Dénigrement sur un vin de bordeaux : l'éditeur de presse engage sa responsabilité

21.12.2018

Gestion d'entreprise

L'éditeur de presse qui publie des informations erronées sans en vérifier la teneur, engage sa responsabilité.

Si la critique est libre, l’éditeur de presse qui publie un article reproduisant des informations erronées et préjudiciables sur un vin de bordeaux, sans en vérifier préalablement la teneur, engage néanmoins sa responsabilité civile. Le fait que l’article soit la reproduction d’une chronique rédigée par un spécialiste du vin en question ne dispense bien évidement pas le professionnel de la presse de son devoir de vérification.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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C’est en substance en ces termes et au visa des articles 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la Cour de cassation a rendu son arrêt du 12 décembre 2018, dans une affaire de dénigrement à la croisée comme toujours du droit de la presse et du droit de la concurrence.

Précisément, c’est à la suite de la publication dans une revue spécialisée sur les vins, d’un article reproduisant les critiques portées par un spécialiste des grands crus bordelais sur un grand cru classé Saint Julien, et sa comparaison en sa défaveur avec un Pauillac, que la société propriétaire du vin dénigré assigne l’éditeur en dénigrement. Il lui reprochait de ne pas avoir procédé à la vérification d’une information publiée dans la revue et selon laquelle le Pauillac avait été bien plus plébiscité que le Saint-Julien lors d’une dégustation en public et à l’aveugle. En l’occurrence, dans cette affaire et conformément au droit de libre critique qui implique une liberté d’expression par nature subjective, les propos du critique en œnologie n’étaient pas mis en cause.

Le dénigrement, qui constitue une pratique de concurrence déloyale, est sanctionné par le mécanisme de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et 1383 du code civil, et vise les produits ou les services d’une société et non la société elle-même. C’est d’ailleurs ce qui le distingue de la diffamation visée par l’article 29 de la loi de 1881 sur la presse, qui est une allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d’une personne. Le dénigrement sera jugé fautif, lorsque les propos tenus par une société sur sa concurrente ont pour but de détourner une partie de la clientèle à son profit (Cass. 1re civ., 5 déc. 2006, n° 05-17.710, n° 1716 FS-P+B) ou bien de jeter le discrédit ou ternir l’image de marque d’un produit, quelquefois en dehors de toute situation de concurrence. Il suppose la preuve du préjudice, une faute et un lien de causalité.

Dans son chapeau intérieur de l’arrêt du 12 décembre, la Cour de cassation indique que " même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la publication, par l’une, de propos de nature à jeter le discrédit sur un produit fabriqué ou commercialisé par l’autre, peut constituer un acte de dénigrement, sans que la caractérisation d’une telle faute exige la constatation d’un élément intentionnel. Cependant, lorsque les appréciations portées sur un produit concernent un sujet d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, leur divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu’elles soient exprimées avec une certaine mesure. En revanche, l’éditeur de presse, tenu de fournir des informations fiables et précises, doit procéder à la vérification des faits qu’il porte lui-même à la connaissance du public ; qu’à défaut, la diffusion d’une information inexacte et dénigrante sur un produit est de nature à engager sa responsabilité ".

Les juges du fond, dont l’arrêt est cassé au visa des articles précités, avaient relevé que les propos contenus dans l’article étaient de nature à porter atteinte à la réputation du vin de bordeaux, mais avaient jugé que  :

  1. l’éditeur n’avait aucun devoir de vérification de la qualité ni même de l’exactitude de la chronique de l’œnologue, compte tenu de sa réputation de critique reconnu dans le milieu averti des lecteurs de la revue spécialisée ;
  2. l’éditeur n’avait pas connaissance de l’erreur matérielle résultant de l’inversion de notes attribuées aux bouteilles de la dégustation.

Si les appréciations portées par le critique de vins- au demeurant non incriminées- ne faisaient qu’exprimer son opinion et relevaient, par suite, du droit de libre critique, il incombait à la société éditrice de procéder à la vérification des éléments factuels qu’elle portait elle-même à la connaissance du public et qui avaient un caractère dénigrant.

Cécile Thiercelin, Dictionnaire permanent Droit des affaires
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