Conditions de validité des constats d'huissier sur internet

15.02.2019

Gestion d'entreprise

Le constat, qui mentionne que l'huissier s'est connecté au site internet via un moteur de recherche pour y trouver l'enregistrement litigieux, le télécharger, l'enregistrer sur un support distinct et en retranscrire les termes, n'a pas force probante.

Les constats d’huissier de justice sur internet doivent répondre à un certain nombre de règles techniques destinées à garantir leur fiabilité et à leur assurer une force probatoire. La chambre criminelle de la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel qui liste, au titre de ces règles impératives, la description précise du matériel utilisé, la mention de l’adresse IP de connexion, la désactivation de la connexion par serveur Proxy et la suppression de l’ensemble des fichiers temporaires stockés sur l’ordinateur ayant servi aux opérations de constat.

En l’espèce, le président d’une région d’outre-mer et la collectivité territoriale elle-même font citer, devant le tribunal correctionnel, une personne en raison de propos qu’elle aurait tenus à l’antenne d’une station de radio, sur le fondement d’un constat d’huissier retranscrivant ces propos. Pour ce faire, l’huissier a visionné l’émission en « podcasts » sur internet.

Les juges du fond estiment que ledit constat est dépourvu de toute valeur probante et déboutent de leurs demandes les parties civiles. Pour refuser l’authenticité aux constatations de l’huissier de justice, la cour d’appel énumère les règles techniques qui permettent de garantir la fiabilité et la force probatoire du constat d’huissier sur internet ; ces règles permettant d’éviter que le matériel utilisé ne vienne interférer avec le contenu du site internet sur lequel le constat est effectué. La cour d’appel exige, pour cela, la description précise du matériel utilisé, la mention de l’adresse IP de connexion, la désactivation de la connexion par serveur Proxy et la suppression de l’ensemble des fichiers temporaires stockés sur l’ordinateur. Or, le constat produit aux débats mentionne seulement que l’huissier s’est connecté au site internet par l’intermédiaire d’un moteur de recherche, y a trouvé l’enregistrement litigieux, l’a téléchargé, enregistré sur un support distinct et en a retranscrit les termes. La cour en déduit que, faute de respect de ces impératifs techniques, l’authenticité des propos enregistrés par l’huissier ne peut être tenue pour certaine et déboute les parties civiles de leurs demandes.

Pour ces dernières, la cour d’appel ne s’est pas expliquée sur le fondement juridique de sa décision en refusant toute force probante au constat d’huissier de justice au motif qu’il ne respectait pas un certain nombre d’impératifs techniques, qui ne sont pourtant prévus par aucun texte, et alors que la preuve est libre en matière pénale.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle juge que les faits et circonstances de la cause et les éléments de preuves contradictoirement débattus devant la cour d’appel relevaient de son appréciation souveraine.

Remarque : même si la Cour de cassation laisse au juge du fond l’appréciation selon les faits de la valeur du constat d’huissier, les critères techniques énumérés dans cette décision doivent être pris en compte par les huissiers de justice lors des constatations sur internet. La norme élaborée par l’agence française de normalisation (AFNOR) NF Z67-147 relative au mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par huissier de justice, publiée en septembre 2010, reprend, notamment, les critères élaborés par la jurisprudence.
Jean-Yves Borel, Conseiller scientifique Dictionnaire permanent Recouvrement de créances et procédures d'exécution

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