Concurrence et commerce en ligne de médicaments

29.04.2016

Gestion d'entreprise

L'autorité de la concurrence désapprouve les projets d'arrêtés ministériels visant à réglementer le commerce en ligne de médicaments.

L’Autorité de la concurrence (ADLC) rend un avis défavorable en réponse à la demande du ministre de l’économie du 26 janvier dernier, fondée sur l’article L. 462-2 du code de commerce, concernant deux projets d’arrêtés relatifs : l’un aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, l’autre aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments.

Gestion d'entreprise

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Règles applicables à la vente en ligne de médicaments

Depuis l’arrêt du 11 décembre 2003 de la CJUE rendu dans l’affaire Deutscher Apothekerverband, un État membre ne peut adopter ou maintenir des mesures ayant pour effet d’empêcher le commerce en ligne de médicaments non soumis à prescription, à tout le moins lorsque l’offre provient d’acteurs établis dans un autre État membre de l’UE (CJUE 11 déc. 2003, aff. C-322/01).

► En application de cet arrêt, la France est donc dans l’obligation d’accepter l’offre en ligne de médicaments non soumis à prescription, proposée par des opérateurs établis dans un autre État membre.

C’est pourquoi la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011, qui vise à harmoniser les régimes relatifs à l’offre de médicaments non soumis à prescription, impose aux États membres de permettre la vente à distance au public de tels médicaments au moyen de services électroniques. Elle a été transposée en France par l’ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 qui prévoyait la possibilité pour le ministre des affaires sociales et de la santé d’adopter des règles de bonnes pratiques relatives à la vente en ligne de médicaments.

Un premier projet d’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique avait été soumis pour avis à l’Autorité de la concurrence en 2013. Dans son avis n° 13-A-12  du 10 avril 2013 sur ce projet, l’Autorité identifiait un ensemble d’interdictions et de dispositions trop restrictives de concurrence, et émettait, en conséquence, plusieurs recommandations partiellement prises en compte dans un arrêté du 20 juin 2013. Dans un autre avis n° 13-A-24 du 19 décembre 2013, l’ADLC approuvait cet arrêté au motif :

- qu’il autorisait désormais la vente sur le même site internet de médicaments et de produits de parapharmacie ;

- que le pharmacien était dès lors en mesure de fournir au consommateur une offre diversifiée ;

- et qu’en outre, il jouissait d’une liberté tarifaire.

Mais par décision du 16 mars 2015, le Conseil d’État annulait l’arrêté du 20 juin 2013 au double motif qu’il contenait des règles excédant le champ de l’habilitation conférée au ministre par l’article L. 5121-5 du code de la santé publique et qu’il n’avait pas été notifié à la Commission européenne (CE 16 mars 2015, n° 370072, n° 370721, n° 370820).

Les deux projets d’arrêtés au regard de la concurrence

Le projet d’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation de médicaments par voie électronique vise, d’une part, à établir de telles pratiques conformément à l’article L. 5121-5 du code de la santé publique et précise, d’autre part, les missions du pharmacien découlant de l’article R. 4235-48 du même code qui définit l’acte de dispensation du médicament.

Le projet d’arrêté concernant les règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments tend à définir de telles règles relatives à la protection des données de santé, aux fonctionnalités des sites et aux modalités de présentation des médicaments.

Après avoir rappelé son attachement au développement du commerce électroniquee, l’ADLC souligne que, s’ils étaient adoptés, les projets d’arrêtés soumis à son examen auraient deux conséquences négatives :

- en alourdissant considérablement, et sans réelle justification, la vente en ligne de médicaments, ce qui conduirait inévitablement à la fermeture de cyber-pharmacies françaises présentant de vraies garanties de sécurité pour les patients ;

- et en rendent la commande en ligne trop longue et fastidieuse, augmentant par là-même de façon déraisonnable le temps de latence des consommateurs consultant le site d’une pharmacie française.

Selon l’Autorité, l’adoption du dispositif instauré par les projets d’arrêtés pousserait les consommateurs à délaisser les sites français sécurisés pour privilégier des sites étrangers francophones plus attractifs, car plus faciles d’utilisation et plus rapides dans le traitement de leur commande, et non soumis aux règles déontologiques des pharmaciens français, ni au contrôle des agences régionales de santé, ni aux "bonnes pratiques". Ces projets conduiraient donc à limiter l’attractivité et la compétitivité de l’offre française face à celle de sites étrangers qui gagneraient en parts de marché et en emplois marchands au détriment des sites français et des officines françaises. Les patients français risqueraient ainsi de recourir à des sites non autorisés beaucoup plus souples dans leur utilisation.

De façon paradoxale, les projets d’arrêtés menacent directement le réseau embryonnaire de cyber-pharmacies françaises, et incitent les patients souhaitant  procéder à des achats de médicaments sur internet à se tourner vers des sites qui ne présentent aucune des garanties que ces textes prétendent défendre.

► Dans ces conditions, l’Autorité émet un avis défavorable sur les projets d’arrêtés qui lui sont soumis et considère qu’ils devraient faire l’objet de changements substantiels.

Max Vague, Docteur en droit, Maître de conférence des universités, Avocat
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