Comment communiquer sur le risque en interne ?

Comment communiquer sur le risque en interne ?

02.12.2021

Gestion d'entreprise

Il est souvent difficile d’alerter ses collaborateurs et sa direction sur l’existence d’un risque. Pédagogie auprès du management, désignation de référents, comités de validation… Plusieurs actions peuvent être mises en œuvre pour protéger le juriste. Quelques recommandations issues du Campus de l’AFJE organisé la semaine dernière.

« Si le risque est mal communiqué en amont, vous aurez beaucoup plus de chances de le payer très cher au cas où il se réalise », prévient Emmanuelle Hervé, fondatrice et dirigeante du cabinet EH&A spécialisé dans la communication sensible et la gestion de crise, lors de la conférence dédiée au risque et organisée au Campus 2021 de l’AFJE.

Tirer la sonnette d’alarme

Mal communiquer ou ne pas communiquer… L’impact peut être colossal. Sur le business déjà (pertes de contrats et de clients), les finances de l’entreprise (en cas de sanction pécuniaire) et sa réputation. « Perte de confiance de la population, mobilisation citoyenne », illustre la consultante. « Cela peut aller jusqu’à des grands boycotts de marques » voire – pire - des « boycott sectoriels ». Et regagner la confiance du public est « difficile ».

La perte de crédibilité vaut aussi pour le juriste en interne. « Une de ses ambitions au quotidien, c’est de faire preuve de transparence. Sans tirer la sonnette d’alarme pour un oui ou pour un non, sinon on perd toute crédibilité. Mais savoir communiquer quand un risque existe », recommande Laëtitia Ménasé, secrétaire général du groupe Canal+.

Alors, comment convaincre d’un risque qui émerge ? Tout d’abord, « dégager une méthodologie pour analyser les risques et les évaluer », indique Laëtitia Ménasé. Attention, « le risque n’est pas que juridique », explique Arnaud Douville, deputy group general counsel au sein du groupe Bureau Veritas. « Le risque juridique s’immisce partout : dans d’autres risques globaux, stratégiques ou opérationnels. Et ces risques n’ont pas nécessairement une origine juridique ».

 « Tous les jours, les entreprises sont confrontées à un tas de risques. Certains sont considérés comme faisant partie du business model » tandis que d’autres sont « moins bien appréhendés », selon le juriste. Il va donc falloir « collecter, lister les types de risques » et « prioriser ». Plusieurs outils d’évaluation peuvent aider à faire ce travail.

Ensuite, « vous n’avez pas d’autre choix que de faire de la pédagogie, de la vulgarisation. C’est de la petite maille mais c’est le seul moyen de déminer. Plus on démine tôt, mieux ça marche », recommande Emmanuelle Hervé.

« Ne pas faire exister un risque en l’écrivant »

« Au sein de l’entreprise, nos communications ne sont pas protégées par le secret professionnel », rappelle Laetitia Ménasé. Celle-ci recommande donc d’être extrêmement vigilant sur le fait de « ne pas faire exister un risque en l’écrivant ». Il faut voir au cas par cas, selon la « sensibilité du management ».

« Est-ce que la confiance est telle que si on déclare le risque à l’oral vous serez protégé ? », interroge-t-elle. Sinon, « il faut passer par les communications entre avocats. C’est absolument nécessaire et fondamental ».

Autre bonne pratique partagée par Emmanuelle Hervé : « ne rien écrire dans le corps du mail. Vous l’écrivez dans la pièce jointe, dans un fichier protégé par un mot de passe ». « Je suis parfaitement d’accord, c’est une sécurité à prendre au quotidien », abonde Laetitia Ménasé.

Et si le business décide de continuer alors que le risque a été mis en exergue par le juridique ? Un problème « quotidien » pour les juristes, soulève la directrice juridique de Canal +. « On ne vous reprochera jamais d’avoir mis en lumière le risque, peu importe la décision prise in fine. Ce qu’on vous reprochera c’est de l’avoir caché, minimisé ou de l’avoir mal identifié. La décision finale est liée à la stratégie de l’entreprise et la question juridique est un point de l’analyse. Mais pas seulement ».

Ce qui peut être « difficile à appréhender pour les jeunes juristes », concède-t-elle. « Parfois les règles ne sont pas parfaitement respectées car on ne peut pas le faire ». Pour protéger le juriste dans l'exercice de son métier, Laetitia Ménasé préconise de « mettre en place des comités de validation ».

Le risque peut être une opportunité

Pour circonscrire les risques les plus graves, elle juge essentiel de « nommer des référents qui sont en dialogue constant avec les régulateurs » et de « mettre en place des vademecum » en cas de contrôle.  « Il faut se préparer en amont pour savoir exactement qui contacter, ce qu’on peut donner ou pas comme document ». Et pour diffuser la bonne parole au sein des équipes, ces référents doivent « faire des actions de formation ».

« Les enjeux de la communication éclairée du juriste, c’est d’arriver à faire sentir que tout est dans la nuance, que le risque ne peut pas être annihilé mais qu’il peut être circonscrit ».

« Si on essaye à tout prix d’éviter le risque, on devient inaudible. Il faut aussi relativiser. On n’est pas en train de sauver des vies dans un hôpital. Il faut se dire que le risque est peut-être une opportunité ». Par la pédagogie faite auprès du management, le juriste est « le garant de l’éthique », conclut Laetitia Ménasé.

Leslie Brassac

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