Retour sur le rapport sur l’application de la loi sur le devoir de vigilance avec Swann Bommier, chargé de plaidoyer « régulation des entreprises multinationales » du CCFD-Terre Solidaire, association qui fait partie du collectif d’ONG ayant soutenu l’adoption de cette loi.
Le 24 février, le Conseil général de l’économie a remis au ministre de l’Économie son rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la loi relative au devoir de vigilance. Swann Bommier, chargé de plaidoyer « régulation des entreprises multinationales » du CCFD-Terre Solidaire, nous en explique la portée.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Le Conseil général de l’économie (CGE) a rendu son rapport mais sans la liste des entreprises assujetties au devoir de vigilance demandée par le ministre de l’Économie dans sa lettre de mission. Comment l’expliquez-vous ?
Swann Bommier : Le CGE mentionne dans son rapport toutes les difficultés qui ne lui ont pas permis d’établir cette liste. Or, face aux mêmes difficultés et avec les seuls moyens d’ONG qui n’ont accès à aucune des bases de données de Bercy et de l’INSEE, le CCFD-Terre Solidaire et Sherpa ont réussi à identifier 237 entreprises qui figurent dans le radar du devoir de vigilance, dont 59 sociétés n’ont a priori encore rien publié en 2019. Comment expliquer que le gouvernement est en mesure d’identifier les entreprises tenues de publier leur index sur l’égalité professionnelle mais pas celles assujetties au devoir de vigilance ? Nous pensons qu’il y a clairement une absence de volonté politique de publier cette liste. Le CGE dit d’ailleurs avoir établi une première liste de 250 entreprises qu’il n’a pas rendue publique alors que rien ne l’empêche de le faire en précisant que celle-ci n’est pas exhaustive. Nous allons revenir vers le cabinet du ministre de l’Économie pour leur demander de publier cette liste, et nous allons également adresser une requête à la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) pour pouvoir la consulter.
Que pensez-vous du bilan de l’application de la loi établi par le CGE et des 5 recommandations que ce dernier émet pour améliorer la situation ?
S.B. : En ce qui concerne la bonne mise en œuvre de la loi, le CGE écrit dans son rapport que « la non publication d’un plan de vigilance n’est pas acceptable », et que « les associations ne manqueront pas, à raison, de mettre en demeure ces mauvais élèves, voire d’engager une procédure pour les obliger sous astreinte ». Est-ce que cela signifie que la puissance publique entend déléguer le contrôle de l’application de la loi aux associations ? Que c’est aux ONG que revient la mission de veiller à ce que les entreprises respectent la loi et à les y obliger si elles ne s’y conforment pas ? Ce que nous demandons depuis plusieurs années c’est qu’une instance indépendante soit chargée de cette mission. Or, l’une des recommandations du rapport vise à « charger un des services de l’État de la promotion du devoir de vigilance en prévoyant des moyens dédiés et en lui donnant accès aux données non publiables détenues par les autres administrations pour lui permettre d’en vérifier et d’en renforcer l’application ». Nous sommes également favorables aux autres propositions du CGE concernant l’extension de l’application de la loi aux sociétés constituées en SARL ou en SNC – c’est la première recommandation que nous avons formulée lors de la publication du radar de la vigilance –, l’abaissement des seuils d’assujettissement en les alignant sur ceux de la directive sur le reporting extra-financier – que nous demandons depuis longtemps également – et l’élargissement du devoir de vigilance au plan européen.
La Commission européenne vient de publier une étude sur le devoir de vigilance, dont un des objectifs est de définir quels pourraient être les contours d’une directive en la matière. Que pensez-vous des résultats de cette étude ?
S.B. : Le constat dressé par cette étude est qu’en matière de vigilance les mesures incitatives et volontaires ne fonctionnent pas, et qu’il y a un quasi consensus entre les ONG et les entreprises sur le fait qu’il faut imposer des obligations réglementaires. Contrairement aux organisations patronales qui défendent une approche plus idéologique, les entreprises ont à titre individuel une position plus pragmatique. Elles sont favorables à une réglementation par souci de sécurité juridique et pour éviter les distorsions de concurrence avec les entreprises qui n’ont pas leur siège en Europe mais y exportent des produits et des services. Nous faisons partie des associations qui ont répondu à la consultation en ligne et nous sommes très heureux de la publication de cette étude qui va très bientôt être présentée au Parlement européen.
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