Deux nouvelles sous-destinations de constructions et le statut d'entrepôt pour les "dark stores"

28.03.2023

Immobilier

Qualifiés d'entrepôts par le Conseil d'État, les "dark stores" sont quasi-simultanément reconnus comme tels dans le code de l'urbanisme, qui accueille également deux nouvelles sous-destinations dédiées aux "dark kitchens" et aux "lieux de culte".

Un décret et un arrêté du 22 mars 2023 modifient la liste des destinations et sous-destinations de constructions que le PLU peut réglementer. Bien que préparé depuis plusieurs mois, le décret publié au JO du 24 mars entérine la décision du Conseil d'État intervenue la veille sur le statut des « dark stores ». Ce texte crée deux nouvelles sous-destinations et complète, par ailleurs, la liste des annexes au PLU et celle des servitudes d'utilité publique.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

Découvrir tous les contenus liés

Les dispositions du décret relatives aux destinations et sous-destinations sont d'application différée, elles entrent en vigueur le 1er juillet 2023. Elles ne s'appliquent pas aux PLU et aux documents en tenant lieu en cours d'élaboration ou d'évolution à cette date (les articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme dans leur version antérieure restent alors applicables). La collectivité en charge du PLU peut néanmoins décider de les appliquer par anticipation, à condition que la délibération approuvant le plan entre en vigueur à compter du 1er juillet 2023.

L'arrêté du 22 mars 2023, qui donne la définition des nouvelles sous-destinations et rectifie les définitions des sous-destinations mentionnées à l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, est d'application immédiate. Il modifie l'arrêté du 10 novembre 2016.

Les « dark stores » inclus dans la sous-destination « entrepôt »

 La décision du Conseil d'État

Par son arrêt du 23 mars 2023, le Conseil d'État tranche le contentieux opposant la mairie de Paris à deux sociétés exerçant des activités relevant essentiellement du commerce en ligne, dans des locaux initialement utilisés par des commerces traditionnels (CE, 23 mars 2023, n° 468360). 

La ville de Paris considère que ces locaux destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette [ce qui correspond à la définition des « dark stores »] sont désormais utilisés comme entrepôts. Une telle transformation constituant un changement de destination, elle reproche aux sociétés en cause de ne pas avoir déposé une déclaration préalable. Or, le PLU de Paris proscrit la transformation en entrepôts de locaux existants en rez-de chaussée sur rue. Il ne permet pas la création de « dark-stores » sur une bonne partie de son territoire. La ville a alors adressé aux sociétés incriminées des mises en demeure de restituer les locaux en leur état d'origine, en application de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme. Mais le juge des référés a suspendu les mises en demeure, estimant que ces locaux « correspondraient à la définition d'espace de logistique urbaine au sens du règlement du PLU de la ville de Paris qui, contrairement à la destination d'entrepôt, n'est pas interdite » : voir notre article « Dark stores : le tribunal administratif suspend les mises en demeure de la ville de Paris » (TA Paris, référé, Ord. 5 oct. 2022, n°s 2219412 et s.).

Le Conseil d'État annule la suspension prononcée par le tribunal administratif de Paris. Il précise que les locaux en question doivent être considérés comme des entrepôts, au sens des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme. Même si des points de retrait peuvent y être installés, ils ne constituent plus des locaux « destinés à la présentation et vente de biens directe à une clientèle ». Or, un tel changement de destination nécessite le dépôt d'une déclaration préalable en application de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme. 

La Haute juridiction se prononce également sur la faculté pour la ville de s'opposer à une déclaration préalable, au regard des dispositions du PLU qui se réfère encore aux anciennes destinations de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme. Le juge écarte la possibilité d'une régularisation, considérant que l'utilisation des locaux correspond bien à une activité relevant de la destination « entrepôt » telle que définie par le PLU, et non à une logique de logistique urbaine.

Remarque : l'arrêt du 23 mars donne au Conseil d'État l'occasion de préciser le champ d’application des mises en demeure prises sur le fondement de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme : « Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux " travaux ", elles sont cependant applicables à l'ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire ».

L'intégration dans le code de l'urbanisme

Depuis plusieurs mois, le Gouvernement, conscient des désagréments causés aux riverains par ces activités (nuisances sonores, stationnement abusif des livreurs sur les trottoirs...) entendait mieux les réglementer, mais les textes annoncés pour septembre tardaient à être publiés. C'est chose faite avec le décret et l'arrêté du 22 mars. Le statut des « dark stores » est ainsi clarifié, bien qu'ils ne fassent pas l'objet d'une sous-destination dédiée, contrairement aux « dark kitchens » (ce qui pourrait entrainer des difficultés d'application et nécessiter la modification des PLU pour déterminer des secteurs où ils ne peuvent être implantés ou soumis à conditions). 

L'arrêté vient préciser que la sous-destination « entrepôt » recouvre les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l'entreposage des biens sans surface de vente, les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique, ainsi que les locaux hébergeant les centres de données (Arr. 10 nov. 2016, art. 5, mod. par arr. 22 mars 2023, art. 1er, IV, 1°).

Deux nouvelles sous-destinations dédiées aux « dark kitchens » et aux « lieux de culte » 

Le décret modifie la liste des sous-destinations prévue par l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme, afin d'en créer deux nouvelles. Elles sont définies par l'arrêté :

- la sous-destination « lieux de culte », dans la destination « équipements d'intérêt collectif et services publics », recouvre les constructions répondant à des besoins collectifs de caractère religieux ;

- la  sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » [communément appelées « dark kitchens » ], dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » correspond aux constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes sont soit livrées au client soit récupérées sur place. 

Remarque : l'arrêté apporte également des précisions à la définition des sous-destinations « exploitation agricole », « artisanat et commerce de détail », « restauration », « locaux et bureaux des administrations publiques et assimilés », « industrie » et « bureau ».

La liste des annexes du PLU complétée

Le décret complète la liste des éléments devant figurer en annexe au PLU (s'il y a lieu), prévue à l'article R. 151-52 du code de l'urbanisme. Elle y ajoute :

- la carte de préfiguration des zones soumises au recul du trait de côte établie dans les conditions définies à l'article L. 121-22-3 du code de l'urbanisme ;

 - les périmètres à l'intérieur desquels, en application de l'article R. 421-12, d, les clôtures sont soumises à déclaration préalable ;

- les périmètres à l'intérieur desquels les travaux de ravalement sont soumis à autorisation, en application de l'article R. 421-17-1, e, du code de l'urbanisme ;

-  les périmètres à l'intérieur desquels le permis de démolir a été institué, en application de l'article R. 421-17 du même code.

Remarque : le décret intègre dans la nomenclature des servitudes d'utilité publiques (SUP) annexée au Livre Ier de la partie réglementaire du code de l'urbanisme une catégorie de servitude prévue à l'article L. 566-12-2 du code de l'environnement relative aux ouvrages et infrastructures nécessaires à la prévention des inondations. Il corrige également une erreur de référence aux articles du même code concernant les servitudes de passage sur le littoral.

Laurence GUITTARD, Dictionnaire Permanent Construction et urbanisme
Vous aimerez aussi

Nos engagements