Devoir de vigilance de TotalEnergies : ce qu’il faut retenir de la décision du juge des référés
06.03.2023
Gestion d'entreprise

Le 28 février, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevables les demandes des ONG dans le litige les opposant à TotalEnergies, concernant les projets pétroliers Tilenga et EACOP en Ouganda et en Tanzanie. Dans sa décision, le juge donne pour la première fois une définition de la RSE et appelle le gouvernement à préciser les contours de la loi sur le devoir de vigilance.
« C’est la première décision en application de la loi sur le devoir de vigilance », souligne Antonin Lévy, avocat conseil de la société Total dans le litige opposant le groupe pétrolier à plusieurs ONG concernant les projets Tilenga et EACOP en Ouganda et en Tanzanie.
Dans deux jugements rendus le 28 février par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, les assignations des ONG « Les Amis de la Terre France », « Survie » et quatre associations ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE, Les Amis de la Terre Ouganda et NAVODA) mettant en cause le devoir de vigilance de TotalEnergies concernant les projets Tilenga et Eacop en Ouganda et en Tanzanie ont finalement été rejetées. Pour rappel, les associations avaient demandé au tribunal d’enjoindre à TotalEnergies de :
- « mettre en conformité son plan de vigilance avec la loi, en y faisant figurer tous les risques d’atteintes graves associés aux projets » ;
- mettre en œuvre de manière effective des « mesures de vigilance raisonnable », y compris des mesures d’urgence telles que « le versement immédiat des compensations et des distributions de nourriture pour les communautés privées de leurs moyens de subsistance » ;
- « suspendre les travaux afférents aux projets ».
Alors concrètement, que peut-on en retenir ? Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement et professeur associé à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, « cela reste une décision du juge des référés : ce n’est ni une défaite ni une victoire pour l’une ou l’autre des parties. Il ne faut pas la surinterpréter ».
« Pour la première fois, dans une décision de justice, on trouve une définition de la RSE, rattachée aux droits de l’Homme », remarque toutefois le professeur.
« La responsabilité sociale des entreprises, qui participe de cette évolution, désigne un concept selon lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec les parties prenantes, initialement à partir d’une démarche volontaire progressivement complétée par un cadre légal et réglementaire visant à mieux encadrer les mesures déployées et à l’évaluation de leur efficacité. » (Extrait de la décision, p .15)
Sur le devoir de vigilance, le professeur note « deux choses intéressantes. Sur la forme, le juge considère que la loi française sur le devoir de vigilance est imprécise. Celle-ci donne une possibilité au gouvernement de prendre un décret. Le juge fait de cette possibilité une obligation. Sans ce décret, il estime qu’on ne peut pas évaluer le sens et la portée du devoir de vigilance ».
Un « constat que font de très nombreuses entreprises qui sont obligées de définir elles-mêmes la méthodologie et le champ des obligations auxquelles cette loi générale les astreint », estime Antonin Lévy.
Et sur le fond, que nous dit le juge ? « Il considère qu’il n’est pas outillé pour se prononcer sur le contenu du plan de vigilance : il peut seulement se prononcer sur l’existence d’un plan. En l’espèce, le juge relève que formellement, la société TotalEnergies a bien établi ses plans de vigilance », répond Arnaud Gossement.
« Le tribunal indique que le plan de vigilance comporte les 5 items prévus par la loi sur le devoir de vigilance et qu’ils sont suffisamment détaillés pour ne pas être regardés comme sommaires, se félicite sur ce point Antonin Lévy. Il relève par ailleurs que la société a versé de très nombreuses pièces contradictoires au débat, qui démontrent la mise en œuvre effective de son plan de vigilance ».
Le tribunal reproche tout d'abord « aux associations de ne pas avoir exprimé toutes leurs demandes dans la mise en demeure - dont le contenu diffère de celui de l’assignation », analyse Arnaud Gossement. Sur ce point, « les associations requérantes, qui contestent avoir modifié substantiellement leurs demandes, expliquent qu’elles n’ont fait que les préciser et consolider leur argumentaire avec plus de 200 documents de preuves à l’appui. Les pièces du dossier sont nombreuses et proportionnées aux enjeux, et répondent aux besoins d’actualisations liés à la longueur de la procédure, considérablement rallongée par la bataille procédurale engagée par Total en 2019 », précise le communiqué publié sur le site de l'ONG Les amis de la Terre.
Autre reproche, celui de « ne pas avoir suffisamment dialogué avec Total avant d’aller dans le prétoire ». Un argumentaire entendu par Antonin Lévy qui conseille « aux entreprises de développer effectivement leur plan de vigilance avec les parties prenantes : les ONG, les syndicats, les acteurs de la société civile, les personnes concernées… Ceci afin que l’entreprise ne soit pas laissée comme maître et juge de ses obligations ».
Cette décision a-t-elle mis un coup d'arrêt aux projets portés par TotalEnergies ? « Les premiers forages devraient démarrer dans les semaines à venir, indique Pauline Tétillon, co-présidente de l’association SURVIE. Or, pour l’instant, le juge n’a contraint TotalEnergies ni à modifier son plan de vigilance, ni à mettre en place les mesures d’urgence que nous réclamons (distributions de nourriture et dédommagement financier de toutes les personnes impactées) ».
« Il semblerait par ailleurs que le financement du projet ne soit pas bouclé. Grâce à la mobilisation internationale, les plus grosses banques ont – pour le moment – renoncé à apporter leur soutien financier », se félicite la responsable associative. « Nous n’avons pas encore décidé des suites à donner à l’affaire car cela mérite une analyse approfondie du jugement. Nous allons en discuter avec les 5 autres ONG et les communautés ougandaises afin de décider de la stratégie à adopter. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne s’arrêtera pas là ».
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