Délit de blanchiment : confiscation d'un bien et notion de libre disposition

28.10.2022

Gestion d'entreprise

Seul le propriétaire de bonne foi a la possibilité de remettre en cause une confiscation devenue définitive. La personne condamnée pour blanchiment, propriétaire d'un bien confisqué de ce fait, ne peut remettre en cause cette confiscation devenue définitive. Celui qui a la libre disposition de ce bien ne le peut pas plus.

Une société ayant le statut de marchand de biens acquiert la propriété d'un immeuble au moyen de fonds provenant d'abus de biens sociaux. Cette société est détenue par un trust constitué par une personne physique. Le décès de cette personne éteint l'action publique à son égard. C'est donc seulement la société qui est renvoyée devant le juge pénal des chefs d'abus de biens sociaux et de blanchiment aggravé. Le tribunal correctionnel, puis la cour d'appel, la condamnent et ordonnent la confiscation de l'immeuble. Le pourvoi contre cette décision est rejeté.

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La succession de la personne ayant constitué le trust est régie par le droit anglais des faillites. Ses administrateurs sont nommés syndics, représentants des créanciers et propriétaires du patrimoine du défunt. Ils demandent la restitution de l'immeuble confisqué dont, selon eux, le défunt avait la libre disposition et était le véritable propriétaire. Pour rejeter cette demande, les juges retiennent l'argumentation suivante :

La confiscation porte sur les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition

La confiscation porte sur les biens dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition (C. pén., art. 131-21).

En introduisant la notion de "libre disposition d'un bien" dans l'arsenal de la confiscation, la loi a seulement voulu élargir le champ de cette sanction. Elle n'a pas entendu la substituer au droit de propriété, mais seulement organiser sa cohabitation avec ce dernier. Ainsi, par exemple, la libre disposition d'un bien, distincte de sa propriété, est le fait, pour une personne : 

- de posséder la totalité ou une majorité des parts de la société qui est propriétaire de ce bien (Cass. crim., 23 mai 2013, n° 12-87.473 ; Cass. crim., 29 janv. 2014, n° 13-80.062) ;

- d'interposer une société immobilière, dont elle assure la gestion de fait, entre son patrimoine et elle, en recourant à des prête-noms, de son entourage familial, pour exercer les fonctions ou les rôles de dirigeant de droit, d'administrateurs et d'associés (Cass. crim., 8 nov. 2017, n° 17-82.632 ; Cass. crim., 23 oct. 2019, n° 18-87.097) ;

- de bénéficier de la signature bancaire sur le compte d'une société et d'en user librement (Cass. crim., 3 avr. 2019, n° 18-83.052) ;

- sans être propriétaire de parts au sein la société propriétaire d'un bien immobilier, de faire de ce bien sa résidence principale sans payer de loyer et de gérer cette société, créée à cet effet entre ses deux enfants (Cass. crim., 19 nov. 2014, n° 13-88.331).

Il résulte de ces décisions que celui qui bénéficie de la libre disposition d'un bien peut en être considéré comme le propriétaire économique, mais que ce statut n'est pas de nature à remettre en cause le titre de propriétaire régulier dont dispose le propriétaire juridique ou légal du bien. Le titulaire de la libre disposition ne peut invoquer les moyens dont dispose le propriétaire juridique et réciproquement (Cass. crim., 15 janv. 2014, n° 13-81.874).

Le propriétaire de bonne foi peut soulever tout incident contentieux relatif à une décision pénale, même définitive

Il est permis au propriétaire de bonne foi, non-condamné pénalement, d'agir sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, aux fins de soulever tout incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision pénale, même définitive, ordonnant une mesure de confiscation, y compris lorsque le bien confisqué constitue le produit direct ou indirect de l'infraction (Cass. crim., 4 nov. 2021, n° 21-80.487). Seul le propriétaire de bonne foi a, ainsi, la possibilité de remettre en cause une confiscation devenue définitive. L'octroi de cette possibilité permet notamment de garantir la sécurité juridique de la gestion des biens confisqués.

Ce recours est interdit au propriétaire de mauvaise foi et à celui qui a la libre disposition du bien

Est seul recevable à agir en incident d'exécution d'une décision de confiscation définitive le propriétaire juridique ou légal du bien concerné, non condamné pénalement, qui conserve entier son droit de propriété sur celui-ci, nonobstant la libre disposition dont peut bénéficier une tierce personne.

En l'espèce, la confiscation a été définitivement ordonnée à l'encontre de la société, propriétaire du bien confisqué, après qu'elle ait été déclarée coupable du délit de blanchiment aggravé. Cette société ne pourrait donc pas exercer ce recours. Les représentants du fondateur du trust, propriétaire des parts de la société, ne le peuvent pas plus. 

Henri-Pierre Brossard, Docteur en droit
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