Déclaration d'insaisissabilité : l'inopposabilité n'emporte pas droit d'être payé

12.11.2020

Gestion d'entreprise

En présence d'une déclaration d'insaisissabilité à lui inopposable, le créancier ayant obtenu une hypothèque judiciaire sur le bien du débiteur peut obtenir un titre exécutoire mais son action ne saurait tendre au paiement de sa créance.

Et encore la déclaration d’insaisissabilité serait-on tenté d’écrire à la lecture de ce nouvel arrêt. La solution est cependant importante en ce qu’elle clarifie l’étendue des droits d’un créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité faite par son débiteur est inopposable.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Début 2006, une banque consent un prêt à un entrepreneur individuel. Celui-ci effectue une déclaration d’insaisissabilité de sa résidence principale le 3 mai 2010. Il est finalement mis en liquidation judiciaire le 7 octobre 2014, la clôture de la procédure intervenant le 3 novembre 2015. La banque a entre-temps – le 9 novembre 2014 – obtenu du juge de l’exécution l’autorisation de faire inscrire une hypothèque provisoire sur l’immeuble, droit que le juge a expressément reconnu (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-13.643). Une semaine plus tard, elle assigne le débiteur en paiement de sa créance. En défense, celui-ci oppose l’irrecevabilité de la demande et sollicite la levée de l’hypothèque. En vain, devant la cour d’appel. Il forme donc un pourvoi en cassation composé de deux moyens et obtient une demi-victoire.

Le second moyen ne trouve pas grâce devant la Cour de cassation, laquelle approuve le raisonnement des juges d’appel. La Haute juridiction énonce en effet qu’un créancier, auquel une déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble est inopposable, peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci, indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble. Rien ne lui interdit en conséquence, tant que sa créance n’est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s’applique aussi à la demande de mainlevée d’une telle mesure conservatoire. Est donc balayée l’argumentation du demandeur au pourvoi selon laquelle le créancier ne peut être admis, après la clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif, à procéder à une inscription d’hypothèque provisoire sur un immeuble ayant fait l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité.

La cassation de l’arrêt intervient sur un autre terrain. La cour d’appel a condamné le débiteur, alors en procédure de liquidation judiciaire, à payer une certaine somme à la banque. Le raisonnement était le suivant : la déclaration d’insaisissabilité étant inopposable à la banque, celle-ci était bien fondée à agir individuellement contre le débiteur aux fins d’obtenir un titre exécutoire portant condamnation. Faux, rétorque la Cour de cassation. Le créancier auquel la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble est inopposable bénéficie certes d’un droit de poursuite sur cet immeuble. Il reste cependant soumis au principe impératif d’arrêt des poursuites et à l’interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d’ouverture. En conséquence, s’il doit être en mesure d’exercer le droit qu’il détient sur l’immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l’existence, le montant et l’exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci. La cour d’appel aurait donc dû constater l’existence, le montant et l’exigibilité de la créance mais non prononcer de condamnation à paiement.

Remarque : la solution rappelle et complète un précédent fameux (Cass. com., 13 sept. 2017, n° 16-10.206). Les juges d’appel sont allés un temps trop loin dans leur raisonnement, la banque étant un créancier « comme les autres » du débiteur en liquidation judiciaire, soumis comme tel à la discipline collective.
Thierry Favario, Maître de conférences HDR, Université Jean Moulin Lyon 3
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