Corruption : critiquée, la transaction pénale se judiciarise

Corruption : critiquée, la transaction pénale se judiciarise

31.05.2016

Gestion d'entreprise

Pour réintroduire la transaction pénale dans le jeu du débat parlementaire, les députés ont suivi - presque - toutes les recommandations du Conseil d’État.

Ce n’était pas l’idée de la transaction pénale, en elle-même, mais son champ d’application et certains éléments de sa procédure qu’avait remis en cause le Conseil d’État dans son avis sur l’avant-projet de loi Sapin II (voir notre article). Le gouvernement avait alors arbitré en retirant le dispositif de son texte final présenté le 30 mars (voir notre interview). En première lecture à l’Assemblée nationale, le groupe PS a proposé un nouveau mécanisme tenant compte des principales oppositions formulées par la plus haute juridiction administrative. Leur amendement a été adopté en commission des lois mercredi dernier. Description des principaux ajustements.

Le nom pourrait changer, mais la finalité demeurerait la même. Intitulée « convention de compensation d’intérêt public » dans l’avant-projet de loi, la transaction a pris le titre de « convention judiciaire d’intérêt public ». L’évolution d’un seul mot retranscrit la volonté des députés : insuffler davantage de justice au mécanisme pour se conformer aux exigences du Conseil d’État.

La convention pourrait être conclue entre une personne morale et le ministère public après homologation par un magistrat du siège – le président du tribunal de grande instance ou un autre magistrat désigné par lui. Elle impliquerait le versement d’une amende au Trésor public - dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les 3 dernières années - et un éventuel monitoring de l’entreprise via la mise en place d’un programme de conformité - pendant 3 ans maximum. La transaction n’emporterait pas déclaration de culpabilité, n’aurait pas les effets d’un jugement de condamnation et dès lors ne serait pas inscrite au casier judiciaire. Elle éteindrait l’action publique. Jusqu’ici rien de différent par rapport à ce qui était inscrit dans l’avant-projet de loi.

Audience publique et participation des victimes à la procédure

L’amendement qui a reçu l’aval de la commission des lois comporte néanmoins des modifications de taille au dispositif transactionnel. Avant que la transaction ne soit validée par un magistrat du siège, une audience publique devrait être organisée, avec convocation de la victime qui serait alors en mesure de présenter ses observations. Elle aura été au préalable informée du début de la procédure par le procureur de la République et pourrait lui avoir transmis « tout élément permettant d’établir la réalité et l’étendue de son préjudice ». Puis, après validation de la convention, celle-ci pourrait être rendue publique de même que l’ordonnance l’ayant validé. Cette seconde étape figurait déjà dans la mouture proposée par le gouvernement. La première, celle du « débat contradictoire » selon l’exposé des motifs de l’amendement, elle, n’y figurait pas. Et le Conseil d’État s’était montré très critique sur ce point. « Une audience publique est certes prévue, mais elle n’intervient que pour homologuer la convention d��finitive. En l’absence de contradiction et de débat public, l’intervention de la justice perd sa valeur d’exemplarité et la recherche de la vérité s’en trouve affectée », pouvait-on lire dans son avis.

Gestion d'entreprise

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Faire une place aux demandes en réparation

Autre élément important, apporté par la nouvelle version du texte, les victimes des faits de corruption auraient la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts dans le cadre du mécanisme de transaction ou d’aller demander réparation devant le juge civil. Seule la seconde possibilité était prévue par le projet du gouvernement. Ce qui n’était pas assez protecteur des intérêts de la victime, pour la plus haute juridiction administrative.

Pas d'évolution du champ d'application

Le Conseil d’État avait également remis en cause le champ d’application trop large du dispositif. En étant applicable à tous les faits de corruption et de trafic d’influence et aux seules personnes morales, il impliquait une différence de traitement. Les magistrats conseillaient alors de resserrer la transaction sur les faits de corruption transnationale. Le texte adopté en commission des lois n’a pas varié sur la question du champ d’application. La transaction vise « l’ensemble des atteintes à la probité » et ne pourrait être mise en mouvement qu’au bénéfice des seules personnes morales.

Reste à savoir si cette nouvelle version recevra l'aval de l'ensemble des députés en plénière. Ils entament leur débat le 6 juin.

Sophie Bridier
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