Comment travaillent les directions juridiques en période de confinement ?

Comment travaillent les directions juridiques en période de confinement ?

26.03.2020

Gestion d'entreprise

Télétravail, communication avec ses équipes, dématérialisation des procédures, etc. Après plus d’une semaine passée en confinement, trois directeurs juridiques partagent leur expérience.

« Ma direction juridique est à 100 % en télétravail aujourd’hui. Nous assurons simplement un roulement pour passer au bureau afin, notamment, de relever le courrier », témoigne Béatrice Bihr, directrice juridique chez Teva Santé.

Une journée test avant le confinement

En vue d’une mise en œuvre généralisée du travail à distance chez France Télévisions Publicité, « une journée test » avait été organisée avant le confinement « afin d’étudier la charge en termes de connexion, de l’accès aux serveurs et aux applications métiers, etc. », explique Olivier Clary, directeur juridique du groupe. De l’anticipation également au sein de Clear Channel, « mais cela a été assez brutal », concède Patrick Remot, directeur juridique et conformité. « Car du jour au lendemain, l’entreprise a cessé son activité ». Et si la direction juridique « est considérée comme fonction clé dans cette période de crise », certaines personnes vont être mises au chômage partiel. « Notre assistante et puis, peut-être, deux autres juristes dans la ou les semaines qui suivent ».

Poster des vidéos amusantes sur WhatsApp

Mais comment communiquer avec son équipe en travaillant à distance ? Chez Teva Santé, la direction juridique a été amenée à utiliser des outils qui étaient peu utilisés ou « un peu considérés comme des gadgets ». « Skype nous permet d’avoir des échanges rapides, de savoir si les gens sont disponibles ou non, et également d’organiser des visioconférences ou de partager des documents », illustre Béatrice Bihr. La directrice juridique a par ailleurs créé un groupe WhatsApp « afin de diffuser des informations, mais surtout de maintenir les liens et de la convivialité » au sein de son équipe. Les membres y ont par exemple posté «  des photos de leurs espaces de travail, des vidéos amusantes ».

Une « responsabilité accrue » pour les managers
Il faut être particulièrement attentif à ses équipes de façon à voir rapidement si quelqu’un supporte mal ce confinement

Un avis partagé par Patrick Remot. « C’est un moment où il faut être particulièrement attentif à ses équipes de façon à voir rapidement si quelqu’un ne va pas bien, présente des signes de fatigue, supporte mal ce confinement ». Le directeur juridique conseille ainsi « d’organiser des réunions très régulières, voire des petits événements conviviaux par visio (café, apéro, par exemple). C’est important de  les voir. On peut mieux sentir s’ils vont bien, notamment au ton de leur voix, leur attitude ».  Pour Patrick Remot, la situation implique par ailleurs une « responsabilité accrue » pour les managers. « C’est une période extrêmement difficile et inédite donc on ne sait pas comment peuvent réagir les gens sur la durée. La solidité des équipes et leur capacité à rebondir vite après la crise en dépend totalement ».

Aucun mail envoyé avant 8h et après 20h
Etre à l’écoute des besoins et des contraintes de chacun, encore plus qu’auparavant

Attention toutefois à ne pas « saturer les collaborateurs de conférences téléphoniques tout au long de la journée », prévient Béatrice Bihr, qui porte une attention particulière au droit à la déconnexion. « Il n’est pas question, sauf urgence, de les joindre à n’importe quel moment ». Par exemple, aucun mail n’est envoyé avant 8h et après 20h, et la pause déjeuner est respectée. « La plupart des membres de l’équipe sont en famille. Ils doivent donc avoir la possibilité de préparer les repas pour leurs enfants et de se rendre disponibles pour eux. Il faut être à l’écoute des besoins et des contraintes de chacun, encore plus qu’auparavant ».

« Organiser des calls journaliers permet de conserver une fluidité d’information et de trancher rapidement sur des points qui nécessitent des avis rapides », estime par ailleurs le directeur juridique de Clear Channel. « Les demandes sont nombreuses et urgentes. Le risque est d’y répondre trop rapidement. Prendre suffisamment de recul, c’est aussi l’une des forces des juristes et des directions juridiques, ce que n’ont pas forcément les opérationnels sur les sujets ».

Prévoir la sortie de crise
Nous avons été confrontés à la question de la tenue des conseils d’administration et assemblées générales

Au sein de la direction juridique de France Télévisions Publicité, toutes les urgences ont été traitées. « Nous devons maintenant prévoir ce qu’il va se passer pour la sortie de crise », rapporte Olivier Clary. La direction juridique a notamment « étudié toutes les conséquences concernant l’application de la force majeure aux rapports contractuels ». « Nous avons également été confrontés à la question de la tenue des conseils d’administration et assemblées générales relatifs à l’approbation des comptes annuels. Nous attendons les textes qui seront bientôt publiés », explique le directeur juridique. Les juristes de Clear Channel se sont aussi penchés sur les contrats en cours. « Nous demandons la suspension, voire l’annulation, des effets d’un certain nombre de contrats (baux commerciaux, redevances versées aux collectivités etc.). Il faut bien déterminer en amont de l’envoi des courriers une position juridique commune sur ces problématiques », recommande Patrick Remot.

 
Scan et signature électronique

Pour faciliter les choses, « les scans électroniques de la signature de la présidente » sont utilisés « avec son autorisation expresse ». Le directeur juridique préconise « par ailleurs, pour marquer un accord, d’envoyer un mail et d’obtenir par retour l’accord formel du cocontractant sur les termes du contrat ou du mail échangé en indiquant que si les parties ont marqué leur accord, le contrat sera signé à la sortie du confinement. La signature au regard de la période est ainsi reportée à la date de fin du confinement ». Et cela « semble aussi convenir à [ses] cocontractants ».

Chez Teva Santé, la direction juridique a également assoupli certaines procédures afin d’éviter les contacts physiques. « Quand des documents doivent être signés, nous avons mis en place des signatures électroniques ou des échanges de consentement par emails », illustre la directrice juridique. Une solution également approuvée par le directeur juridique de France Télévisions Publicité. « Nous sommes en train d’adapter notre solution de signature électronique de façon beaucoup plus poussée. Cela nous permet de signer les contrats à distance, mais également tout document interne ». Des outils « bien rodés », mais le directeur juridique ne souhaite pas s’arrêter là. « Nous réfléchissons à nous doter de nouveaux outils, par exemple pour le conseil d’administration. Nous sommes en train de les tester cette semaine ».

Leslie Brassac

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