Crise de l’énergie et stockage du gaz

18.08.2022

Gestion d'entreprise

En réaction au contexte russo-ukrainien et à la menace que celui-ci fait peser sur la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union, le législateur européen renforce les obligations des États membres, en imposant des objectifs élevés de remplissage des stocks souterrains de gaz.

L’une des conséquences de l’agression militaire russe en territoire ukrainien est qu’elle a révélé la grande vulnérabilité énergétique de l’Union et contraint son législateur à éprouver l’efficacité des instruments juridiques européens destinés à garantir la sécurité des approvisionnements sur l’espace européen.

C’est, notamment, en pointant les limites du règlement (UE) 2017/1938 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017 relatif à la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel (pour rappel, ce règlement instaure un mécanisme de solidarité entre États membres, en cas de menace pesant sur l’approvisionnement en gaz des clients protégés au sein d’un ou de plusieurs États membres), que le législateur européen a constaté que le cadre juridique de l’Union n’était pas adapté à des bouleversements de l’ordre de ceux qui sont en cours depuis l’invasion russe de l’Ukraine, à savoir « des changements soudains et majeurs de la situation géopolitique dans le cadre desquels les pénuries et les flambées des prix sont susceptibles de résulter non seulement d’une défaillance des infrastructures ou de conditions météorologiques extrêmes, mais aussi d’événements intentionnels majeurs et de ruptures d’approvisionnement plus longues ou soudaines » (considérant 5).

Le règlement du 29 juin 2022 a vocation à combler ces lacunes, en adossant au règlement (UE) 2017/1938, de nouvelles contraintes pesant sur les États membres, et visant à accroître les capacités de stockage souterrain de gaz.

Ainsi, le nouveau règlement impose à chaque État membre des « objectifs de remplissage » des stocks gaziers. Il s’agit, plus précisément, de veiller à ce que les installations de stockage souterrain de gaz situées sur le territoire d’un État membre et qui sont directement interconnectées à une zone de marché de cet État soient remplies à au moins 80 % (pour 2022), puis 90 % (à partir de 2023) de leur capacité au niveau de l’État membre au plus tard le 1er novembre de chaque année. Afin de ne pas faire peser une charge excessive sur les États disposant d’une importante capacité de stockage souterrain, un objectif de remplissage est ramené à 35 % de leur consommation annuelle moyenne de gaz au cours des cinq années précédentes (Règl. (UE) 2017/1938, art. 6 bis créé par Règl. (UE) 2022/1032).

Quant aux États qui ne disposent pas d’installations de stockage souterrain de gaz, le règlement leur impose de veiller à ce que les acteurs du marché actifs sur leur territoire mettent en place des accords de stockage avec des gestionnaires d’installation de stockage d’autres États membres. Le règlement offre, sinon, la possibilité pour un État membre sans installation de stockage d’élaborer, avec un ou plusieurs États membres disposant d’installation, un « mécanisme de partage de charge », sous la supervision de la Commission européenne (Règl. (UE) 2017/1938, art. 6 quater créé par Règl. (UE) 2022/1032).

L’obligation de remplissage est assortie d’un mécanisme de surveillance, permettant notamment à la Commission de prononcer des recommandations à l’encontre des États qui n’y satisferaient pas spontanément et, le cas échéant, d’adopter une décision visant à exiger de l’État membre concerné qu’il prenne des mesures permettant de remédier aux écarts constatés vis-à-vis de l’objectif de remplissage qui lui est imparti (Règl. (UE) 2017/1938, art. 6 bis créé par Règl. (UE) 2022/1032).

En tout état de cause, le règlement laisse aux États membres le soin de définir les mesures propres à réaliser leurs objectifs de remplissage, en les incitant « lorsque cela est possible » à recourir à des mesures fondées sur le marché et en veillant à ce que ces mesures soient clairement définies, transparentes, proportionnées, non discriminatoires et vérifiables. Sont, en particulier, mentionnées par le règlement des mesures consistant :

  • à exiger des fournisseurs de gaz qu’ils stockent des volumes minimaux de gaz dans des installations de stockage ;

  • à imposer aux gestionnaires de réseaux qu’ils achètent et gèrent des stocks d’équilibrage ;

  • à utiliser des plateformes d’achats de GNL avec d’autres États membres ;

  • à recourir à des mécanismes volontaires d’achats conjoints de gaz, etc. (Règl. (UE) 2017/1938, art. 6 ter créé par Règl. (UE) 2022/1032).

Étienne Durand, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin – Lyon 3

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