L’épidémie de Covid-19 a bouleversé les relations professionnelles entre les directions juridiques et leurs conseils. Comment le lien s’est-il maintenu ? Les avocats se sont-ils adaptés ? Quelles sont les nouvelles attentes des directions juridiques ? Plusieurs DJ et avocats témoignent.
« La crise de Covid-19 est arrivée comme une énorme vague », se souvient Xavier Genovesi, directeur juridique du groupe Les Echos Le Parisien. « On a dû quitter nos bureaux du jour au lendemain, gérer nos équipes, mais aussi nos prestataires comme les conseils ». Et dans ce contexte économique tendu, « les partenaires ont joué le jeu ». Le lien a même été « renforcé », affirme le directeur juridique.
« Si au premier confinement les besoins exprimés par les clients étaient la disponibilité, la réactivité et le pragmatisme, au second, notre rôle a surtout été de rassurer par notre présence et d’accompagner les DRH et juristes dans la gestion de leurs missions. Certains clients nous ont même dit qu’ils voyaient en nous des membres de leur équipe, ce qui est particulièrement gratifiant lorsque l’on s’investit comme nous le faisons », raconte Héloïse Ayrault, associée en charge du département Droit social du cabinet Eseïs Avocats.
Le lien s’est notamment maintenu grâce à de nouvelles méthodes de travail et à la digitalisation. « Signature électronique, plateformes de dossiers partagés sécurisés et RDV en visio » car « le contact visuel est important », précise Melissa Debara, associée en droit des affaires chez Montesquieu Avocats.
« Les RDV physiques se sont limités au strict nécessaire durant les périodes de confinement. Il y a eu très peu de consultations au cabinet et pour les signatures de contrats, nous nous sommes efforcés de privilégier le recours à la signature électronique. Les rendez-vous par téléphone et par visioconférence font désormais partie de notre quotidien et il y a lieu à parier que cet usage va perdurer après la crise. C’est assurément un gain de temps, pour nous comme pour les clients, mais le contact humain conserve une place importante dans notre profession », ajoute Yahia Merakeb, associé en charge du département Droit commercial chez Eseïs Avocats.
Pour autant, certains clients « étaient et restent encore très inquiets de la situation sanitaire », témoigne Antoine Moizan, associé chez Feugère Avocats. « Nous faisons extrêmement attention, à l’égard surtout de nos clients les plus âgés ou fragiles ». Distanciation, désinfection… L’avocat se souvient notamment avoir « dû réclamer que les conditions d’hygiène [au sein des locaux de services de police] soient respectées, et à défaut refuser de comparaître afin de protéger » ses clients. « Nous avons gagné en humain », approuve Tristan Carayon, responsable juridique au sein du groupe Value Retail et administrateur de l'AFJE.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Plus de liens et surtout plus de travail, tant pour les DJ que pour les avocats. « Nous les avons consultés sur de nouveaux sujets » et « orientés sur un rôle de veille et d’analyse de l’information », explique Xavier Genovesi.
Melissa Debara confirme avoir été sollicitée sur « de nouvelles problématiques liées à ce nouveau Droit Covid » et avoir dû se « positionner sur des imprécisions juridiques par une activité de veille plus intense, notamment en droit des sociétés avec les organisations des AG pendant le confinement, la notion de force majeure, les questions de procédure et de prescription qui arrivaient à échéance ». « Les avocats ont été redirigés vers un rôle d’avocat conseil. On a remis les pendules à l'heure », analyse Tristan Carayon.
Et au niveau du budget, les directions juridiques s’y sont tout de même retrouvées. « Afin de maîtriser les coûts, nous leur avons demandé de faire des efforts de la même manière que nous avons fait des efforts vis-à-vis d’eux pour allouer notre budget », poursuit Tristan Carayon.
Via des plateformes de discussions et des webinars, certains cabinets ont d'ailleurs « traité gracieusement de grands sujets pour que tous leurs clients et prospects puissent les utiliser », témoigne Ian Kayanakis, directeur juridique et conformité du groupe Segula Technologies et administrateur de l'AFJE. « Il y a eu un effet d’aubaine. Ils ont démontré leur capacité de fournir du droit et d’être à jour sur les grands sujets. En tant que DJ, cela nous donne des indications sur le cabinet ».
Grâce à ces offres digitales, le directeur juridique a fait connaissance avec de nouveaux cabinets. « J’ai eu de bonnes surprises », reconnaît-il. Pour Xavier Genovesi également, « de nouvelles relations sont nées » sur des thématiques liées au « droit Covid » : « les assurances (perte d’exploitation), les questions d’imprévisions, etc. ». Et cette année lui a permis « d’accélérer le déroulement de certains chantiers comme la loi Sapin II, le RGPD » ou encore de participer à des réflexions sur le sujet de la société à mission.
Il regrette toutefois que les avocats ne soient pas « très bien positionnés » sur ces chantiers. « Ils ont le savoir mais il leur manque la notion de pilotage de projet transverse et une approche big picture ». Lorsque la direction juridique du groupe a lancé des appels d’offres, soit les avocats « n’étaient pas en mesure de proposer une offre globale, soit il y avait peu de marge de négociation au niveau des honoraires, alors que le contexte est très tendu ».
« Il faut pérenniser toutes les bonnes pratiques nées du Covid », encourage néanmoins Ian Kayanakis. « Il y a une opportunité dans le digital pour les avocats. Il faut soutenir un nouveau modèle économique, moins statutaire, plus entrepreneurial. Ce qui était spécifique à la situation "Covid" doit devenir un modèle commercial récurrent pour eux ».
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