Compatibilité d'une législation nationale d'exception « covid-19 » avec le règlement sur l'injonction de payer européenne
27.09.2022
Gestion d'entreprise

Les dispositions harmonisées du règlement (CE) n° 1896/2006 prévoyant un mécanisme d'opposition à une injonction de payer européenne ne s'opposent pas à l'application complémentaire d'une réglementation nationale adoptée dans le contexte de la pandémie de covid-19 et ayant interrompu temporairement les délais procéduraux en matière civile.
Comme de nombreux autres États, l’Autriche avait adopté, au plus profond de la crise du covid-19, une loi visant à accompagner la justice face aux mesures de gestion de la pandémie. Dans les procédures judiciaires en matière civile, tous les délais procéduraux ayant commencé à courir après le 21 mars 2020 ou n’ayant pas encore expiré à cette date ont été interrompus jusqu’au 30 avril 2020, pour recommencer à courir le 1er mai 2020. Dans ce contexte, la juridiction autrichienne a été confrontée à l’articulation incertaine entre cette législation procédurale d’exception et le droit judiciaire de l’Union européenne à travers le règlement (CE) n° 1896/2006 sur l’injonction de payer européenne (Règl. (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, 12 déc. 2006 : JOUE n° L 399, 30 déc., dit « règlement IPE »). Alors qu’un premier juge avait émis, à la demande d’une compagnie autrichienne d’assurance, une IPE à l’encontre d’une personne résidant en Allemagne, cette dernière a formé opposition. Le juge l’a rejetée au motif que l’opposition n’avait pas été formée dans le délai de 30 jours fixé à l’article 16, § 2 du règlement IPE. Le requérant a alors contesté ce rejet.
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Demande d’interprétation
La Cour suprême autrichienne interroge la CJUE sur l’interprétation des articles 16, 20 et 26 du règlement IPE aux fins de savoir s’ils s’opposent à l’application de la loi nationale d’exception précitée qui a interrompu durant 5 semaines environ les délais procéduraux en matière civile. Cette interruption pouvait-elle s’ajouter au délai de 30 jours, imparti par l’article 16, § 2 du règlement au défendeur pour former opposition à une IPE ?
La problématique juridique sous-jacente est donc celle de la place laissée au droit procédural national dans la mise en œuvre du droit procédural commun de l’Union.
Termes du débat interprétatif
La doctrine autrichienne est partagée entre deux lectures du règlement IPE dans son articulation avec la législation d’exception « covid-19 ». Pour certains, il faudrait exclure l’addition du délai national de suspension au délai d’opposition de l’article 16 qui serait exhaustif et se tourner vers la procédure de réexamen de l’article 20 susceptible de conduire à l’annulation de l’injonction, notamment dans les cas de circonstances extraordinaires, tels que la crise du covid-19. Pour d’autres, à l’inverse, la question de l’interruption éventuelle du délai de l’article 16 n’a pas été réglée par le droit de l’Union et permet une combinaison avec le droit national complémentaire, sur le fondement de l’article 26 qui prévoit l’application subsidiaire du droit interne pour les questions procédurales non réglées par le règlement.
C’est cette seconde position que suit la CJUE, autorisant une lecture combinée du droit uniforme de l’Union et des modalités procédurales nationales additionnelles. Cette lecture est bienvenue car elle permet d’intégrer en souplesse les modalités procédurales nationales particulières, aujourd’hui en lien avec la pandémie, mais certainement demain dans un autre contexte procédural interne, à la condition fondamentale que les droits de la défense soient respectés et l’équilibre procédural défini par le règlement IPE ne soit pas rompu.
Raisonnement interprétatif de la CJUE
La Cour procède d’abord à une double analyse téléologique des mécanismes d’opposition et de réexamen. Le premier – l’opposition – « vise à compenser le fait que le système instauré par le règlement no 1896/2006 ne prévoit pas la participation du défendeur à la procédure européenne d’injonction de payer, en lui permettant de contester la créance après la délivrance de cette injonction de payer européenne » (point 24). Partant, elle permet de « garantir le respect des droits de la défense, consacrés à l’article 47, deuxième alinéa de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » (point 24). Le réexamen, quant à lui, est ouvert au défendeur une fois le délai pour former opposition écoulé et uniquement dans des cas exceptionnels. Cette disposition doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte. Selon la Cour, il s’agit « [de] circonstances propres à la situation individuelle du défendeur concerné, […] par exemple, le cas d’une affection ou d’une hospitalisation […] [de ce dernier], liée [au] coronavirus, qui l’aurait empêché d’exercer son droit d’opposition dans le délai prévu » (point 32). Il faut donc exclure les « circonstances extraordinaires de nature systémique, telles que celles liées à la survenance de la pandémie de COVID-19, ayant affecté, de manière généralisée, le fonctionnement et l’administration de la justice » (point 34).
Ensuite, la Cour analyse la part du droit procédural uniformisé par le règlement IPE et la part laissée aux droits nationaux, dans le contexte de la procédure d’opposition et à la lumière de l’article 26 précité. Il apparaît alors que les causes d’interruption ou de suspension du délai d’opposition pendant l’écoulement de celui-ci ne sont pas harmonisées (point 35), permettant à la loi nationale d’intervenir en application du principe d’autonomie procédurale et institutionnelle.
Enfin, la Cour devait s’assurer que ce retour au droit national ne porte pas atteinte à l’effet utile du droit de l’Union. Elle opère à cette fin le double test d’équivalence et d’effectivité. D’une part, la loi autrichienne d’exception s’applique indistinctement à tous les délais procéduraux dans les affaires civiles et assure donc une égalité procédurale entre procédure interne et européenne. D’autre part, le droit procédural autrichien ne porte pas atteinte à l’équilibre que le règlement IPE entend assurer entre les droits respectifs du demandeur et du défendeur dans le cadre d’une procédure européenne d’injonction de payer. Il permet en effet de « garantir le respect des droits de la défense du défendeur » dans le contexte particulier de la pandémie du covid-19, sans pour autant « rendre excessivement difficile le recouvrement rapide et efficace des créances en cause » puisque la période d’interruption du délai a été « limitée au strict nécessaire » (point 38).
Partant, la Cour conclut que les dispositions procédurales autrichiennes peuvent être valablement combinées avec le mécanisme d’opposition du règlement IPE.
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