La Caisse des dépôts a indiqué, vendredi, que plusieurs prestataires réduisent les durées de leur formation dans le cadre du compte personnel de formation, sans avertir le bénéficiaire. Elle prévoit d’appliquer un abattement tarifaire pour contrecarrer ces pratiques.
Haro sur la "shrinkflation" (1) : les organismes de formation qui proposent des prestations financées via le compte personnel de formation ont adopté, à l’instar des enseignes la grande distribution, cette pratique qui consiste ici à diminuer la durée des formations souscrites sans répercuter intégralement la baisse du nombre d’heures dans le prix demandé aux stagiaires. Le temps d’apprentissage a donc été resserré pour le même prix qu’avant et en toute discrétion, sans avertir le bénéficiaire.
C’est ce qu’a révélé, vendredi, la Caisse des dépôts et consignations qui gère le CPF dans une étude consacrée à l’évolution des prix des formations financées par ce dispositif entre 2020 et 2022. Concrètement, le prix horaire moyen des formations a augmenté de 63,5 % en deux ans, entre 2020 et 2022. Une envolée inédite en pleine crise du pouvoir d’achat et carrément supérieure à l’inflation.
Des disparités existent toutefois : toutes les formations ne sont pas concernées. Si ces stratégies commerciales sont très présentes pour les langues vivantes, l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise ou le secrétariat et la bureautique, elles sont moins répandues dans les formations liées au transport, dont le permis B. Elles préparent à des examens standardisés et réglementés: la réduction la durée pourrait ainsi "compromettre les chances de réussite des stagiaires à l’examen".
De même, elles sont moins fréquentes pour les formations qui ont gardé des caractéristiques inchangées d’une année sur l’autre. C’est-à-dire qui conservent "la même certification, la même raison sociale, les mêmes modalités de réalisation et de durée de formation". Ainsi à formation équivalente, les prix augmentent de façon plus modérée ; +7,7 % en deux ans (+ 4,4 % en 2021, + 3,2 % en 2022).
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Il n’empêche. Ces pratiques mettent la Caisse des dépôts dans l’embarras. Au point où Michel Yahiel, le directeur des politiques sociales de la Caisse des dépôts, menace d’appliquer des abattements tarifaires aux prestataires peu scrupuleux. "Si on se rend compte dans le cadre de notre politique de contrôle que les organismes de formation ont laissé figurer [dans leur offre] une durée de type 1 kg qui en réalité ne représente que 800 grammes, c’est-à-dire une durée moindre, à ce moment-là nous interviendrons. Nous ne paierons pas ces prestataires à hauteur de leurs demandes puisque le service n’est pas honoré à 100 %".
Reste que les marges de manœuvre de la Caisse des dépôts sont limitées. Peut-elle contrôler l’ensemble des formations répertoriées sur la plate-forme Mon compte formation ? "Nous réalisons des contrôles sur un échantillon de prestations. Nous pouvons repérer les écarts significatifs entre la durée affichée des formations et celle réellement réalisée".
Mais ce contrôle a aussi ses limites. "Dans la plupart des cas, à l’exception des diplômes et certifications extrêmement normés, la durée des formations est à la main de l’organisme". Or, "s’il n’y a pas de hiatus entre l’offre initiale et la prestation de service et qu’il n’y a pas d’entorse par rapport aux règles d’une formation précise, nous ne pouvons pas intervenir et dire qu’il y a tromperie sur la marchandise. Le contrat est passé entre l’offreur de formation et le client et non avec la CDC".
Le recours au distanciel n’a pas fait baisser la facture : "aucune corrélation claire ne semble exister entre le prix horaire moyen apparent et les modalités de formation", insiste Ronan Mahieu, l’auteur de l’étude. Pour preuve, "le prix horaire des formations en langues vivantes est substantiellement plus élevé que celui des formations au permis B, alors que le recours au distanciel intégral est massif dans le premier cas et très minoritaire dans le second".
Quel est l’impact de la "shrinkflation" sur le budget global du CPF ? Pour l’heure, le phénomène n’a pas grevé l’enveloppe allouée par France compétences à la Caisse des dépôts au financement du CPF. Au total, le budget fléché vers le financement du compte personnel de formation s’élève à 2,60 milliards d’euros en 2022 en baisse de 6,9 % par rapport à 2021.
Il faut dire que plusieurs mesures de régulation ont été mises en place ces deux dernières années. Le déférencement massif de formations à la création ou à la reprise d’entreprise non conformes à la réglementation, la mise en œuvre début octobre 2021 d’une nouvelle procédure d’enregistrement des organismes de formation (OF) sur Mon compte formation et surtout l’entrée en vigueur d’une authentification renforcée via FranceConnect+ préalablement à tout achat de formation, ont fait reculer les achats de formation.
"Mais il faudra attendre fin 2023 pour mesurer réellement les effets de ses mesures", indique Michel Yahiel qui anticipe, toutefois, un budget d’environ deux milliards d’euros pour le CPF, cette année, contre trois milliards initialement prévus.
Autre inconnue : si la CDC a observé le phénomène de "shrinkflation" sur son périmètre, le compte personnel de formation, elle n’a pas pu le constater sur d’autres formations, notamment sur celles dispensées dans le cadre du plan de développement des compétences.
(1) La "shrinkflation" (réduflation en français) est une stratégie commerciale qui consiste à réduire la quantité d’un produit tout en gardant le même prix.
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