Coopération entre concurrents en temps de pandémie : un régime d'exception
14.04.2020
Gestion d'entreprise

La Commission a publié le 8 avril 2020 une communication définissant un cadre temporaire d'analyse des accords de coopération entre concurrents dans le contexte de crise sanitaire et une lettre administrative de compatibilité pour illustrer sa mise en oeuvre.
La communication de la Commission publiée dans le contexte de la crise sanitaire est révélatrice de choix stratégiques et porteuse de nombreuses indications utiles pour évaluer la compatibilité d'accords de coopération entre concurrents ou, plus généralement, entre entreprises.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Il s'agit tout d'abord d'un communiqué d'exception pour répondre à des circonstances exceptionnelles, le terme étant répété plus d'une dizaine de fois dans le document. La notion de force majeure et ses critères d'imprévisibilité et de caractère irrésistible irriguent le raisonnement de la Commission, sans toutefois être mentionnés explicitement. L'objectif de la Commission est de répondre à un événement dont l'intensité, l'ampleur et le caractère généralisé dans l'économie sont inédits, irrésistibles aux entreprises et à l'économie tout entière. En publiant un tel communiqué assorti d'une lettre de confort, version actualisée de l'attestation négative qui avait disparu depuis 2003, l'exécutif européen montre qu'il est disposé à adapter son appréciation des règles de concurrence en cas de force majeure.
La Commission précise que la crise sanitaire traversée actuellement et qui impacte si durement l'économie est sensiblement différente de la crise financière de 2008. La présente crise est multiforme et asymétrique, elle a un impact à la fois sur l'offre et sur la demande. Le bouleversement du système est autant dû à la paralysie de certains secteurs et pans d'activités, qu'à la croissance exponentielle et aux pics de croissance que connaissent des activités fournissant des produits ou services essentiels.
Tout d'abord, la Commission ne suspend pas l'application du droit de la concurrence aux activités économiques. Elle n'en aurait très certainement pas la compétence, mais à supposer que le contexte de crise sanitaire le justifie éventuellement, ce n'est pas l'option stratégique retenue. Elle précise que les accords de coopération qui poseraient problème en temps normal, soit ne poseraient pas de préoccupation de concurrence, soit ne seraient pas la priorité de la Commission dans de telles circonstances exceptionnelles, sous réserve de leur caractère objectivement nécessaire pour atteindre l'objectif, de leur nature temporaire et de leur limitation au strict nécessaire. La circonstance que des accords soient encouragés et/ou coordonnés par des pouvoirs publics constitue également un facteur à prendre en compte dans l'analyse.
La Commission continue de veiller à l'application du droit de la concurrence notamment dans le cadre des accords de coopération conclus entre concurrents. Néanmoins, elle souligne que les entreprises doivent pouvoir coopérer rapidement et efficacement dans le contexte actuel pour surmonter ou atténuer la crise, sans craindre d'enfreindre le droit de la concurrence. Par précaution, elle invite les entreprises à documenter leurs échanges et leurs accords entre concurrents afin d'être en mesure de justifier de leur rationalité et de leur conformité avec les principes décrits le cas échéant.
Les accords visés par ce cadre temporaire sont les coopérations ayant pour objectif de garantir la fourniture et la distribution en suffisance de produits et services essentiels en disponibilité limitée pendant la pandémie pour remédier notamment à la pénurie. La Commission désigne expressément les fournisseurs et distributeurs de médicaments et équipements médicaux, mais également les entreprises d'autres secteurs qui convertissent une partie de leur ligne de production « pour commencer à fabriquer des produits dont la disponibilité est limitée ».
La Commission invite les acteurs à se rapprocher de ses services pour lui soumettre des demandes spécifiques. Un tel mécanisme informel, s'il ne fournit pas une sécurité juridique absolue, permet néanmoins d'obtenir une certaine assurance de la part de la Commission. A l'issue d'une telle consultation, cette dernière pourra émettre une lettre de confort, confirmant le cas échéant l'analyse des parties sur la compatibilité de l'accord de coopération avec le droit de la concurrence.
Néanmoins, d'autres questions restent en suspens. Il en va notamment ainsi de la limite géographique et temporelle d'application du dispositif.
L'exécutif européen précise que les accords de coopération visés par le cadre temporaire ne peuvent s'appliquer que tant qu'il existe une pénurie ou, en tout état de cause, pendant la pandémie. Or, si la Commission a une vision européenne de la situation sanitaire, chaque État membre ne subit pas la pandémie au même moment. De même, certains d'entre eux ne se trouvent pas en situation de pénurie d'équipements médicaux et il ne semble pas à ce stade qu'une réponse uniforme et unifiée ait été décidée en réponse à la crise sanitaire. La Commission se trouverait donc face à un paradoxe, voire face à une question de compétence, quant à la dimension communautaire ou nationale d'un accord entre concurrents qui ne concernerait qu'un État membre en situation de pénurie par exemple. Reste que, par application du principe de convergence, les autorités nationales devraient s'aligner avec la position de la Commission et se coordonner au sein du Réseau européen de concurrence, de sorte que le risque de contrariété soit limité.
Ce cadre est entré en vigueur le 8 avril pour une durée temporaire mais indéterminée. La Commission a précisé qu'il est susceptible d'évoluer.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.