Le télétravail total est mis en place brusquement pour de nombreux salariés. Une rupture de rythme de vie source de risques psychosociaux, que l'employeur doit anticiper. Alexis Peschard, addictologue et Jamila El Berry, avocate spécialiste en santé au travail alertent sur les risques en matière de conduites addictives liées à cette situation inédite.
Le confinement forcé a contraint massivement les salariés à adopter, parfois dans l’urgence, une nouvelle organisation du travail. Une situation loin d’être anodine en termes d’impact sur la santé physique et psychique. Car la modification du rythme et parfois même du cadre de vie (pour certains salariés ayant choisi de vivre leur confinement dans une autre ville, par exemple) est un facteur qui peut augmenter l’usage de substances psychotropes, explique Alexis Peschard, addictologue et président de GAE Conseil, cabinet d’experts de la prévention des addictions au travail.
"Avec le confinement, on observe une augmentation des troubles de l’humeur liée à la détérioration du rythme de vie. La crise actuelle crée également de l’incertitude sur l’avenir et de l'ennui. Tous ces facteurs génèrent habituellement une croissance considérable des risques de pratiques addictives : consommation d’alcool, de tabac, de cannabis, temps passé sur les jeux, les sites de paris en ligne...". Première cible à risque : les salariés placés en télétravail total du jour au lendemain.
Isolés socialement de leur entourage professionnel, les télétravailleurs voient leurs méthodes de travail être modifiées brusquement, en reposant exclusivement sur l'utilisation d'outils informatiques dont ils n’ont pas forcément l’habitude. Ils doivent aussi conjuguer vie professionnelle et vie personnelle au sein même de leur domicile, ce qui peut s’avérer compliqué pour les salariés parents. "La situation amène parfois ces salariés à des questionnements angoissants, explique Alexis Peschard. Vais-je toujours avoir du travail dans les semaines à venir ? Que vais-je faire ? Quel est le sens de mon travail ? Et finalement, à quoi je sers ? C’est un terreau favorable à la consommation de produits addictifs." Une situation critique en matière de risques psychosociaux que les entreprises devront garder en tête dans les prochaines semaines.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Car ce n’est pas parce que le salarié n’est plus dans les locaux que l’employeur ne doit plus veiller à assurer sa santé et sa sécurité. Et les risques accrus pour les salariés se doublent d’un risque juridique, pour l’entreprise cette fois. Alexis Peschard a sollicité l’expertise d’une avocate spécialisée dans les questions de santé et sécurité en entreprise, Jamila El Berry. Ils développent actuellement une ligne d’écoute destinée aux entreprises afin de proposer conseils en management et actions de prévention des addictions dans ce contexte particulier.
"Les obligations inhérentes à tout contrat de travail ne disparaissent pas, rappelle l’avocate, elles se poursuivent en situation de télétravail. Les employeurs ne sont pas exonérés de leurs obligations en matière de sécurité physique et mentale des salariés. Cette réalité a été occultée des communications du ministère du travail prônant le télétravail."
Au quotidien, c'est le manager direct qui sera le plus à même de détecter et prévenir tout changement de comportement. "Tout ce qui diffère de la personnalité habituelle du salarié peut alerter, indique Alexis Peschard. Excitation, logorrhée verbale, sursolliciter son entourage professionnel, vouloir absolument se rendre indispensable, travailler en dehors de ses horaires habituels... Ou au contraire adopter un comportement en retrait, moins jovial, être refermé sur soi. Les appels en visio peuvent évidemment permettre de mieux détecter ces signes."
L’avocate conseille globalement aux employeurs de s’assurer que les salariés sont bien informés des règles applicables en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise. "Je recommande de transmettre à nouveau aux salariés le règlement intérieur de l’entreprise, en rappelant qu’il s’applique toujours dans ce contexte de télétravail. Si l’entreprise est dotée d’un accord collectif ou d’une charte encadrant le télétravail, il peut être utile de rappeler ses dispositions aux équipes." En pratique, une copie des textes envoyée par mail aux salariés suffira. Le règlement intérieur comporte des dispositions qui limitent la consommation d’alcool sur le lieu de travail. Des règles qui s’appliquent également pour le travail à domicile durant les horaires de travail, selon l'avocate.
De la même façon, les règles concernant les plages horaires de travail mentionnées dans les accords collectifs ou chartes sur le télétravail continuent à s’appliquer. Hors de question pour les managers de déroger à ces règles, même en cette période particulière. "Un manager ne peut pas contrevenir aux règles conventionnelles en demandant aux salariés de travailler le soir s’ils doivent s’occuper de leurs enfants durant la journée ! insiste Jamila El Berry. Aujourd’hui on se dit qu’on est dans un contexte exceptionnel et que cela justifierait à peu près tout. C’est faux. Le risque pour les employeurs est de voir dans quelques mois leurs responsabilités pénales et civiles être mises en cause."
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