Climat : le Gouvernement contraint d'agir sous neuf mois

30.06.2021

Environnement

Le Conseil d'Etat enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires d'ici le 31 mars 2022 pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de GES de 40% d'ici 2030.

Saisi par la commune de Grande-Synthe et plusieurs associations, le Conseil d'État a, dans une décision du 19 novembre dernier, demandé au Gouvernement de justifier, sous trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires était compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 (CE, 19 nov. 2020, n° 427301).
Après la transmission de nouveaux éléments et une nouvelle audience publique, le Conseil d'État vient de rendre sa décision.
Il annule le refus implicite de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement "RRE" 2018/842 sur la répartition de l'effort.
En outre, il enjoint au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec lesdits objectifs de réduction avant le 31 mars 2022.
L'insuffisance de la réduction des émissions de GES en 2019 et 2020
Une réduction limitée en 2019
Le Conseil d'État relève qu'il ressort notamment des données provisoires collectées par le CITEPA que les émissions de GES nationales se sont élevées à environ 441 Mt CO2 eq. en 2019.
Certes, ce niveau d’émissions permet de regarder la France comme l'un des pays industrialisés les plus sobres en la matière. Il correspond au plafond indicatif annuel du 2e budget carbone (443 Mt CO2 eq.) et à une diminution de 0,9 % par rapport à 2018.
Toutefois, cette réduction apparaît limitée, alors que le 1er budget carbone (2015-2018) visait une diminution de 1,9 % par an et que le 3e budget carbone (2024-2028) prévoit une réduction de 3 % en moyenne par an, dès 2025.
Une réduction en 2020 faussée par la pandémie de Covid-19
Par ailleurs, si les données provisoires pour l’année 2020 mettent en évidence une baisse sensible du niveau des émissions pour cette année (environ 401 Mt CO2 eq.), cette baisse est intervenue dans un contexte de crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19, qui a conduit à une forte réduction du niveau d’activité et donc du niveau des émissions de GES.
Ainsi, cette réduction, significative, apparait néanmoins, ainsi que l’a relevé le Haut conseil pour le climat (HCC) dans son avis portant sur le projet de loi Climat de février 2021, comme "transitoire" et "sujette à des rebonds". Elle ne peut donc être regardée comme suffisant à établir une évolution des émissions de GES respectant la trajectoire fixée pour atteindre les objectifs de 2030.
La nécessaire accentuation des efforts
Si le 2e budget carbone se borne à prévoir une diminution des émissions de 6 % sur la période 2019-2023, une diminution de 12 % est prévue sur les cinq années suivantes (2024-2028) via le 3e budget carbone.
Dans ce contexte, le Conseil d'État observe qu'il ressort notamment de plusieurs rapports et avis publiés entre 2019 et 2021 par la formation d’autorité environnementale du CGEDD, par le CESE et par le HCC, que cette nouvelle trajectoire de diminution des émissions implique l’adoption de mesures supplémentaires à court terme pour être en mesure d’obtenir l’accélération de la réduction visée à partir de 2023.
Et le Conseil d'État de rappeler en outre la perspective du prochain relèvement de l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’Union européenne à l’horizon 2030 de 40 % à 55 % par rapport à leur niveau de 1990, qui a fait l’objet d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil en avril 2021 et qui vient d’être formellement adopté par ces deux institutions.
Précision : le 24 juin dernier, les députés européens ont en effet confirmé l’accord sur la neutralité climatique d’ici 2050, lequel porte l’objectif de réduction des émissions en 2030 de 40 à au moins 55%. Le 28 juin, le Conseil a adopté le texte qui, une fois signé, paraîtra au JOUE.
Le Conseil d'Etat enfonce le clou, considérant que le constat de la nécessité d’une accentuation des efforts pour atteindre les objectifs 2030 et de l’impossibilité, en l’état des mesures adoptées à ce jour, d’y parvenir n’est pas sérieusement contesté par la ministre de la transition écologique : dans les mémoires produits, la ministre met en avant les différentes mesures prévues par le projet de loi Climat et par les mesures réglementaires d'application à prendre le moment venu afin de soutenir qu’elles permettront, au total, avec les mesures déjà en vigueur, d’atteindre une diminution des émissions de l’ordre de 38 % en 2030, admettant ainsi que, sur la base des seules mesures déjà en vigueur, les objectifs de diminution des émissions fixés pour 2030 ne pourraient pas être atteints.
Remarque :  qui plus est, la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030  par rapport à leur niveau de 1990 (C. énergie, art. L. 100-4).
Ainsi, faute qu’aient été prises les mesures supplémentaires nécessaires pour infléchir la courbe des émissions de GES produites sur le territoire national, le refus opposé à la  commune de Grande-Synthe par le pouvoir réglementaire est incompatible avec la trajectoire de réduction des émissions fixée par le décret du 21 avril 2020 pour atteindre les objectifs de réduction fixés. La commune de Grande-Synthe est fondée à en demander l’annulation. 

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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