Déconfinement : les juristes au cœur de la reprise

Déconfinement : les juristes au cœur de la reprise

11.06.2020

Gestion d'entreprise

Avec la phase 2 du déconfinement, les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à reprendre le travail en présentiel. Aux questions de sécurité s’ajoutent d’autres dossiers spécifiques traités par les directions juridiques. Entre problématiques organisationnelles et sujets de fond, engageant l’activité de l’entreprise, les juristes s’affirment comme des pièces maîtresses de la reprise, tout en voyant la pratique de leur profession évoluer.

Pour les organismes dont l’activité est liée à l’accueil du public, le déconfinement a demandé une préparation intense, notamment de la part des équipes juridiques. Ainsi, pour le spécialiste de l’immobilier social ARPEP - une Association spécialisée dans la gestion de résidences pour étudiants, jeunes actifs et chercheurs - l’enjeu était double : accueillir les collaborateurs chargés de la gestion du parc immobilier de retour au siège, mais aussi rouvrir les services d’accompagnement et d’animation mis à la disposition des locataires, au sein des résidences. « Il s’agit de l’essence même de notre qualité de service, que nous avions fait en sorte, tant que possible, de maintenir en distanciel », explique Huberte Weinum, responsable juridique d’ARPEJ. « Nous avons géré la reprise très en amont, en nous appuyant sur le protocole national de déconfinement ».

Aux aspects concrets, comme la préparation de kits sanitaires pour les salariés, l’installation de vitres en plexiglass, le maintien du télétravail et l’instauration d’un planning de rotation des collaborateurs, se sont ajoutées des questions strictement juridiques. « Jusqu’où aller dans les mesures de sécurité sanitaire ? Nous avons respecté le protocole national, sauf pour un point. Nous ne prenons pas la température des salariés, nous avons trouvé cela trop intrusif, trop complexe à gérer au regard du RGPD. J’ai également étudié les réponses possibles en cas de demande d’exercice du droit de retrait, mais nous n’en avons eu aucune. Nous le devons sans doute à notre importante communication, afin d’expliquer au mieux nos avancées avant le déconfinement, puis la marche à suivre à partir du 11 mai. Accompagner, communiquer et rassurer ont été au cœur de notre travail », confie Huberte Weinum. 

Retour à la normalité et gestion des exceptions

Le retour à une certaine normalité n’est pas uniquement le fait du retour physique au bureau, explique Arnaud Robert, directeur juridique d’Hachette Livre. 

« Le confinement a été la période de l’anormalité, nous avons dû composer avec les effets de la force majeure, aménager des contrats, rééchelonner des échéances. Le déconfinement consiste notamment à réaménager les contrats en faisant le chemin à rebours, par exemple quand certaines périodes de suspension concédées s’avèrent finalement trop longues. » 

Une gestion des relations contractuelles qui occupe également Philippe Coen, directeur juridique d’un groupe international de média : « l’examen de la surface financière des partenaires et contractants s’impose comme une question majeure en cette période. Nos entreprises cherchent à mettre les relations commerciales en contexte et, dans la mesure du possible, prendre en compte des situations particulières pour ne pas imposer aux partenaires des situations intenables ». Un sujet qui le mobilise également au travers de son rôle de « juriste solidaire ». Philippe Coen a en effet été choisi pour faire partie des Tiers Conciliateurs bénévoles réunis par Paris place de droit, l’AFJE, le Barreau de Paris et le Cercle Montesquieu, pour rapprocher les entreprises au sortir du confinement.

En tant que président fondateur du comité de déontologie des Juristes d’entreprise de l’AFJE et du Cercle Montesquieu, Philippe Coen insiste aussi sur les enjeux qui ne manqueront pas d’être soulevés : « lorsque les entreprises font face à des difficultés, le risque qu’elles prennent des décisions à l’encontre de leur éthique augmente. Il est de leur responsabilité de veiller, en conscience, à la déontologie et l’éthique des décisions prises par l’entreprise ».

Inaugurer des « walking calls »

Les directions juridiques travaillent également à transformer l’exceptionnel en norme : création d’une charte du télétravail et préparation d’un plan de poursuite de l’activité en cas d’éventuelle deuxième vague de l’épidémie chez ARPEJ, ou encore inauguration par Philippe Coen de « walking calls » (appels téléphoniques en marchant), afin de conjuguer activité physique et télétravail. Arnaud Robert, de son côté, s’inquiète des conséquences du télétravail : 

« il est beaucoup plus difficile de maintenir une cohésion d’équipe avec le distanciel. Cela renforce la position du manager comme centre de gravité d’une équipe et lui demande des efforts importants, car il lui revient de maintenir le lien social. Le contact, l’informel et l’oral doivent conserver une place dans l’entreprise, comme facteurs de lien mais aussi d’efficacité dans les échanges ». 

De nouvelles compétences pour les juristes

Quant aux changements propres à la profession de juriste, ils sont également nombreux. « La crise a accéléré certaines inflexions qui se dessinaient déjà, comme le recours aux outils numériques, souligne Arnaud Robert. Nous avons dû nous approprier plus rapidement que prévu la signature électronique et le workflow dématérialisé de contrats. Juristes comme clients internes s’y sont habitués et je ne pense pas qu’il y aura de retour en arrière ».

Un avis partagé par Philippe Coen, qui prédit que les compétences exigées des juristes vont évoluer : « Les entreprises et les directions juridiques ont atteint une nouvelle maturité technologique. Désormais, il est attendu des juristes qu’ils démontrent une maîtrise exemplaire des outils informatiques. Cette agilité high tech est devenue une composante importante dans les recrutements et les formations. Le retour à la normale sera une évolution de la gestion des outils high-tech de la direction juridique ».

 

 

 

 

  

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Ingrid Labuzan
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