Députés et sénateurs s'accordent sur le projet de loi Marché du travail

Députés et sénateurs s'accordent sur le projet de loi Marché du travail

13.11.2022

Gestion du personnel

La commission mixte paritaire qui s'est tenue le 9 novembre a été conclusive sur le projet de loi sur le marché du travail. Au fil des discussions, le texte a été enrichi de nouvelles dispositions. Assurance chômage, abandon de poste, refus de CDI à l'issue de CDD ou d'intérim, élections professionnelles, VAE... Nous récapitulons les mesures que comporte ce texte.

Les députés et les sénateurs ont trouvé un accord en commission mixte paritaire (CMP), mercredi matin, sur le projet de loi relatif au marché du travail. Ce n'était pas joué d'avance au regard des nouveautés introduites par les sénateurs, dont certaines constituaient la condition sine qua non d'un consensus entre les deux chambres.

Un accord ayant été trouvé, le texte sera désormais adopté définitivement le 15 novembre à l'Assemblée nationale, puis le 17 novembre au Sénat. Le Conseil constitutionnel sera sans nul doute saisi par des parlementaires de l'opposition, notamment de gauche.

Nous récapitulons les mesures qui ont été finalement été retenues.

La détermination des règles d'assurance chômage, du bonus-malus et l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle

L'un des objectifs du projet de loi était de donner la main au gouvernement pour prendre la main temporairement sur l'assurance chômage. La commission mixte paritaire retient les grandes lignes de la version du projet de loi initial, tel qu'avalisé par l'Assemblée nationale. Le texte autorise ainsi le gouvernement à fixer les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage par décret, après concertation avec les partenaires sociaux, à compter du 1er novembre 2022. Ces mesures seront applicables jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023. Les sénateurs avaient ramené cette échéance au 31 août 2023 mais la CMP n'a pas retenu cette modification.

Ces mesures pourront faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

A noter qu'un décret du 29 octobre 2022 prolonge les règles d'indemnisation du chômage et les dispositions relatives au bonus-malus au-delà du 1er novembre 2022 et jusqu'au 31 janvier 2023, afin de permettre la poursuite du versement des allocations d'assurance chômage et du recouvrement des contributions afférentes.

La CMP retient l'inscription directement dans la loi du principe de contracyclicité du régime d'indemnisation chômage, voulue par les sénateurs. Il est ainsi clairement précisé que "les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail".

S'agissant du bonus-malus visant à moduler la contribution patronale d’assurance chômage, la CMP rétablit la version des députés, à savoir, la prolongation du dispositif du 1er septembre 2022 et ce, jusqu’au 31 août 2024. Le décret précité devra notamment mentionner les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé.

Le texte indique que les données nécessaires à la détermination du nombre de fins de contrat, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, pourront être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions d’assurance chômage. 

En matière d'assurance chômage, la CMP retient un autre changement apporté par les sénateurs à savoir, l'ouverture d'une concertation, dès la publication de la loi, dans les conditions prévues à l'article L.1 du code du travail. Cette concertation pourra être suivie d'une négociation sur la base d'un document d’orientation invitant les partenaires sociaux à négocier notamment sur les conditions de l’équilibre financier du régime et sur l’opportunité de maintenir le document de cadrage prévu à l’article L.5422-20-1 du même code. Ce dernier point constitue une ouverture à l'égard des sénateurs qui avaient acté, dans leur version du texte, la suppression du document de cadrage pour un retour à un vrai document d'orientation.

► La CMP acte la modification de la procédure spécifique d'examen de la demande d'ouverture de droits à l'assurance chômage d'anciens fonctionnaires territoriaux démissionnaires. Les sénateurs ont en effet réduit de trois à deux mois la durée du délai dans lequel la collectivité territoriale ou l'ancien agent peuvent saisir le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale. Est également réduit de trois à deux mois le délai de réponse du centre de gestion.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés
L'encadrement de l'abandon de poste

Introduit par les députés, l'encadrement de l'abandon de poste est confirmé par la CMP après plusieurs réécritures des dispositions en cause. 

Un nouvel article L.1237-1-1 ajouté au code du travail qui prévoit que "le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur (un décret fixera le délai minimum à respecter), est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai". 

Le texte prévoit un recours pour le salarié qui entend inverser la présomption de démission. "Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine".

Les refus de CDI susceptibles d'entraîner la suppression de l'allocation chômage

Une autre disposition introduite par les sénateurs a fait l'objet d'un bras de fer en vue de la CMP mais a finalement été retenue. Il s'agit de dispositions incitant fortement les bénéficiaires d'un CDD ou d'un contrat de mission à accepter le CDI qui leur est proposé sous peine de perdre le bénéfice de l'indemnisation chômage. Le texte introduit deux dispositions, l'une applicable au salarié en CDD (article L.1243-11-1  du code du travail), l'autre au salarié en contrat de mission (article L.1251-33-1 du code du travail). 

Les rédactions diffèrent toutefois. Les garanties apportées au salarié en CDD sont plus importantes. Ainsi, s'agissant du titulaire d'un CDD, le projet de loi prévoit que si ce dernier a refusé à deux reprises une proposition de CDI dans les 12 derniers mois, il perd le bénéfice de son allocation chômage dès lors que l'offre de CDI vise à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

► A noter, initialement les sénateurs avait prévu trois refus de CDI pour un salarié en CDD et un seul pour un salarié intérimaire. Les dispositions ont été harmonisées en CMP à savoir un refus à deux reprises dans les deux cas.

Deux exceptions à cette règle toutefois : 

  • si le salarié a été employé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée au cours de la même période ; 
  • ou si  la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi. 

S'agissant du salarié intérimaire, Pôle emploi devra seulement vérifier que les postes proposés visaient bien à occuper le même emploi, ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail.

Le salarié en contrat de mission bénéficie des deux exceptions précitées.

Dans les deux cas, il reviendra à l'employeur de notifier la proposition d'un CDI par écrit au salarié et, en cas de refus du salarié, d'en informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

Réactivation de l'expérimentation relative aux CDD successifs 

Les députés ont introduit dans le projet de loi une réactivation de l'expérimentation relatives à la succession de CDD ou de contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés. Rappelons que c'est la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 qui a introduit, à titre expérimental, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, la possibilité pour les entreprises de conclure un seul contrat court (CDD ou contrat de mission) pour remplacer plusieurs salariés absents, soit simultanément, soit successivement. L'expérimentation a concerné 11 secteurs définis par le décret du 18 décembre 2019. Depuis l'expérimentation n'avait pas été prolongée. Ce sera désormais chose faite avec ce texte pendant une période de deux ans à compter de la publication du décret. 

Les députés avaient prévu une expérimentation de deux ans à compter de la publication de la loi. Toutefois, les sénateurs ont demandé à ce que l'expérimentation débute à compter de la publication du décret afin qu'elle dure bien deux années pleines. Cette modification a été acceptée en CMP.

Le projet de loi rappelle que cette expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation de cette expérimentation évaluant en particulier, dans les secteurs concernés, les effets de l’expérimentation sur la fréquence de la conclusion des CDD et des contrats de mission ainsi que sur l’allongement de leur durée et les conséquences des négociations de branche portant sur les thèmes mentionnés au 7° de l’article L. 2253-1 du code du travail [les mesures relatives aux CDD et aux contrats de travail temporaire], afin de déterminer notamment les conditions appropriées d’une éventuelle généralisation du dispositif.

► Initialement les députés avaient prévu que le rapport devrait être remis avant le 1er juin 2025. Les sénateurs, puis la CMP, ont retenu ce délai de trois mois au plus tard avant la fin de l'expérimentation. 

Une nouvelle exception pour le CDII

Une autre nouveauté introduite par les sénateurs a été conservé en CMP. La durée maximale de 36 mois pour le contrat de mission ne sera pas applicable au salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire (CDII). 

Régularisation du régime des élections professionnelles 

Le projet de loi vise à sécuriser les élections professionnelles après la censure du Conseil constitutionnel, en novembre 2021, des dispositions du code du travail définissant le corps électoral dans les entreprises à compter du 1er novembre 2022. Les Hauts magistrats, saisis d’une QPC avaient en effet, estimé que les salariés disposant d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation de l’employeur ne pouvaient pas être privés de toute possibilité de participer en tant qu’électeur à l’élection du CSE.

Le projet de loi prévoit ainsi que l’article L.2314-18 du code du travail est rédigé ainsi : "Sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques".

Le texte complète également le premier alinéa de l’article L. 2314-19 du code du travail : "Sont éligibles les électeurs âgés de 18 ans révolus, et travaillant dans l'entreprise depuis un an au moins, à l'exception des conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l'employeur, ainsi que des salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique. Les salariés travaillant à temps partiel simultanément dans plusieurs entreprises ne sont éligibles que dans l'une de ces entreprises. Ils choisissent celle dans laquelle ils font acte de candidature".

Ces dispositions seront rétroactivement applicables à compter du 31 octobre 2022 (initialement, la date fixée par le texte était le 1er novembre 2022).

► Les sénateurs ont introduit une spécificité pour les branches qui regroupent des établissements relevant du code de l’éducation et du code rural et de la pêche maritime (à savoir, les branches de l’enseignement privé à but non lucratif et celle de l’agricole privé) que la CMP a entérinée en en modifiant la rédaction. Ainsi, est-il prévu pour ces établissements que par dérogation aux articles L.2121-1 et L.2122-5 du code du travail, jusqu’à la deuxième mesure de l’audience suivant la publication de la présente loi, le ministre du travail arrête la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches regroupant ces établissements sur le fondement de l’ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux comités sociaux et économiques de ces établissements et au scrutin concernant les entreprises de moins de 11 salariés lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l’audience.

VAE : une réforme de fond

La validation des acquis de l’expérience s’est considérablement enrichie au fur et à mesures des différentes lectures du texte des deux chambres, Assemblée nationale et Sénat. Si le projet de loi initial ne visait qu’à ouvrir ce dispositif aux aidants familiaux pour leur permettre de faire valoir les compétences acquises auprès d’un membre de leur famille dépendant ou en fin de vie, le texte définitif, issu de la commission mixte paritaire du 9 novembre, pose les bases d’une réforme systémique de cette troisième voie d’accès à la certification, aux côtés de la formation initiale et continue. Les changements du texte sont conséquents.

Première modification : le périmètre de la VAE change d’échelle. Si jusqu’ici seules les compétences acquises dans le cadre professionnel ou extra-professionnel (bénévolat, expériences syndicale, associative, sportive) étaient valorisées, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La VAE s’ouvre à tous types d’activité (salariée, non salariée, bénévoles) et à tous publics (professionnel, sportif, aidant…).

Par ailleurs, les postulants pourront être accompagnés, dès le début de la démarche pour la "constitution" de leur dossier (orientation vers le bon diplôme, pièces administratives à fournir… ).

Cette phase, souvent rédhibitoire, est allégée. Un décret devra préciser les nouvelles étapes de cette procédure dite de "recevabilité" qui pourrait laisser place à un oral.

De plus, les périodes de mise en situation "en milieu professionnel" seront comptabilisées "au titre de la durée minimale d’expérience requise " en sus des périodes de formation initiale ou continue et des périodes de stage.

Le dossier est ensuite transmis à l'organisme certificateur (ministères, universités, établissements publics, chambres consulaires, branches professionnelles, certificateurs privés). Lequel devra se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

► A noter : le texte double la durée du congé de VAE de 24 à 48 heures. Et à l’issue de leur parcours, les candidats pourront obtenir une VAE partielle, via l’obtention de blocs de compétences, pour les orienter ensuite vers une validation totale.

Surtout, le texte donne le feu vert à la création d’un service public de la VAE. Ses missions ? "Orienter et accompagner toute personne demandant la validation des acquis de l’expérience et justifiant d’une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée". Elles seront portées au niveau national par un groupement d’intérêt public (GIP)  composé de l’État, des régions, de Pôle emploi, de l’Afpa, des Opco et des Associations transitons professionnelles, ainsi que "d’autres personnes morales publiques ou privées" qui pourront adhérer en plus des "membres de droit". Il est présidé par un président de conseil régional, selon les ajouts du Sénat. Ce service public s’adossera à une plateforme numérique.

Côté financement, les associations transitions professionnelles sont de nouveau mises à contribution : elles pourront financer de manière forfaitaire, dans la limite de 3 000 euros, les parcours de validation des acquis de l’expérience (VAE) des candidats (frais d'inscription auprès de l'école ou de l'organisme certificateur, de constitution du dossier, de préparation au jury de validation) "sous réserve du caractère réel et sérieux du projet".

Enfin, le texte s’étoffe, après l'adoption du texte par le Sénat, d’un article 4 bis, en donnant son feu vert à une VAE inversée, à titre expérimental en vue "de favoriser l’accès à la certification et à l’insertion professionnelles dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement". Il s’agit ici d’adosser un accompagnement VAE à des contrats de professionnalisation pour permettre au titulaire de valider les acquis de l’expérience (partiellement ou totalement) non pas en amont de la formation, mais en cours de celle-ci. Cette expérimentation menée pour une durée de trois ans (à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023) devra faire l’objet d’une évaluation par le parlement "au plus tard six mois avant son terme".

Florence Mehrez et Anne Bariet
Vous aimerez aussi