruteur a fait évoluer sa réflexion. Il s’est orienté vers un profil un peu différent du vôtre et il l’a trouvé. Parfois c’est plus subjectif, en short list, c’est forcément une question de ressenti et de personne.
La transition professionnelle a ceci de déconcertant qu’elle vous fait prendre conscience du hiatus qui existe entre les discours, « plein emploi des cadres, recrutement en hausse des juristes », recherche d’une pensée out of the box, et la réalité. Avant 4 ans d’expérience et au-delà de 8 ans, peu d’annonces, des formulations de postes rappelant les QCM des examens de finance d’HEC, et des exigences par trop conventionnelles et ne laissant pas la place à des compétences transposables.
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