Consultation des professionnels sur les avant-projets de réforme du droit des entreprises en difficulté

04.01.2021

Gestion d'entreprise

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises dite loi « Pacte » habilite le gouvernement à transposer la directive « restructuration et insolvabilité » et à réformer le droit des sûretés dans son volet relatif à l’articulation avec le droit des procédures collectives, d’ici mai 2021. Le ministère de la Justice ouvre une consultation des professionnels du droit, les acteurs économiques et les universitaires sur ces avant-projets de réformes, jusqu’au 15 février 2021.

La directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 « restructuration et insolvabilité » contient trois thématiques essentielles :

  • les cadres de restructuration préventive (titre II)
  • la remise de dettes et les déchéances (titre III)
  • les mesures destinées à améliorer l’efficacité des procédures (titre IV)

L’objectif de cette réforme est triple :

  • définir les nouveaux équilibres du droit des entreprises en difficulté et en particulier de la restructuration préventive,
  • améliorer la lisibilité et l’intelligibilité du droit des entreprises en difficulté, dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français,
  • renforcer l’efficacité de ce droit, tout en garantissant l’équilibre entre les intérêts en présence, conformément au texte adopté.

Le ministère de la Justice a élaboré un avant-projet d’ordonnance portant sur la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », répondant aux objectifs rappelés ci-dessus. Ce projet est accompagné d’une fiche de présentation rappelant les principales orientations envisagées pour la modification des procédures de sauvegardes et de redressement judiciaire. Un avant-projet de réforme du droit des sûretés dans son volet relatif à l’articulation avec le livre VI du code de commerce a également été préparé.

Ces avant-projets ont été élaborés après une première étape de consultation en 2019.

Cette réforme du livre VI du code de commerce sera articulée avec la réforme des autres volets du droit des sûretés, prévue par l’article 60 de la loi PACTE et pour laquelle une consultation est également en cours jusqu’au 30 janvier 2021.

Les orientations suivantes sont proposées pour la transposition de la directive.

Transposition du titre II de la directive

Il est proposé d’opérer la transposition dans un socle composé d’une section nouvelle « des classes de créanciers » et d’une refonte du chapitre « De la sauvegarde accélérée », correspondant dans le livre VI à :

  • la section III du chapitre VI du titre II du livre VI, « des comités de créanciers », remplacée par une section « des classes de créanciers » ; et
  • au chapitre VIII du titre II du livre VI, « De la sauvegarde accélérée », dispositif unique par la fusion des formes accélérées de la sauvegarde et désormais ouvert à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. La durée maximale de la procédure serait fixée à quatre mois.
Maintien d’une procédure de conciliation obligatoire préalable à la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée fusionnée

Une option alternative mérite d’être discutée : la dispense de cette procédure préalable avec, dans ce cas, la faculté pour le tribunal de renouveler une fois, pour la même durée, la période d’observation de 4 mois maximum, ouverte en sauvegarde accélérée.

Détermination du champ d’application du système de classes de créanciers
  1. En cas d’ouverture d’une sauvegarde accélérée, il est proposé une constitution obligatoire des classes de créanciers pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille.
  2. Pour la sauvegarde ou le redressement judiciaire, en présence d’une « Micro-PME », en dessous d’un seuil à définir, la constitution de classes de créanciers serait facultative, sur option du débiteur. En l’absence d’option, les procédures de droit commun de la sauvegarde (non accélérée) et du redressement judiciaire, s’appliqueraient.
Définition des « Micro-PME »

Un seuil bilanciel consolidé (pour prendre en compte la situation des groupes de sociétés), unique, est proposé. Ce seuil pourrait être fixé à 4 M €. De manière alternative, il est proposé de retenir les seuils cumulatifs suivants, correspondant aux seuils de désignation obligatoire d’un commissaire aux comptes, légèrement adaptés pour exiger qu’en toutes hypothèses le critère bilanciel s’applique :

  • 4 M € de total du bilan, et
  • 8 M € de chiffre d’affaires hors taxe ou 50 salariés

Les participants à la consultation sont plus particulièrement invités à se prononcer sur ces deux propositions (seuil unique ou non et niveau de seuil proposé) en accompagnant leur réponse de toutes illustrations utiles (données chiffrées, statistiques par exemple).

Modalités de constitution des classes

Il est proposé une constitution souple des classes, s’appuyant sur l’expertise et le travail préparatoire des professionnels. A minima, il y aurait systématiquement deux classes de créanciers (nantis de sûretés ou non). La constitution d’une classe de créanciers publics serait facultative. Il est proposé qu’il ne puisse pas être constitué de classe de salariés. Une classe détenteurs de capital serait constituée en sauvegardes (accélérée et non accélérée) et en redressement judiciaire, si les détenteurs de capital sont potentiellement affectés par le projet de plan.

Conditions de mise en œuvre de l’application forcée interclasses 

Il est proposé de permettre au débiteur de s’y opposer, tant en sauvegarde qu’en redressement judiciaire. La directive permet de supprimer cette exigence d’un accord du débiteur, en présence de grandes entreprises (avant dernier alinéa de l’article 11 para. 1er). La possibilité de définir de manière extensive la notion de débiteur, incluant une majorité d’actionnaires ou de détenteurs de capital, est également ouverte (considérant (53). Les répondants sont invités à donner leur avis sur ces deux options.

Règle de priorité absolue ou relative pour l’application forcée interclasses 

Il est proposé de retenir à titre principal la règle de priorité absolue et de transposer la possibilité ouverte au tribunal de déroger à cette règle de manière encadrée (article 11 para. 2, 2e al.). Cette proposition qui prend en compte les travaux effectués en Allemagne pour la transposition de la directive, est ouverte à discussion.

Faculté pour le tribunal d’imposer un plan en cas d’échec du vote des classes de créanciers 

En cas d’échec du vote des créanciers sur le projet de plan, il est proposé de retenir :

  • L’impossibilité de saisir le tribunal aux fins d’imposer un plan en cas d’échec de l’adoption du plan en sauvegarde accélérée et en sauvegarde de droit commun ;
  • le maintien de la possibilité pour le tribunal d’imposer un plan alternatif et des délais de remboursement uniquement en redressement judiciaire.

La possibilité pour le tribunal d’imposer un plan serait ainsi supprimée en sauvegarde, au-delà du seuil précité (ainsi que, éventuellement, en dessous de ce seuil, en cas de soumission volontaire du débiteur, au système des classes de créanciers). Cette orientation, soumise à discussion, pose plus généralement la question du devenir à terme de la procédure de sauvegarde. Une option alternative pourrait consister à réduire les pouvoirs du tribunal si l’on conservait la possibilité pour le tribunal d’imposer un plan en sauvegarde de droit commun (non accélérée). Les répondants sont invités à réagir sur ces différentes propositions et à faire notamment le lien entre cette question et le seuil qui serait retenu pour l’application obligatoire du système des classes de créanciers.

Durée des périodes d’observation (hors la sauvegarde accélérée) et des plans décidés par le tribunal 

Il est proposé de retenir une durée de la période d’observation limitée à 12 mois (sans dérogation) en sauvegarde de droit commun (non accélérée) et de maintenir la durée actuelle (avec dérogation possible jusqu’à 18 mois) en redressement judiciaire. La durée des plans serait de 10 ans maximum en redressement judiciaire, durée réduite à 8 ans maximum en sauvegarde de droit commun, pour l’hypothèse d’un plan arrêté par le tribunal.

En complément de ces orientations pour la transposition du titre II de la directive, il est prévu d’exiger que soit annexé au protocole d’accord de conciliation homologué, un récapitulatif des frais de conseil mis à la charge du débiteur.

 

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