Confidentialité du mandat ad hoc à l'égard de l'expert comptable lors de l'examen des comptes annuels

05.11.2019

Gestion d'entreprise

L'absence de communication à l'expert de documents ayant trait au déroulement du mandat ad hoc ne constitue pas un trouble manifestement illicite.

La mission du mandataire ad hoc fait l’objet d’une grande confidentialité. Cette obligation est posée par l’article L. 611-15 du code de commerce. Elle s’applique à toute personne qui, par ses fonctions, aurait connaissance de ladite procédure. La chambre sociale de la Cour de cassation vient préciser que la règle est opposable à la demande des documents nécessaires à la mission d’un expert comptable mandaté pour l’examen des comptes annuels lors du déroulement de la procédure de prévention.

Un comité de groupe recourt à l’assistance d’un cabinet d’expertise comptable pour l’examen des comptes annuels de 2015. La mission de l’expert a été étendue à l’examen des comptes annuels de 2016 par une décision de janvier 2017. Le comité de groupe et l’expert saisissent le juge des référés pour obtenir, notamment, communication par la société des documents ayant trait à la désignation du mandataire ad hoc en novembre 2016, à la recherche de possibles repreneurs et aux cessions d’actifs envisagées. L’expert fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de communication d’informations complémentaires.

Les documents dont la communication était sollicitée par l’expert tels qu’énumérés dans la demande étaient les marques d’intérêts ou lettre d’intention des acquéreurs potentiels, les offres fermes éventuelles, le calendrier du processus de cession et les audits de cession éventuels (Vendor Due Diligence). Ces documents avaient trait au mandat ad hoc mis en oeuvre en novembre 2016 par la société.

En application des articles L. 611-3 et L. 611-15 du code de commerce, la cour d’appel qui a constaté, par ailleurs, que la société avait transmis à l’expert en octobre, novembre 2016 et en janvier 2017 les informations comptables et financières et les informations sociales du groupe pour lui permettre de remplir sa mission, sans que l’expert n’apporte la preuve contraire puisqu’il ne détaillait pas les éléments qui seraient manquants, a pu en déduire l’absence de trouble manifestement illicite.

En vertu des textes susvisés sur le mandat ad hoc, doit être respectée une obligation de confidentialité justifiée par la discrétion nécessaire sur la situation de l’entreprise concernée et sur les éventuelles négociations entre dirigeants, actionnaires, créanciers et garants de celle-ci. Il résulte tant de ses fondements que de l’objectif même de la procédure de mandat ad hoc que son caractère confidentiel s’attache non seulement à la requête mais également aux documents ayant trait à la procédure mise en oeuvre et, notamment, à la cession envisagée, qui ne mettent pas en cause seulement la société mais également les créanciers et les repreneurs éventuels nécessairement impliqués dans cette procédure.

Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, il est expressément prévu par l’article L. 611-3 que le débiteur n’est pas tenu d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de la désignation d’un mandataire ad hoc. Cette disposition est transposable au comité de groupe ainsi qu’au conseil social et économique. On relèvera qu’il n’en est pas de même pour le commissaire aux comptes, qui doit en être informé.

La décision de la chambre sociale précise que cette confidentialité s’applique également lors du déroulement de la procédure rejetant ainsi le premier moyen du pourvoi. Le comité de groupe et l’expert comptable faisait une interprétation restrictive des textes en considérant que l’exception à l’obligation générale de l’employeur d’informer les représentants du personnel et l’expert de tout élément affectant la marche de l’entreprise ne concernait que la seule

désignation du mandataire ad hoc. Ils s’appuyaient ensuite sans plus de réussite sur les textes du code du travail relatifs au droit de communication de l’expert des documents nécessaires à l’exercice de sa mission (C. trav. L. 2334-4)  et sur l’obligation de secret et de discrétion auquel il est soumis (C. trav. L. 2325-42). Pour la Cour de cassation, les juges du fond avaient pris soin de vérifier, au regard des documents « nécessaires » que des informations n’étaient pas manquantes et par conséquent, l’absence de trouble illicite.

La seule exception faite à l’obligation de confidentialité par la Cour de cassation, est celle relevant de la liberté de la presse dès lors que l’information divulguée contribue à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général (Cass. com., 13 juin 2019, n° 18-10688, n° 559 P+B, en dernier lieu).

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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