Condamnation historique de l'Etat pour préjudice écologique lié à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques

Condamnation historique de l'Etat pour préjudice écologique lié à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques

20.07.2023

HSE

Il est reconnu l'existence d'un préjudice écologique résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques, du déclin de la biodiversité et de la biomasse et de l'atteinte aux bénéfices tirés par l'homme de l'environnement.

C’est une décision « historique » que vient de rendre le tribunal administratif de Paris, dans le cadre de l’affaire « Justice pour le vivant », condamnant l’Etat à réparer d'ici à un an un préjudice écologique lié à l'utilisation massive des pesticides dans l'agriculture, accusée de causer un effondrement de la biodiversité et de la biomasse. Le tribunal retient que l’Etat a commis deux fautes, en méconnaissant d’une part, les objectifs qu’il s’était fixés en matière de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques et, d’autre part, l’obligation de protection des eaux souterraines et juge que le préjudice écologique présente un lien direct et certain avec ces fautes.
Dans cette affaire, les associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) avaient demandé la condamnation de l’Etat à réparer le préjudice écologique causé par ses carences et insuffisances en matière d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, de réexamen des autorisations et de protection de la biodiversité contre les effets de ces produits et à mettre un terme à l’ensemble de ces carences et insuffisances.

Précision : en vertu de l’article 1246 du code civil, toute personne responsable d'un préjudice  écologique est tenue de le réparer. Le préjudice écologique consiste en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de  l'environnement (C. civ., art. 1247).  L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute  personne ayant  qualité  et  intérêt  à  agir,  telle  que  l'Etat,  l'Office  français  de  la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi  que  les  établissements  publics  et  les  associations  agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement (C. civ., art. 1248). Les associations, agréées ou non, qui ont pour objet statutaire la protection de la nature et la défense de l’environnement ont qualité pour introduire devant la  juridiction administrative un recours  tendant à la réparation du préjudice écologique.
Moyens visant à caractériser le préjudice écologique

Selon les associations requérantes, l’État est responsable d’un préjudice écologique de par ses carences en matière d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, de réexamen des autorisations et de protection de la biodiversité contre les effets de ces produits.
Etayés par de nombreux moyens de preuves issus notamment du non-respect des objectifs réglementaires fixés par l’Etat, elles soutiennent :

  • que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques entraîne la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols, ce qui n’est pas contesté par les pouvoirs publics ;
  • que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est à l’origine du déclin de la biodiversité et du déclin de la biomasse et particulièrement de l’entomofaune (partie de la faune constituée par les insectes et les autres arthropodes) ;
  • que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques porte atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement, la population étant exposée à ces substances nocives et estimant que 10 % des  salariés agricoles étaient exposés à des produits  chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ;
  • une carence fautive de l’Etat qui n’a pas pris les mesures nécessaires à la protection de  la biodiversité, au respect des principes de précaution et de solidarité écologique, dans le cadre des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits  phytopharmaceutiques,  dans  la  gestion  et  le  suivi  des  risques associés à ces produits, alors que la réglementation européenne fixée par le règlement (CE) n°1107/2009 du 21 octobre  2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et le règlement (UE) n° 546/2011 portant application de ce règlement en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques n’y fait pas obstacle et donne même de telles possibilités aux Etats ;
  • une carence fautive de l’Etat dans la mise en œuvre des politiques de réduction des utilisations, des risques et effets des produits phytopharmaceutiques notamment dans le cadre du plan Ecophyto. Il n’est pas contesté que les objectifs ne sont pas atteints ;
  • une carence fautive dans son obligation de protection des eaux souterraines et de surface contre les incidences des produits phytopharmaceutiques ainsi que dans son obligation d’amélioration de leur état chimique. La présence de substances de synthèse liées à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est la principale cause de détérioration de l’état chimique des eaux souterraines. L’Etat n’ayant pas atteint les objectifs qu’il s’est fixé en matière de réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, le caractère direct et certain du lien entre  le  préjudice  écologique  résultant  de  la  contamination  des  eaux  souterraines  par ces substances actives et la carence fautive de l’Etat à respecter ses objectifs doit être regardé comme établi.
Condamnation de l’Etat à réparer le préjudice écologique avant juin 2024

Le tribunal administratif de Paris ayant reconnu le préjudice écologique, l’Etat est condamné à prendre toutes mesures utiles pour que sa réparation soit effective avant le 30 juin 2024 au plus tard. Cela devra concerner :  

  • la diminution de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto ;
  • la restauration et la protection des eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques, en particulier contre les risques de pollution.

L’Etat devra également verser un euro symbolique à chacune des associations requérantes au titre du préjudice moral subi.

Pas de remise en cause de l’organisation de l’ANSES

Les associations requérantes estimaient également que la procédure de suivi et de surveillance des effets des produits phytopharmaceutiques autorisés par l’ANSES est insuffisante en raison d’un  manque de moyens  humains  et  financiers. Cet argument n’est pas retenu par le tribunal qui considère que le lien entre les modalités d’organisation de l’Agence et le préjudice n’est pas établi. Le ministère en a également profité pour rappeler que la publication de fiches de pharmacovigilance ne procède d’aucune obligation légale ni réglementaire. Ces fiches sont renseignées à mesure des réexamens auxquels il a été procédé depuis leur création en 2015 et qu’elles ne reflètent pas l’ensemble des données dont dispose l’ANSES.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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