L’association Réalités du dialogue social tire les lignes de force de la Semaine du dialogue social en régions qu'elle a organisée du 14 au 17 novembre. Intitulée "d’une crise à l’autre : résilience et nouvelles performances des entreprises " cette 1ère édition s’était donnée comme fil conducteur d’étudier et d’illustrer en quoi le dialogue social joue un rôle pour permettre aux entreprises de gérer la succession, voire la concomitance des transformations et ruptures, d’y résister et de se remodeler en conséquence. S’il n'y avait qu'un seul mot à retenir de ces conférences, ce serait le terme "inventif"

Nos écrans saturent d’images de manifestations, cortèges, banderoles et les médias véhiculent davantage les termes conflit, mouvement social, revendication que dialogue, compromis ou accord collectif. C’est indéniable : la France se distingue avec 114 jours de grève par an pour 1 000 salariés, loin devant la Belgique et l’Espagne (1). Mais il existe d’autres réalités, plus silencieuses. La France est aussi un pays de négociations, dans les entreprises, dans les branches d’activités et plus modestement dans la fonction publique. Ce sont près de 80 000 accords (2) par an qui sont négociés dans les entreprises abordant des thèmes relativement consensuels, comme le télétravail, mais aussi des sujets plus épineux telles les rémunérations, surtout en cette période de crise de pouvoir d’achat.
C’est pourquoi, Réalités du dialogue social a souhaité valoriser ces pratiques en donnant la parole à des dirigeants, DRH, managers, élus syndicaux, salariés dans quatre régions : Île-de-France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France.
L’ambition était d’observer, au cours de quatre soirées, les défis auxquels les acteurs sociaux locaux sont confrontés et comment ils y répondent, notamment en actionnant le levier du dialogue social. Avec la même ambition, des PME aux grandes structures, de l’échelon local au niveau central : garantir la performance des organisations et de bonnes conditions de travail aux salariés.
Un événement inédit autour de 30 intervenants et d’un partenaire académique (3) dans chacune des régions.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Au gré des crises sanitaire, énergétique, inflationniste, nous nous trouvons dans un contexte de transformation permanente, en forte accélération, qui oblige à tâtonner, à tous les niveaux, et incite aussi à saisir de nouvelles opportunités.
Illustrations lors de la conférence en Île-de-France "Réinventons les liens sociaux dans une organisation de travail hybride" consacrée aux effets de la pandémie sur les organisations, les lieux et rythmes de travail et, de fait, sur les modes de communication dont les usages numériques.
Premier constat : il n’y aura pas de retour au monde d’avant s’agissant des modalités de réunions des instances de représentation du personnel ; si l’hybride est plutôt écarté car n’offrant pas la même qualité de participation pour tous, les partenaires sociaux naviguent entre le 100 % présentiel et le 100 % distanciel selon la nature des réunions ou les enjeux discutés. Le pragmatisme l’emporte sur le formalisme.
Deuxième constat : les potentialités du numérique sont insuffisamment exploitées pour structurer les relations entre salariés et organisations syndicales ; à ce titre, l’obligation légale d’apposer des panneaux d’affichage syndicaux est montrée du doigt à l’ère digitale mais surtout, depuis la pandémie qui a éloigné les salariés de leur lieu de travail. S’il est de la responsabilité des syndicats d’investir ce champ du numérique, tester de nouvelles actions de communication, d’y former ses mandants, il est nécessaire de contourner les obstacles réglementaires, telle l’interdiction d’utiliser les messageries professionnelles. Là encore, la négociation est attendue et privilégiée pour favoriser les expérimentations et s’adapter aux transformations organisationnelles. Les retours d’expériences sur l’assouplissement de l’accès à la messagerie d’entreprise, en période de confinement, ont démontré une auto-régulation de la part des acteurs (4).
Troisième constat : les transformations du travail vers des professions nomades oblige le dialogue social à être créatif pour pallier un code du travail construit avec des règles pour organiser le travail physique.
Ces multiples crises placent au premier plan des problématiques qui confrontent l’entreprise à ses responsabilités sociétales :
- la notion de sens au travail, qui avec la santé, la sécurité, les conditions de travail, sont requestionnées depuis la pandémie ;
- la problématique environnementale, un enjeu structurel qui se trouve exacerbé aujourd’hui par la crise énergétique ;
- la question du pouvoir d’achat, et donc des rémunérations des salariés, aussi amplifiée par le nouveau contexte inflationniste.
La soudaineté et l’enchaînement de ces différents chocs conduisent les partenaires sociaux à s’en emparer, à dialoguer, à rechercher des solutions pour les salariés tout en assurant le maintien économique de l’entreprise. Ils expliquent aussi certaines hésitations, va-et-vient sur la façon d’aborder les sujets. Ainsi la question du télétravail a mobilisé les acteurs sociaux depuis 2020 et a engendré une explosion du nombre d’accords en un an (+ 47,5 %), à 4070 en 2021 (5). Vu la rapidité des évolutions, une problématique vient en remplacer une autre et interpelle les acteurs sociaux. Fin 2022, pour certains intervenants de la Semaine du dialogue social en régions, ce sont désormais les conditions de retour sur site des salariés qu’il convient de placer à la table des négociations.
Les partenaires sociaux doivent également faire face à des situations antinomiques, telle celle entre la pression sur le pouvoir d’achat et les changements de comportements des salariés mais aussi de candidats qui lors des processus de recrutement placent en premier les notions d’ambiance, des conditions du travail proposé et de son contenu devant la question salariale. Une représentante de la CPME a ainsi témoigné, lors de la conférence dans le Grand Est de "ces évolutions radicales, en forte accélération en 2022, qui désarment les chefs d’entreprises dans les PME et qui les obligent à se réinventer, à revoir les modes organisationnels, à repenser les modes de recrutement et de fidélisation". Ces contradictions rendent d’autant plus compliquées les négociations annuelles obligatoires.
Les transformations profondegs en cours requièrent donc une capacité d’adaptation et d’innovation beaucoup plus forte que dans le passé, que ce soit le fait de facteurs exogènes ou de la législation. Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont ainsi contraint les acteurs sociaux à repenser, non pas l’organisation du travail, mais les modalités de dialogue social et de liens aux salariés. Au-delà des obligations légales telle la fusion des instances, la main leur était donnée pour négocier les conditions de fonctionnement des CSE et du dialogue. La conférence dans les Hauts-de-France abordait ainsi ce thème sous l’angle "Transformons l’essai des CSE". Les difficultés constatées dans la mise en œuvre du premier mandat ont été soulignées aussi bien par les représentants des employeurs que des salariés : la densité des ordres du jour des CSE qui conduit à "aboutir au plus petit dénominateur commun pour l’avis, la prise de décision", "l’appauvrissement du contenu des instances", "l’échec des CSSCT en raison de la temporalité des réunions et le manque de moyens", la nécessité d’investir la formation pour les élus mais aussi pour les managers, certains ayant désormais comme interlocuteurs des représentants de proximité.
Pour autant, le tableau brossé est loin d’être sombre. Les intervenants insistent là aussi sur les opportunités fournies par ce nouveau cadre et rappellent que trouver des compromis prend du temps et qu’il faut l’accepter. Pour certains, "on conçoit le dialogue social de manière collaborative" tandis que d’autres cherchent à savoir "comment la bible juridique autorise la souplesse" et en explorent les façons de s’en extraire pour favoriser un dialogue efficient et pragmatique. Le droit aux errements, voire à l’erreur, est indissociable de la dynamique d’innovation et il est important de tirer les enseignements du premier mandat et travailler sur les ajustements nécessaires. Au final, la phase la plus cruciale arrive avec le renouvellement des instances pour transformer l’essai.
Pour conclure, des différents débats de la semaine ressortent plusieurs champs d'expérimentation pour les partenaires sociaux. Il va falloir être inventif...
- dans les usages numériques, en en saisissant les opportunités, notamment dans la façon de (re)nouer le lien avec les salariés ;
- dans les thématiques de négociation, en particulier pour faire jouer aux entreprises un rôle sociétal ;
- dans la façon d'aborder les évolutions législatives, telles les ordonnances Travail, pour mieux les utiliser et réajuster après ce premier mandat ;
- ou encore, dans l'adaptation du code du travail.
Bref, les différents échanges ont réaffirmé la place de la négociation, parfois, selon certains conférenciers, pour permettre de s'extraire de réglementations jugées lourdes et chronophages, susceptibles d'éloigner les acteurs sociaux de sujets de fond.
►Les replays de ces conférences sont accessibles sur le site de RDS.
(1) Donnée en moyenne sur la période 2009-2017 selon la Fondation Hans-Böckler.
(2) 76 820 accords en données provisoires, soit + 0,9 % sur un an selon le bilan de la négociation collective 2021.
(3) Essec Irené / Université de Reims Champagne-Ardenne / IETL Université Lumière Lyon 2 / Master droit social de l’Université Polytechnique Hauts-de-France.
(4) Publication Réalités du dialogue social "De la négociation collective en ligne à la signature dématérialisée d’accords" - 7 mai 2021.
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