Compétence exclusive du juge-commissaire pour apprécier la régularité d'une déclaration de créance

21.03.2023

Gestion d'entreprise

Le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.

Une banque consent à une société plusieurs prêts garantis par deux époux qui se sont portés cautions solidaires et ont consenti une hypothèque sur certains de leurs biens. Une procédure de redressement judiciaire étant ouverte à l'égard de la société, la procédure est étendue aux deux époux cautions pour confusion de patrimoine. Ceci conduit la banque à effectuer une première déclaration de créances au passif de la société et, une autre, au passif des époux cautions. Ces deux déclarations comportent les prêts susmentionnés et d'autres créances.

S’agissant des autres créances déclarées par la banque, elles donnent lieu à un long contentieux générant deux saisines de la Cour de cassation et deux renvois en cour d’appel. À la suite de l’adoption d’un plan de continuation, la cour d'appel de renvoi, saisie de la contestation des créances au passif de la société, sursoit à statuer dans l'attente de l'issue d’un pourvoi sur la résolution du plan. Par un arrêt distinct, elle constate la péremption d'instance. La banque fait alors délivrer aux époux cautions un commandement aux fins de saisie-vente, lequel est contesté devant un juge de l'exécution.

Dès lors se pose la question de savoir si le juge de l’exécution est compétent pour trancher de la régularité de la créance liée à la saisie-vente.

La réponse pour les juges d’appel est nette. La contestation de la déclaration de créance relève exclusivement de la compétence du juge-commissaire. Elle n'est donc pas recevable devant la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution.

Les époux cautions se pourvoient en cassation et soutiennent, au contraire, que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit (à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire). Selon eux, il appartenait donc au juge de l'exécution de se prononcer sur la régularité des déclarations des créances effectuées par la banque dans le cadre de l'extension de la procédure collective aux époux, puisque les créances litigieuses fondent les poursuites dirigées contre eux.

En jugeant que la demande de la nullité de la déclaration de créance élevée dans le cadre de la contestation devant le juge de l'exécution était irrecevable, quand elle avait pourtant été élevée à l'occasion de l'exécution forcée, la cour d'appel aurait ainsi violé l'article L. 231-6 du code de l'organisation judiciaire.

La Cour de cassation n’accueille pas cette argumentation et rejette le pourvoi. Elle réaffirme une solution désormais bien établie fondée sur l’article L. 624-2 du code de commerce. Le juge-commissaire demeure seul compétent pour statuer sur la régularité de la déclaration de la créance et décider de son admission ou de son rejet (Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-22.650, n° 364 B Cass. com., 27 oct. 2022, n° 21-15.026, n° 759 B). Au visa de ce texte, la Cour de cassation décide donc que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirme ainsi le « quasi-monopole » du juge-commissaire dans le domaine de la vérification des créances.

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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