Compte courant d'associé : remboursement immédiat en l'absence de clause contraire

27.09.2023

Gestion d'entreprise

Un associé est fondé à demander à la société qu'elle lui rembourse son avance en compte courant immédiatement dès lors qu'en dépit des prescriptions statutaires, aucune décision collective n'a été prise pour établir les conditions de ce remboursement.

L’associé d’une SCI assigne celle-ci en remboursement du solde créditeur de son compte courant d’associé. Le juge de première instance accueille favorablement sa demande au motif qu’aucune condition particulière n’avait été fixée par la SCI pour le retrait des sommes mises à sa disposition.

Saisi par la SCI, le juge d’appel énonce le principe selon lequel un associé peut à tout moment obtenir restitution des avances en compte courant consenties à la société. Il est en effet de jurisprudence constante que les avances en compte courant s’analysent en prêts à durée indéterminée qui peuvent être rompus par chacune des parties à tout moment ; toutefois, ce principe ne vaut qu’à défaut de stipulation statutaire ou conventionnelle contraire (Cass. com., 24 juin 1997, n° 95-20.056  ; Cass. 3e civ., 3 mai 2018, n° 16-16.558 ; Cass. com., 20 oct. 2021, n° 20-15.736). Or une clause des statuts de la SCI disposait que les conditions de retrait des sommes mises à disposition de la société par les associés seraient « fixées par décision collective », ce que la société n’a pas manqué d’invoquer pour s’opposer au remboursement en faisant valoir qu’une décision collective s’imposait en toute hypothèse.

Il appartenait donc au juge d’interpréter cette clause statutaire, introduite lors de la constitution de la société en 2003. La cour d’appel rappelle d’abord les règles générales en la matière qui imposent au juge de retenir le sens que donnerait à la convention toute personne raisonnable et, dans le doute, de privilégier une interprétation en faveur du débiteur. Elle retient ensuite que si les conditions de retrait auraient pu faire l’objet d’une décision d’assemblée des associés, ceux-ci n’ont, à la date de la demande (soit 14 ans après l’introduction de la clause litigieuse), pas statué sur la question. Il en est déduit que la clause statutaire ne peut être analysée comme une condition préalable rendant irrecevable la demande en remboursement de l’associé. La condamnation de la SCI à rembourser la somme réclamée est confirmée.

Si elle n’étonne pas au regard du principe selon lequel l’avance en compte courant est remboursable à tout moment sauf clause contraire, la solution mérite d’être signalée au regard de l’interprétation de la clause statutaire invoquée par la SCI en l’espèce, qui est fréquente en pratique. Dans une autre affaire, la cour d’appel de Paris a jugé que la clause renvoyant à une décision des associés le soin de fixer les modalités de remboursement d’une telle avance interdisait à l’associé de demander ce remboursement en justice sans consultation des autres associés (CA Paris, ch. 5-9, 18 juin 2015, n° 14/16133).

Myriam Roussille, Professeur agrégée des facultés de Droit, Université du Maine, IRJS-Sorbonne Finance

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