Eriger l’état d’urgence au sein de la norme suprême pourrait être un moyen de l’encadrer, notamment en envisageant que sa durée soit limitée. Or, le projet de loi constitutionnelle de protection de la nation ne prend pas cette tournure. C’est ce qu’ont analysé des professeurs de droit constitutionnel lors d’une conférence.
La constitutionnalisation de l’état d’urgence fait-elle débat entre publicistes ? Pas vraiment. Les intervenants à une conférence organisée lundi dernier sur ce thème se sont tous opposés au projet de révision constitutionnelle présenté par le gouvernement, le 23 décembre 2015, pour répondre à l’annonce du Président de la République, François Hollande, devant le congrès réuni à Versailles le 16 novembre dernier. Tous ne sont pas contre la constitutionnalisation par principe, mais si elle est à envisager, c’est selon une logique bien différente.
Contre la constitutionnalisation de l’état d’urgence, le professeur en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, Olivier Beaud, l’assume : « une constitution n’est pas destinée à prévenir tout, à encadrer tout ». Il rappelle que le droit constitutionnel vise avant tout à limiter les pouvoirs publics ce qui plaide donc pour « un contenu limité » de la constitution. Si d’autres régimes d’exception, tels que les pleins pouvoirs (article 16 de la constitution) ou l’état de siège (article 36 de la constitution) sont énoncés dans la règle au sommet de l’ordre juridique français, il ne lui semble pas nécessaire de tous les y inclure. D’autant plus que l’état d’urgence n’est pas de nature à garantir les droits fondamentaux reconnus aux citoyens, éléments qui représentent le second corps constituant d’une norme suprême d’un état de droit. « Pourquoi constitutionnaliser l’arbitraire », oppose-t-il alors au projet de révision ? Ce qualificatif, il le reprend du député Louis Vallon, en poste au moment des débats parlementaires précédant l’adoption de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, dans lesquels le professeur de droit s’est plongé. Le député s’était exprimé en ces mots : « le projet a les difficultés d’une loi de circonstances. C’est une loi d’exception qui a pour projet de donner un statut à l’arbitraire », rapporte Olivier Beaud.
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Constitutionnaliser l’état d’urgence peut effectivement être un moyen de « donner un statut à l’arbitraire », pour Serge Slama, maître de conférences en droit public, HDR, à l’Université Paris-Ouest Nanterre, qui l’entend différemment. La constitutionnalisation peut assurer l’encadrement du laps de temps où il est fait exception à la légalité ordinaire, en fixant « les règles du jeu ». A l’heure actuelle, la prorogation de l’état d’urgence peut intervenir par le vote d’une loi ordinaire, loi qui elle-même est capable de modifier la loi du 3 avril 1955 définissant le cadre général de l’état d’urgence, l’épisode de novembre dernier l’ayant démontré (voir notre article). Une semaine après les attentats meurtriers de Paris et Saint-Denis, et en moins de 3 jours, la loi du 20 novembre 2015, prolongeant l’état d’urgence jusqu’au 26 février 2016 et apportant de nombreuses modifications à la loi de 1955, a été adoptée en première lecture par les députés et les sénateurs. Pour éviter un tel procédé, la constitution pourrait prévoir que l’état d’urgence soit du domaine de la loi organique, qui commande un examen parlementaire de 15 jours minimum, une majorité absolue à l’Assemblée nationale en dernière lecture, et le passage d’un examen de conformité à la constitution opéré par les Sages.
Une autre question se pose : la constitutionnalisation de l’état d’urgence ne s’opère-t-elle pas déjà au gré de la jurisprudence rendue sur cette notion par le Conseil constitutionnel lui-même - dans deux arrêts, l’un rendu le 25 janvier 1985 suite au prononcé de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et, le second, en décembre dernier - à laquelle s’ajoute les nombreux arrêts du Conseil d’Etat ? « La jurisprudence nous définit un cadre constitutionnel de l’état d’urgence », estime Frédéric Rolin, professeur en droit public de l’Université Paris-Sud. Il s'interroge, faut-il « laisser ce cadre constitutionnel se construire ou redonner la main au législateur constitutionnel ? »…. Avant de répondre : « il n’est peut être pas mauvais que le juge ne soit pas le seul qui détermine les bornes constitutionnelles de l’état d’urgence ». D’autant plus que la loi du 20 novembre n’a fait l’objet d’aucune saisine parlementaire du Conseil constitutionnel. Et que la dernière décision rendue par les Sages l’est sur la base d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) - décision du 22 décembre 2015 - portée par le citoyen Cédric D. contestant la mesure d’assignation à résidence prononcée à son encontre. Dès lors, il n’est pas possible de « porter l’état d’ingérence générale sur l’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel », analyse Serge Slama. Et encore moins devant le Conseil d’Etat. Mais comment assurer « une bonne constitutionnalisation de l’état d’urgence pour aller à l’encontre de cette constitutionnalisation jurisprudentielle rampante un peu inquiétante ? », lance Bastien François, professeur de science politique à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Inscrire les conditions d’ouverture de l’état d’urgence, sa limitation dans le temps et une liste de mesures de police administrative pouvant en découler, sont les points qui pourraient être abordés dans un projet constitutionnel, énoncent les professeurs. Le texte aujourd’hui défendu par l’exécutif ne les contient pas.
Les cas d’ouverture de l’état d’urgence sont définis de manière très large en reprenant ce qui est inscrit dans la loi de 1955 : « l’état d’urgence est déclaré (…) soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Pour François Saint-Bonnet, professeur d’histoire du droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas : « la législation d’exception dans son histoire depuis la révolution repose sur un paradigme spatial et temporel », lutter contre une insurrection dans une zone déterminée. Or le terrorisme est despatialisé et se veut une guerre « menée pour toujours et depuis toujours », explique-t-il. Dans la perspective d’un péril imminent permanent, la lutte contre le terrorisme peut conduire à un état d’urgence indéfini.
D’autant plus qu’ « on ne voit pas la fin à cet état d’urgence », estime Serge Slama, après analyse des conditions de prorogation du dispositif. Le projet constitutionnel s'est inspiré de la loi de 1955 mais a omis de retranscrire l’un de ces termes, l’adjectif « définitive ». Ainsi, au delà des 12 premiers jours d’état d’urgence déclarés par décret en conseil des ministres, la loi de prorogation pourrait fixer une nouvelle durée à cet état, comme il en est le cas aujourd’hui. Mais dès lors que cette durée n’est plus définitive, l’état d’urgence pourrait à nouveau se voir proroger. Enfin, l’universitaire plaide pour la mise en place d’un contrôle tant du juge administratif que judiciaire sur les mesures individuelles.
Mais l’état d’urgence est-il seulement efficace dans une lutte contre le terrorisme post attentats ? L’histoire du droit apporte une réponse négative, comme l’a démontré François Saint-Bonnet. Et depuis le 14 novembre, l’état d’urgence n’aurait pas fait preuve d'efficacité, pour le journaliste du Monde Laurent Borredon. Sur son blog sont recensées et racontées les mesures d’assignation à résidence et de perquisitions administratives menées depuis la déclaration de l’état d’urgence. Selon lui, « les mesures phares de l’état d’urgence n’ont pas visé le terrorisme » mais se sont plutôt « attaquées à la petite délinquance ». Il rapporte deux chiffres : 80 % des perquisitions n’ont abouti à aucune procédure judiciaire, pour seulement 20 % ayant été portées devant le juge. Et les assignations à résidence n’ont pas été prononcées contre des personnes suivies par les services de renseignements afin ne pas les alerter… « La lutte contre le terrorisme n’est pas le fait des autorités préfets, ou de la police mais du renseignement, et des services judiciaires », conclut-il.
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