Covid 19 : clés de leadership pour les dirigeants d’entreprise et leurs DRH tirées de l’expérience militaire

Covid 19 : clés de leadership pour les dirigeants d’entreprise et leurs DRH tirées de l’expérience militaire

31.03.2020

Gestion du personnel

Réfléchir au "coup d'après", s'entourer d'un collège pour améliorer sa capacité de décision... Autant de stratégies militaires applicables aux DRH face au "brouillard de guerre" dans laquelle sont plongées les entreprises. Philippe Got, ancien général de corps d'armée a rejoint en 2014 le cabinet Wavestone comme Senior Business Advisor. Il conseille les décisionnaires en ces temps de crise.

"Une décision se prend toujours en assemblée impaire, et trois, c’est déjà beaucoup." Au-delà du trait d’esprit, cette citation du Maréchal Foch, dont on ne peut contester le leadership de son auteur, illustre un point essentiel du processus décisionnel. La décision est le privilège d’un seul, le chef, qui l’assume. Mais, cela ne sous-entend pas pour autant un exercice solitaire du processus conduisant à la décision. Car le chef, c’est aussi celui qui a besoin des autres : pour écouter, s’informer et réfléchir, pour challenger ses choix, orienter ses équipes, faire connaître sa vision, in fine pour convaincre.

La crise plonge les DRH dans un climat d'incertitude analogue à ce que nos chefs militaires nomment le "brouillard" de la guerre"

C’est ce que les militaires mettent en œuvre depuis des siècles en appliquant les principes de la guerre théorisés par de grands stratèges, tels Sun Tzu ou Clausewitz. Que nous disent-ils par exemple ? Que le bon chef militaire doit s’entourer d’un état-major capable de rassembler toutes les informations et de les analyser pour anticiper les actions de l’ennemi (la fonction "renseignement"), de concevoir les modes d’action susceptibles de gagner des positions plus avantageuses, voire d’emporter la décision (la fonction des "opérations"), et pour faire simple de maîtriser en les combinant toutes les fonctions "support" concourant à la réalisation des opérations envisagées (les fonctions "logistiques", "maintenance", "ravitaillement", "santé", "communication", etc…..). Au fil des siècles et des batailles perdues et gagnées, la théorisation de l’organisation des postes de commandement a atteint un niveau de raffinement sans cesse requestionné par les REX des opérations. La crise du Covid 19, par ses conséquences humaines économiques extrêmes, et sans doute jamais appréhendées "à froid", plonge les dirigeants d’entreprise et les DRH dans un climat d’incertitude analogue à ce que nos chefs militaires nomment le "brouillard" de la guerre. C’est là où l’expérience acquise par les militaires peut leur venir en aide.

Un coup d'avance sur la fin du confinement

Il est en effet une "fonction" au sein d’un état-major dont devraient s’inspirer les dirigeants dans le contexte actuel, et qui fait l’objet d’une cellule dédiée : la cellule "manœuvre future" ou "anticipation". Distincte de la cellule traitant les opérations en cours, la cellule "manœuvre future" réfléchit au "coup d’après", et prépare les décisions à venir. Dans le cadre de la crise du Covid 19, voici deux exemples montrant la nécessité pour les dirigeants d’entreprise de mobiliser une capacité d’anticipation, dégagée de la responsabilité de gérer la crise, mais capable de réfléchir sereinement au "coup d’après" :

  • Les entreprises qui ont pu passer à 100 % au télétravail lors du confinement forcé reviendront-elles "naturellement" au mode de fonctionnement antérieur ? Ne faut-il pas anticiper dès maintenant des mesures spécifiques, une communication adaptée ? Ne faut-il pas en premier lieu se poser la question de la pertinence du modèle du temps "normal" ?
  • Lorsque le gouvernement déclarera la fin du confinement, quelles mesures prendre et quelle communication associée pour rassurer les salariés qui reprendront le travail au sein de l’entreprise face au risque de contamination par le virus, qui lui n’aura pas disparu comme par magie à la fin du confinement ?

Si toutes les entreprises sont familières avec le concept de "cellule de crise", combien mettent en œuvre celui de "capacité d’anticipation", seul à même de donner au dirigeant le temps d’avance qui lui permettra un retour à la normale dans les meilleures conditions ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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S'entourer pour mieux décider

Un autre enseignement de la pratique du commandement militaire en opération peut venir aider les dirigeants d’entreprise à contrebattre les effets de la "solitude" du chef. Les bons chefs militaires ont la réputation de savoir bien s’entourer, ce qui ne signifie pas disposer de subordonnés obéissants, mais au contraire d’une force de contradiction positive, d’esprit critique, jouant le rôle "d’effet miroir" pour celui qui in fine prend, seul, la décision. C’est exactement ce que voulait dire le Général de Gaulle. "J’ai entendu vos points de vue. Ils ne rencontrent pas les miens. La décision est prise à l’unanimité".

C'est au décideur de trancher. Mais on peut l'aider en confiant à un groupe le soin d'assumer la plus grande part de la fonction d'intelligence critique

En gestion de crise, les dirigeants d’entreprise sont en effet très souvent confrontés à une contradiction : la conduite de la crise exige du décideur esprit de décision, confiance dans ses analyses, assurance dans ses chances de surmonter la crise, et, dans le même temps, suffisamment de lucidité pour s’appliquer à lui-même le questionnement du doute et de la sagesse critique qui sont les préalables indispensables à toute prise de décision. Il semble alors judicieux de distinguer les deux fonctions en ajoutant au système de conduite de crise un dispositif d'analyse critique, qui vient en appui à la prise de décision. Il ne s'agit naturellement pas de substituer un "collège" au décideur. Ce dernier conserve sa fonction pleine et entière. Personne ne peut le remplacer : c'est à lui de trancher, et c'est d'ailleurs lui, l'acteur principal, qui a toute chance d'avoir la vision synthétique la moins fausse de la situation. Mais on peut l'aider singulièrement en confiant à un groupe particulier le soin d'assumer la plus grande part de la fonction d'intelligence critique.

Il s’agit d’apporter des visions différentes permettant d’identifier les impacts des décisions sur un champ à 360

Tout au long de la crise, il faudra ainsi disposer de capacités "d'intelligence", aptes à caractériser la situation et ses risques, à développer un questionnement permanent sur l'événement et son traitement, à anticiper sur la sortie de crise et le retour à la normale. Il convient notamment de s'interroger sur les diagnostics posés, les initiatives prises et à prendre, les erreurs commises ou risquant d'être commises, les acteurs et réseaux qui vont intervenir dans l'immédiat ou en différé, les issues possibles de la crise, les effets de "précédent" que le traitement de la crise peut induire sur la vie de l’entreprise lorsque la situation sera devenue normale. Il s’agit d’apporter des visions différentes permettant d’identifier les impacts des décisions sur un champ à 360, et de déceler les effets inattendus sur certaines populations, sur l’image de l’entreprise en interne et en externe, sur la compréhension des décisions par les collaborateurs, sur la pertinence de certaines d’entre elles au regard des coûts engendrés…

Comment constituer cette capacité d’analyse critique ? Elle doit être de composition variée en ce qui concerne les profils, les compétences, les expériences, les cultures : ainsi, non pas par principe les membres du COMEX ou les directeurs de BU, mais les personnalités les plus riches pour ce type de situation. Ainsi dans le cas de la crise du COVID 19, un DRH confronté à la nécessité d’adapter en continu la ressource humaine de l’entreprise aux conséquences économiques du confinement forcé pourra-t-il par exemple mobiliser avec profit un collaborateur expert de l'environnement social, un juriste acculturé aux problèmes de crise, tel agent ou manager qui "connaît tout" du sujet (par exemple le spécialiste en droit du travail ou des relations avec les IRP). C'est ici le double aspect "bibliothèque" et "astuce" qui compte. Ils doivent être identifiés au sein de l’entreprise, reconnus pour leur expertise spécifique et donc confortés dans leur légitimité. A partir de ce noyau, d’autres acteurs clés n'appartenant pas directement au système peuvent être sollicités : ce seront de préférence des intervenants extérieurs connaissant déjà l’entreprise (partenaires, clients, sponsors, experts…), mais suffisamment indépendants d'elle pour garder un esprit totalement libre et critique.

Des leçons à tirer pour les cadres dirigeants et les DRH

Pensez à mettre en place dès le début de la crise la fonction "manœuvre future" qui vous permettra de penser la sortie de crise. Donnez-vous les moyens de faire challenger vos décisions par un collège restreint de collaborateurs qui s’exprimeront sans tabou et en toute franchise.

Identifiez chez vos collaborateurs les compétences et appétences dont vous pourrez avoir besoin en situation de crise

Autorisez-vous à recruter quelques profils atypiques, même s’ils ne cochent pas toutes les cases du "modèle" de l’entreprise, donnez-leur de la visibilité, recueillez régulièrement leur avis dans leur domaine de compétence, faites-les grandir. Identifiez chez vos collaborateurs les compétences (qui ne rentrent pas forcément dans le référentiel de compétences de l’entreprise) et appétences, dont vous pourrez avoir besoin en situation de crise. Valorisez les collaborateurs qui les détiennent en leur demandant de publier des articles ciblés sur le site de l’entreprise et dans les réseaux sociaux professionnels, de participer à des groupes d’études où leur capacité à raisonner "out of the box" sera une plus-value, à participer à des événements internes ou externes…, mais aussi en reconnaissant dans les Talent Review leurs expertises spécifiques. En situation de crise, ils n’en seront que plus précieux pour renforcer vos capacités d’analyse et de décision et vous apporter l’éclairage critique qui vous permettra de dissiper le « brouillard de la guerre ».

 

Philippe Got
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