Des propositions pour donner une valeur juridique au crime d'écocide

23.06.2021

Environnement

Un panel de juristes, mandaté par la Fondation Stop Ecocide, propose d'introduire une définition de l'écocide dans le statut de la Cour pénal internationale.

Un comité de rédaction composé d'experts internationaux ont dévoilé une proposition pour intégrer le crime d'écocide en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Cette proposition intervient alors que le crime d'écocide peine à émerger, tant au plan mondial qu'en France.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Un crime d'écocide encore non encadré juridiquement

Au plan international, on se souvient qu'en 2015, une équipe de seize juristes internationaux avait travaillé pendant trois ans pour proposer des textes visant à sanctionner les écocrimes, c’est-à-dire les crimes environnementaux et les écocides. Ces derniers désignent « les crimes les plus graves contre l’environnement qui, en temps de paix comme en temps de conflit armé, portent atteinte à la sûreté de la planète lorsqu’ils causent une dégradation étendue, durable et grave de l’air ou de l’atmosphère, des sols, des eaux, des milieux aquatiques, de la faune ou de la flore, ou de leurs fonctions écologiques ; ou la mort, des infirmités permanentes ou des maladies incurables graves à une population ou qui dépossède cette dernière de ses territoires et ressources » (sources : L. Neyret, 2015).  Sans succès.

 

En France, une proposition de loi réprimant l'écocide a été déposée au Sénat en mars 2019, mais a finalement été rejetée deux mois plus tard, le Sénat estimant que la France avait déjà un arsenal robuste et qu’un pacte mondial pour l’environnement était en cours d’élaboration. Même sanction du côté de l'Assemblée nationale où quelques mois plus tard, une nouvelle tentative d’inscription du crime d’écocide dans le code pénal échouait à nouveau, cette fois pour les motifs tirés d'un risque d’insconstitutionnalité, de la nécessité d’un corpus juridique international préalable et de problèmes de compétence de juridictions.

 

Enfin, l’une des propositions de la Convention climat, qui souhait que le Parlement légifère aux fins d’introduire une définition de l’écocide dans le code pénal (v. notre actualité "La Convention citoyenne pour le climat a remis ses propositions" du 2 juillet 2020), a été rejetée par le Président de la République en juillet 2020 au motif que la rédaction retenue était incompatible avec le respect des principes fondamentaux du droit français, même s’il n’a pas écarté l'idée d’étudier une telle possibilité (v. notre actualité "Convention citoyenne pour le climat : la réponse de l'Elysée" du 2 juillet 2020). Le projet de loi climat issu des travaux de la convention, et actuellement en cours d'examen au Parlement, prévoit toutefois un délit d'écocide suivant en cela les propositions du Gouvernement.

L'intégration du crime d'écocide intégré au statut de la CPI

Le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) comporte actuellement quatre crimes - génocide, crimes contre l’Humanité, crimes de guerre et crimes d’agression, mais pas le crime d'écocide. Un comité de rédaction, présidé par l'avocat et auteur Philippe Sands QC (Royaume-Uni), et la juriste et ancienne procureure des Nations Unies, Dior Fall Sow (Sénégal), formé de 12 juristes de renom et mandaté par la Fondation Stop Ecocide, propose de l'y ajouter.

 

En effet, il n'existe actuellement aucun cadre juridique pour traiter de l'écocide au niveau international, et donc aucun système permettant de tenir les décideurs des entreprises et des gouvernements responsables des dommages et des abus environnementaux tels que les marées noires, la déforestation massive, les dommages causés aux océans ou la pollution grave des eaux. L'inscription de l'écocide dans le droit international permettrait de juger les auteurs de ces actes devant la Cour pénale internationale ou dans toute juridiction ayant ratifié la Convention.

Proposition de rédaction du crime d'écocide

En plus de l'insertion de la mention du crime d'écocide dans un paragraphe préliminaire ainsi que dans l'article 5 sur les crimes relevant de la compétence de la CIP,  la proposition introduirait une définition de l'écocide dans un article 8 ter du statut de Rome. Pour l'instant, seulement proposée en anglais, cette définition serait grosso modo la suivante, sous réserve de traduction définitive en français qui seule fera foi :

"1. Aux fins du présent Statut, « l'écocide » désigne des actes illégaux ou arbitraires commis en sachant qu'il existe une probabilité substantielle de dommages graves et étendus ou à long terme à l'environnement causés par ces actes.
 

De plus, la proposition de rédaction - toujours sous réserve de traduction française déifnitive - précise cinq termes de la définition :

 

"2. Aux fins du paragraphe a : « arbitraire » signifie une négligence coupable pour des dommages qui seraient manifestement excessifs par rapport aux avantages sociaux et économiques attendus ;

 

b. « Sévère » signifie des dommages qui impliquent des changements défavorables très graves, des perturbations ou des dommages à tout élément de l'environnement, y compris des impacts graves sur la vie humaine ou les ressources naturelles, culturelles ou économiques ;

 

c. « Général » désigne les dommages qui s'étendent au-delà d'une zone géographique limitée, traversent les frontières d'un État ou sont subis par un écosystème ou une espèce entière ou un grand nombre d'êtres humains ;

 

d. « À long terme » désigne les dommages qui sont irréversibles ou qui ne peuvent être réparés par une regénération naturelle dans un délai raisonnable ;

 

e. « Environnement » désigne la terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ainsi que l'espace extra-atmosphérique".


Sur le site de la Fondation, une foire aux questions permet de mesurer la portée et le champ d'application de cette disposition.
Et la suite ?

La définition proposée va désormais être mise à disposition des États pour qu'ils l'examinent. Elle sera désormais visible sur le tout nouveau site web Ecocide Law, une plateforme de ressources académiques et juridiques gérée conjointement par la Fondation Stop Ecocide et le Promise Institute for Human Rights de la faculté de droit de l'UCLA. Pour être adoptée, une telle proposition doit être soutenue par les deux tiers des États parties au Statut de Rome, soit 82 sur 123. Les États pourront ensuite ratifier cet accord et l'appliquer.

Olivier CIZEL, Code permanent Environnement et nuisances
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