Crédit aux consommateurs et droit de rétractation : le renvoi à une loi compliquée manque de clarté

13.05.2020

Gestion d'entreprise

La clause d'un contrat de prêt aux consommateurs qui se contente de viser une disposition légale, qui elle-même renvoie à d'autres textes applicables en cascade, ne met pas le consommateur en mesure de connaître clairement les modalités de computation du délai de rétractation. Elle ne répond donc pas aux exigences posées par la directive 2008/48/CE relative aux crédits aux consommateurs.

L’infographie et le legal design ont de beaux jours devant eux dans le domaine des contrats de consommation. C’est ce qui résulte d’un arrêt par lequel la CJUE a eu à se prononcer sur une pratique contractuelle des établissements financiers qui consiste à renvoyer aux dispositions légales applicables. Si, du point de vue des professionnels, cette pratique peut se comprendre au regard de la densité et la complexité des réglementations du droit de la consommation, elle ne répond pas aux objectifs de bonne information du consommateur prévue par la directive 2008/48/CE relative aux crédits aux consommateurs, du moins quand la législation nationale procède par renvoi (Dir. 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, 23 avr. 2008 : JOUE n° L 133, 22 mai).
C’est un litige concernant l’exercice du droit de rétractation par un consommateur allemand qui a conduit la Cour à apporter cette précision. Celui-ci avait souscrit un crédit à la consommation, qui prévoyait un délai de rétractation de 14 jours conformément au droit l’Union transposé, comme il se doit, en droit allemand au sein du code civil (Bürgerliches Gesetzbuch ou BGB) (Dir. préc., art. 14 ; BGB art. 355). S’agissant du point de départ et des modalités de computation de ce délai, la clause renvoyait à la réglementation nationale allemande, stipulant que « le délai commence à courir après la conclusion du contrat mais pas avant que l’emprunteur n’ait reçu toutes les informations obligatoires visées à l’article 492, paragraphe 2 du BGB ». Or le texte du BGB ainsi visé renvoyait lui aussi à un autre texte qui procédait également par renvoi.
A la suite d’un litige l’opposant au prêteur concernant le remboursement de ce crédit, le consommateur a fait savoir qu’il se rétractait de son engagement et a saisi le tribunal compétent afin, notamment, de faire constater la résolution du contrat puis sa rétractation. La juridiction allemande a alors saisi la CJUE en interprétation de la directive 2008/48/CE aux fins de savoir si les modalités de computation du délai de rétractation font partie des informations que le prêteur doit mentionner, de façon claire et concise, dans le contrat de crédit.
La première question concernait les modalités de l’information contractuelles à fournir aux consommateurs. La directive 2008/48/CE précise en effet que le contrat de crédit doit mentionner, de façon claire et concise, non seulement « l’existence ou l’absence d’un droit de rétractation » et « la période durant laquelle ce droit peut être exercé », mais également « les autres conditions pour l’exercer » (Dir. préc., art. 10, § 2, p). Les modalités de computation du délai ne sont pas expressément visées par ces informations, mais comptent-elles parmi celles qui doivent être mentionnées de façon claire et concise ? La CJUE a déjà eu l’occasion de souligner que le droit de rétractation est essentiel pour la protection du consommateur. Le consommateur doit donc être mis en mesure de connaître, au préalable, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de son droit de rétractation (CJUE, 23 janv. 2019, aff. C‑430/17, Walbusch Walter Busch, point 46). Sans surprise, la Cour conclut donc ici positivement : la directive sur les contrats de crédit aux consommateurs doit être interprétée en ce sens que les modalités de computation du délai de rétractation constituent des informations à mentionner, de façon claire et concise, dans le contrat de crédit.
La seconde question se centrait sur la question du renvoi à la législation nationale qui procédait elle-même par renvoi. Un renvoi est-il suffisant pour que le consommateur soit dûment informé comme l’exige la directive ? En toute logique, la Cour prend ici encore une position protectrice du consommateur. Elle estime que la méthode du renvoi ne permet pas au consommateur de déterminer et de contrôler, sur la base du seul contrat, si tous les éléments d’information requis lui ont été fournis, ni, a fortiori, de vérifier si le délai de rétractation a commencé à courir à son égard. Elle conclut donc que l’article 10, § 2, sous p), de la directive 2008/48/CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un contrat de crédit procède par renvoi à une disposition nationale qui renvoie elle-même à d’autres dispositions du droit de l’État membre en cause.
Myriam Roussille, Professeur agrégée des facultés de Droit, Université du Maine, IRJS-Sorbonne Finance

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