Crédit immobilier : uniformisation des sanctions civiles en cas d'absence ou de calcul erroné de TEG

23.06.2020

Immobilier

Plusieurs décisions et un avis de la première chambre civile de la Cour de cassation viennent clarifier la jurisprudence relative aux sanctions civiles applicables en cas d'omission ou d'erreur de taux effectif global dans le cadre d'un prêt bancaire.

Le taux effectif global (TEG) est le taux qui prend en compte la totalité des frais occasionnés par la souscription du prêt. Il est déterminé par le taux des intérêts conventionnels, auxquels s’ajoutent « les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (C. consom., art. L. 314-1). Dans une demande d’avis auprès de la première chambre civile de la Cour de cassation, un tribunal judiciaire a formulé toute une série de questions sur les sanctions civiles concernant le TEG, qu’il s’agisse d’une offre de prêt, d’un écrit constatant un prêt ou d’un avenant.
L’avis de la Cour de cassation rendu le 10 juin dernier fonde ses réponses sur l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, en ce qu’elle modifie les articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation en la matière (Cass. 1re civ. avis, 10 juin 2020, n° 20-70.001, n° 15004 P + B + R + I). La Haute juridiction applique aussitôt les principes ainsi émis dans trois décisions des 10 et 12 juin 2020 toutes publiées sur son site internet (Cass.1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24.284, n° 430 P + B + I ; Cass. 1re civ., 12 juin 2020, n° 19-12.984, n° 433 P + B + I ; Cass. 1re civ., 12 juin 2020, n° 19-16.401, n° 434 P + B + I). Plusieurs points s’en dégagent et méritent d’être soulignés en ce qu’ils clarifient l'ordonnance et la jurisprudence existante.
Un besoin de clarification des sanctions civiles sur le TEG
Avant le 19 juillet 2019, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, les erreurs ou omissions de TEG dans l’offre acceptée ou dans l’acte de prêt font l’objet de deux types de sanctions civiles distinctes :
– la déchéance du droit aux intérêts (c’est-à-dire leur perte) dans la proportion fixée par le juge (Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, n° 09-67.930, n° 812 P + B + I), à laquelle s’expose le prêteur en cas d’erreur affectant l’offre préalable d’un prêt immobilier soumis au code de la consommation (C. consom., anc. art. L. 312-33, devenu art. L. 341-34) ;
– la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel, en cas de TEG absent ou erroné dans le contrat de prêt, sanction d’origine jurisprudentielle, fondée sur les dispositions de l’article 1907 du code civil prévoyant notamment que le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. L’emprunteur ne peut alors pas être exonéré du paiement des charges liées au crédit quand bien même celles-ci seraient facultatives (Cass.1re civ., 30 sept. 2010, n° 09-67.930, n° 812 P + B + I) ou solliciter des dommages et intérêts fondés sur la faute du prêteur pour ne pas avoir inclus des frais dans le TEG (Cass. com., 30 oct. 2012, n° 11-23.034, n° 1077 P + B).
Une sanction civile harmonisée, la déchéance du droit aux intérêts
La situation de départ du contentieux sur le TEG est quasiment toujours la même, et correspond à celles des décisions rendues les 10 et 12 juin derniers par la première chambre civile, à savoir un litige entre des emprunteurs et leur établissement prêteur sur la mention erronée (ou omise) du taux effectif global de leur crédit immobilier. Dans l’affaire du 10 juin 2020, les emprunteurs se sont révélés défaillants dans leur obligation de remboursement et, après avoir prononcé la déchéance du terme du prêt et délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente resté sans effet, la banque les a assignés devant le juge de l’exécution. Les emprunteurs ont, pour leur part, sollicité l’annulation de la stipulation conventionnelle d’intérêts et la substitution de l’intérêt au taux légal, en invoquant un TEG erroné. Dans les deux arrêts du 12 juin, ce sont les emprunteurs qui, après avoir accepté une offre de prêts immobiliers, invoquant le caractère erroné des taux effectifs globaux mentionnés, ont assigné la banque en annulation de la stipulation d’intérêts, substitution de l’intérêt au taux légal et remboursement des intérêts indus. Dans les trois affaires, la Cour de cassation applique une sanction désormais harmonisée : la déchéance du droit aux intérêts dans une proportion fixée par le juge. L’avis du 10 juin 2020 rappelle que c’est l’ordonnance du 17 juillet 2019 qui a étendu cette sanction de la perte du droit aux intérêts, jusqu’alors applicable uniquement en cas d’irrégularité affectant la mention du taux effectif global dans une offre de crédit immobilier, au cas de défaut de mention ou d'inexactitude du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt.
Ces décisions, et surtout l’avis de la première chambre civile, explicitent ainsi plusieurs points concernant l'application de l’ordonnance du 17 juillet 2019 :
– l’ordonnance qui uniformise la sanction civile en matière de TEG dans les contrats de crédit n’est pas rétroactive. Pour la Cour de cassation, dès lors que l’ordonnance de 2019 ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, qu’elle n’obéit pas à des considérations d’ordre public impérieuses et qu’elle sanctionne un vice affectant le contrat au jour de sa conclusion, elle ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion ;
– toutefois, même lorsque l’ordonnance de 2019 n’est pas applicable, l’omission ou l’erreur du TEG, dans l’écrit constatant un contrat de prêt, justifient que le prêteur puisse être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur. La Cour de cassation opère ainsi un revirement de jurisprudence concernant les contrats de prêt conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, pour lesquels désormais elle applique la même sanction que pour les offres préalables de crédit, le prêteur n’encourant donc plus l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel. Selon la Haute juridiction, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions (Cass. 1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24.287, n° 430 P + B + I) ;
- de même, la sanction applicable au calcul des intérêts effectué sur la base d’une année de 360 jours dans le contrat de prêt n’est plus l’annulation du taux conventionnel, mais la déchéance du droit aux intérêts librement modulable par le juge. L’avis du 10 juin 2020 entérine ici la jurisprudence de la Cour de cassation en précisant que pour prononcer la déchéance, l’écart doit être constaté sur le TEG et non sur le taux conventionnel, et doit être supérieur à la décimale (Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, n° 15-24.607, n° 104 P + B) ;
– la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge s’impose également en cas d’erreur affectant le calcul du taux conventionnel mentionné dans l’avenant à un contrat de crédit immobilier, afin de permettre la prise en considération de la gravité du manquement commis par le prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur. Il s’ensuit qu’en cas d’erreur affectant le calcul du TEG dans l’avenant, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée librement par le juge, lequel n’a alors pas ici à tenir compte du préjudice subi par l’emprunteur ;
– en cas de renégociation d’un prêt immobilier, les modifications du contrat initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant comprenant diverses informations sans que soit exigée la communication du taux et de la durée de la période (Cass. 1re civ., 5 févr. 2020, n° 18-26.769, n° 116 P + B + I).
L’évaluation de la proportion de la déchéance du droit aux intérêts et du préjudice des emprunteurs relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

Découvrir tous les contenus liés
Laurence Dartigeas-Reynard, Dictionnaire permanent Transactions immobilières
Vous aimerez aussi

Nos engagements