Coronavirus : point sur le CSE au 7 avril 2020
07.04.2020
Gestion du personnel

Le CSE a un rôle important pendant la période de crise sanitaire du Covid-19. Certaines mesures urgentes le concernent, il doit s'approprier les autres dispositifs que l'employeur pourrait mettre en place et il doit continuer d'informer et d'aider les salariés. Point sur son rôle après l'adoption de l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel.
L'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel était très attendue. Au final, elle déçoit un peu. Des dispositions annoncées assouplissant le recours à la visioconférence (et à d'autres modes de communication) pour assurer les réunions, un dispositif assez complet sur la suspension des élections professionnelles et quelques dérogations à sa consultation a priori dans certains domaines (dérogations au temps de travail et jours de repos) (sur le détail de cette ordonnance, voir notre article). Mais rien sur les autres consultations, et surtout rien sur les consultations en cours.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
En dehors de cette ordonnance, certaines autres mesures d'urgence concernent le CSE plus ou moins directement : activité partielle, prorogation et suspensions des délais administratifs et judiciaires notamment. Il faut également revenir sur le rôle à jouer par le CSE dans le cadre de la crise sanitaire, ainsi que sur l'exercice du mandat de ses membres en cette période.
L'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril prévoit que lorsque l’employeur a engagé le processus électoral avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance (le 3 avril 2020), celui-ci est suspendu à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à une date fixée à 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (pour plus de précisions, voir notre article).
L'ordonnance précise également que les employeurs qui doivent organiser des élections après la présente ordonnance doivent engager le processus électoral après la suspension, soit 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ce délai vise aussi les employeurs qui seraient en retard dans l’élection du CSE.
Lorsqu’en raison de la suspension ou du report du processus électoral, les mandats en cours à la date du 12 mars 2020 des représentants élus des salariés n’ont pas été renouvelés, ces mandats sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier, ou le cas échéant du second tour des élections professionnelles.
Leur protection (ainsi que celle des candidats) est également prorogée jusqu’à la proclamation des résultats du premier tour ou, le cas échéant, du second tour des élections.
Par dérogation aux dispositions relatives aux élections partielles, l’ordonnance prévoit que l’employeur n’est pas tenu d’organiser de telles élections partielles si la suspension des élections intervient moins de 6 mois avant le terme des mandats en cours. Peu importe qu’un processus électoral ait été engagé ou non avant la suspension.
L'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril prévoit que les dispositions relatives à la visioconférence, la conférence téléphonique et la messagerie instantanée sont applicables aux réunions convoquées pendant la seule période de l’état d’urgence sanitaire. La limite de 3 réunions par année civile en l’absence d’accord ne trouve plus à s’appliquer pendant cette période (pour plus de précisions, voir notre article).
Par dérogation, en cas de sinistre ou d’intempéries de caractère exceptionnel ou de toute autre circonstance de caractère exceptionnel (comme la crise sanitaire du Covid-19), il est dorénavant prévu que l’avis du CSE peut être recueilli postérieurement à la demande, et transmis dans un délai d’au plus deux mois à compter de cette demande (C. trav., art. R. 5122-2) (sur ce décret, voir notre article).
Cette exception, instaurée dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 n’a pas de caractère provisoire contrairement à la plupart des mesures d'urgence, et pourra donc s’appliquer dans d’autres cas, à l'avenir.
L'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars prévoit que dans les secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la Nation, l’employeur pourra déroger aux règles d’ordre public en matière de durée maximale de travail. Un décret devra déterminer les secteurs concernés et les modalités de ces dérogations (à paraître) (selon le ministère du Travail, il pourra s’agir du secteur médical, de l’agriculture et de l’agroalimentaire) (sur ces mesures, voir notre article).
Il est également possible de déroger à la règle du repos dominical dans ces entreprises (décret à paraître) en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Ces dérogations cesseront de produire leurs effets au 31 décembre 2020.
L’employeur qui use d’au moins une des dérogations en informe sans délai et par tout moyen le CSE (ainsi que le Direccte pour les dérogations à la durée du travail).
L’avis du CSE est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l’employeur a fait usage de l’une de ces dérogations.
Ainsi, le CSE est informé immédiatement et il reste consulté, il rend un avis. Cependant, par exception, cet avis peut être postérieur à la mise en œuvre de la dérogation. A noter également que cette exception ne s’applique que dans les cas visés par l’ordonnance no 2020-323 du 25 mars : ainsi, les dérogations au temps de travail dans les entreprises non-visées continuent de nécessiter l’avis préalable du CSE.
L'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars prévoit également que l'employeur peut, de manière unilatérale, imposer les dates de certains jours de repos (JRTT, conventions de forfait et CET), dans la limite de 10 jours, par dérogation aux règles du code du travail ainsi qu’aux accords collectifs (pour plus de précisions, voir notre article).
L’employeur qui use de ces facultés en informe sans délai et par tout moyen le CSE. L’avis du CSE est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l’employeur a fait usage de l’une de ces facultés.
Ainsi, le CSE est informé immédiatement et il reste consulté, il rend un avis. Cependant, par exception, cet avis peut être postérieur à la mise en œuvre de la faculté.
Si un membre du CSE constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un salarié qui a fait jouer son droit de retrait, il en avise immédiatement l’employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit sur un registre prévu à cet effet. Il est alors fait application de la procédure prévue aux articles L. 4132-2 et suivants du code du travail.
Une instruction de la DGT à cet égard a rappelé que l’inspecteur du travail n’a pas à se prononcer sur la réalité du danger grave et imminent, seul le juge pourra trancher ce point. Toutefois, l’inspecteur du travail pourra être saisi dans le cadre d’un désaccord entre l’employeur et le CSE sur les mesures à prendre à la suite de ce droit d’alerte. Il pourra mener une enquête qui lui permettra d’agir en fonction de ses constats. Les saisines de l’inspection du travail, à la suite d’un désaccord consécutif à un droit d’alerte, devront faire l’objet d’une information préalable de la DGT par les Direccte. Il s’agit ainsi d’harmoniser les positions retenues au niveau national.
Le comité doit toujours être consulté en amont de modifications sur la marche générale de l’entreprise et notamment dans le cadre de la mise en place généralisée du télétravail.
Le Questions-réponses du ministère du travail relatif à la crise sanitaire du Covid-19 prévoit toutefois que si l’urgence l’exige, l’employeur peut « prendre des mesures conservatoires » avant d’avoir procédé à la consultation du CSE. Il nous semble qu’il ne faut pas entendre trop largement cette souplesse qui n’est pas, à ce jour du moins, accordé par les textes.
En outre, ce Questions-réponses précise que l’évaluation des risques professionnels doit être renouvelée dans ce contexte d’épidémie, et que le CSE doit ainsi être associé à la démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER).
Rappelons le CSE peut être réuni à la demande motivée de deux de ses membres, sur des sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-27). Ce point est d’ailleurs rappelé par le Questions-Réponses du ministère du travail. L'assouplissement du recours à la visioconférence est vivement encouragé par le ministère du travail et ses modalités ont été assouplies par l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril (voir ci-dessus). Ces assouplissements s'appliquent aux réunions extraodinaires.
Le CSE peut agir au titre de ses activités sociales et culturelles notamment via des aides à la garde d’enfants ou des prestations de soutien scolaire. En revanche il a toute latitude pour suspendre ses autres activités sociales et culturelles dans l’attente d’un retour à normale.
En outre, l'ordonnance n° 2020-315 du 27 mars prévoit des modalités relatives aux voyages annulés entre le 1er mars et le 15 septembre 2020, et notamment la possibilité pour les agences de voyages de proposer un avoir valable 18 mois dans certaines conditions, période pendant laquelle il est impossible de demander le remboursement.
Il est en outre à recommander et favoriser que le CSE puisse conserver le contact avec les salariés pendant cette période de confinement. En effet, des risques d’isolement et psychosociaux peuvent émerger et même s’il est impossible d’aller voir les salariés à leur domicile, il est recommandé de pouvoir communiquer avec eux et à ce titre, la direction a intérêt à permettre l’envoi de mails aux salariés (même en l’absence d’accord collectif) afin de les informer de leur présence et de leur action, ainsi que de pouvoir faire remonter problèmes et difficultés rencontrés par les salariés à la direction (isolement, problème d’accès à distance en cas de télétravail, mise à disposition d’ordinateurs portables), ou encore de les aider dans leurs démarches.
A noter également, que le mandat des représentants du personnel n’est pas suspendu (et ce même en cas d’activité partielle) et que les membres du CSE peuvent continuer d’utiliser leurs heures de délégation pour exercer ce mandat (la crise sanitaire actuelle pourrait même justifier un dépassement du crédit d’heures pour circonstances exceptionnelles dans certains cas). Enfin, si tout ou une partie de l’entreprise n’est pas en confinement et travaille dans les locaux, il doit pouvoir venir les voir et contrôler si les principes de précautions sont réels et effectifs (dans la limite du respect des règles de distanciation et des mesures mises en place par l’entreprise). Dans ce cadre, l’employeur devrait délivrer une autorisation pour que le représentant du personnel puisse se rendre dans l’entreprise.
D'autre part, précisons plusieurs points concernant l'aspect pratique de l'organisation des réunions du CSE :
- si l'ordre du jour de chaque réunion du CSE est établi par le président et le secrétaire (hors réunions extraordinaires qui contiennent l'ordre du jour dans sa demande), les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l'ordre du jour par le président ou le secrétaire (C. trav., art. L. 2315-29) (il est en outre à noter que la présence physique de l'employeur et/ou du secrétaire n'est pas obligatoire pour établir l'ordre du jour, il est donc possible d'en discuter par téléphone, mail ou encore visioconférence) ;
- la suspension du contrat de travail (congés, maladie, activité partielle) ne suspend pas le mandat : il reste donc possible de discuter avec le secrétaire pour la fixation de l'ordre du jour et les membres du CSE peuvent participer aux réunions via visioconférence (ou autre). A noter à cet égard qu'il faut faire jouer les règles de suppléance en cas d'absence d'un ou plusieurs membres du CSE (C. trav., art. L. 2314-37), et qu'en outre l'adoption des résolutions n'est soumise à aucun quorum ;
- en cas d'absence du secrétaire pendant la réunion, se pose le problème de l'établissement du procès-verbal : si rien n'est prévu par accord ou dans le règlement intérieur du CSE, il reste possible de désigner un secrétaire de séance (à effectuer en début de séance) ;
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en cas d'absence du président, il n'est pas prévu que la réunion puisse être présidée lors de la suspension de son contrat de travail, il faudra donc procéder à son remplacement, en procédant éventuellement à de nouvelles délégations de pouvoirs.
L’ordonnance no 2020-321 du 25 mars 2020 permet l’organisation des assemblées générales hors la présence de ses membres et des personnes ayant droit d’y assister, ce qui inclut les représentants du CSE aux assemblées générales (article 4 et 5). Le dispositif étend et assouplit le recours à la visioconférence ou à d’autres moyens de télécommunication. En cas de réunion par l’un de ces médias, les représentants du CSE aux assemblées (ordinaires comme extraordinaires) doivent en être avisés par tout moyen permettant d’assurer leur information effective (date et heures des assemblées, conditions d’exercice des droits).
De même, le recours à la visioconférence (et autres moyens de télécommunication) est assoupli pour l’organisation des conseils d’administration et de surveillance, dans lesquels les CSE disposent également de représentants (article 8).
L’ordonnance est applicable rétroactivement à compter du 12 mars et jusqu’au 31 juillet 2020 (sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret en Conseil d’État, qui ne pourra toutefois être étendu après le 30 novembre 2020).
Les personnes morales, ainsi que d’autres entités, disposent de 3 mois supplémentaires pour approuver leurs comptes annuels (article 3). Cela concerne les comptes clôturés entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (en principe à ce jour, le 24 juin 2020), sauf pour les entités ayant désigné un commissaire aux comptes qui a remis son rapport sur les comptes avant le 12 mars 2020.
Le CSE n’est pas visé directement par le rapport qui accompagne cette ordonnance mais il s’agit bien d’une personne morale, et compte tenu du champ très large de cette disposition, celui-ci devrait être concerné le cas échéant.
Outre la prorogation des mandats et de la protection en cas de suspension ou report du processus électoral (voir ci-dessus, et notre article), d'autres textes touchent la protection des représentants du personnel.
Ainsi, il est prévu par l’ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (article 3), qu’un certain nombre de mesures judiciaires et administratives (liste) dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période (à partir du 12 mars), sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre-temps.
Dans cette liste figurent notamment les mesures d’enquête et d’instruction, ainsi que les « autorisations ».
En outre, il est prévu (article 7) que des délais de l’action administrative sont suspendus. Les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’administration peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré. Il précise que le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette période interviendra à l’achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande.
Il nous semble que les demandes d’autorisation administrative de licenciement, de rupture conventionnelle ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés sont visées, compte tenu du caractère très général de ces dispositions.
Deux autres ordonnances prévoient des mesures d’urgence dans le cadre de l’organisation des juridictions judiciaires (Ord. 25 mars 2020, no 2020-304 : JO, 26 mars) et administratives (Ord. 25 mars 2020, no 2020-305 : JO, 26 mars).
Une instruction de la DGT du 17 mars 2020 relative au traitement des demandes d’autorisation de licenciement ou de transfert des salariés protégés pendant la crise sanitaire du Covid-19, précise les mesures d’organisation transitoires en matière de respect du contradictoire pour l’instruction des demandes et des recours concernant les licenciements et transferts du contrat de travail des salariés protégés. Ces règles temporaires s’inspirent de la jurisprudence administrative qui admet que la mise en œuvre du contradictoire soit adaptée en fonction des circonstances et notamment de l’urgence. Elles s’appliquent aux inspecteurs du travail ainsi qu’aux contre-enquêteurs en cas de recours hiérarchique :
- Accès aux pièces : en raison du risque épidémique, il ne sera plus possible de consulter ces documents dans les locaux administratifs. Les pièces produites à l’appui de la demande et les pièces déterminantes recueillies en cours d’enquête devront être transmises aux parties concemées par courrier ou par voie électronique, en sollicitant un accusé de réception de la part du destinataire, afin de pouvoir produire la preuve de l’envoi ;
- Auditions des parties : les auditions physiques, que ce soit au bureau ou dans l’entreprise, doivent être écartées même si le salarié la sollicite, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles. Il convient donc de systématiser la mise en œuvre d'une procédure de contradictoire aménagée (observations écrites, observations orales, enquête contradictoire orale, une audition par visioconférence voire même par téléphone pouvant être envisagée) ;
- Audition des témoins : si d’autres personnes peuvent être auditionnées, il faudra réserver ce cas au strict nécessaire, les auditions physiques étant exclues.
Pour les demandes d’autorisation ou recours hiérarchiques en cours d’instruction :
- si les pièces à l’appui de la demande ou du recours hiérarchique ont été laissées à disposition de l’une ou l’autre des parties, il faudra les lui envoyer ;
- si les parties ont déjà été convoquées mais non encore reçues dans le cadre de l’enquête contradictoire ou de la contre-enquête, la convocation devra être annulée par courrier ou mail et de la remplacer par une demande d’observations écrites ou une visioconférence ;
- les échanges pourront ensuite se poursuivre par courriels.
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