Lors de la présentation du rapport d’information sur l’évaluation de la loi française sur le devoir de vigilance des multinationales, le député Dominique Potier, qui porte ce sujet depuis une dizaine d’années, a livré un premier décryptage du projet de directive de la Commission européenne.
Obtenu « en toute fin de mandature », réalisé « dans des délais très contraints », un rapport d'information sur l’évaluation de la loi française sur le devoir de vigilance des multinationales confié aux députés Dominique Potier (PS) et Coralie Dubost (LREM) a été présenté le 22 février dernier à la commission des lois de l’Assemblée nationale. Soit la veille de la publication par la Commission européenne du projet de directive pour un devoir de vigilance des entreprises en matière de droits humains et de protection de l’environnement.
Le rapport d’information, qui pointe les forces et faiblesses de la loi française, formule dix recommandations pour « nourrir le débat » sur la directive européenne et « préparer la révision de la loi française », a expliqué Dominique Potier, lors d’une conférence de presse. Il apporte par ailleurs un éclairage sur « trois filières sensibles » : l’agriculture et l’agroalimentaire, les industries extractives et le textile.
En ce qui concerne le projet de directive, il correspond « à ce que nous espérions », a déclaré le député, et rejoint plusieurs des recommandations émises dans le rapport d’évaluation de la loi française. C’est le cas notamment de l’abaissement des seuils d’effectifs et de chiffres d’affaires qui déterminent quelles sont les entreprises concernées et de l’extension aux entreprises de toutes formes sociales, y compris les coopératives.
Dominique Potier s’est également déclaré satisfait que le texte de la Commission vise large en ce qui concerne le champ des atteintes concernées par ces obligations de prévention des risques, et que le niveau de sous-traitance retenu soit celui choisi par la loi française, à savoir l’ensemble de la chaîne de valeur dès lors qu’il existe une relation commerciale établie.
Le député a néanmoins relevé plusieurs « points d’attention » qui ne lui donnent pas satisfaction. A commencer par le fait que le champ d’application de la directive pourrait viser « les entreprises qui cumulent les deux critères d’effectifs et de chiffre d’affaires et non celles qui remplissent l’un ou l’autre des critères », la première option étant plus restrictive que la seconde.
Autre sujet « d’attention » : la création d’une autorité administrative chargée d’accompagner et de contrôler les entreprises en matière de devoir de vigilance et qui pourra prononcer des sanctions en cas de manquement. Un dispositif qui s’apparente à celui mis en place en Allemagne. Or, si cette proposition fait partie des dix recommandations du rapport d’information, Dominique Potier estime que « ce n’est pas à une autorité administrative mais au juge de sanctionner », et qu’elle doit donc se contenter de lui transmettre le dossier. « Ces questions ne se règlent ni dans les tribunaux de commerce ni par des autorités administratives », a-t-il déclaré. « C’est un point qui sera en débat. Je ne connais pas encore la position du gouvernement français, et cette approche sera peut-être minoritaire » au niveau européen.
Reste un « point d’attention maximale » qui constitue « un risque majeur » s’il devait être mis en œuvre « tel que nous le comprenons » à la première lecture du texte de la Commission : « le donneur d’ordre serait protégé si un contrat a été établi avec des dispositions conformes au devoir de vigilance ». Alors que « la coresponsabilité du donneur d’ordre est à la base de la loi française », l’approche de la directive « fait porter toute la responsabilité au sous-traitant », a expliqué le député. « Alors que tout l’édifice de la directive va au-delà de nos espérances, ce grain de sable pourrait faire tomber tout l’édifice ». Et de conclure à la nécessité « d’avoir un débat politique de fond » sur ce point.
Avec les deux députées La République en Marche, Coralie Dubost et Mireille Clapot, qui ont travaillé sur le devoir de vigilance au cours de cette mandature, Dominique Potier va désormais « poursuivre le dialogue avec le gouvernement », et en particulier avec les cabinets du secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, Clément Beaune, du ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, et de la secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire. Objectif : « suggérer une position française » sur cette directive alors que les négociations vont démarrer pendant la présidence française de l’UE.
« Je vais continuer ce combat que je porte depuis 2012 », a-t-il déclaré. Et « je suis heureux car c’était un combat politiquement coloré et aujourd’hui il réunit tous les bords politiques, y compris ceux que je combattais hier ». Tous les groupes politiques ont, en effet, émis un vote favorable au rapport d’évaluation ainsi qu’à la proposition de résolution européenne présentée en décembre dernier visant à inscrire parmi les priorités de la PFUE l’adoption d’une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales.
Un texte qui présente de nombreuses failles, selon plusieurs associations Dans un communiqué publié le jour même de la présentation de la proposition de directive par la Commission européenne, huit associations (Sherpa, ActionAid France, Amis de la Terre France, Amnesty international France, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l’étiquette, Notre Affaire à Tous, Oxfam France) ont jugé que cette dernière « comporte en l’état de nombreuses failles qui pourraient remettre en question l’effectivité du devoir de vigilance. Le lobbying intense des organisations patronales européennes semble avoir laissé sa marque. » « En particulier, la proposition repose largement sur l’adoption de codes de conduite par les entreprises, l’insertion de clauses dans les contrats avec leurs fournisseurs et le recours à des audits privés et à des initiatives sectorielles. Or c’est précisément l’inefficacité de ces mesures qui a mené nos organisations, il y a plus de dix ans, à plaider pour un devoir de vigilance contraignant. Ces dispositions sont autant de failles dans lesquelles les entreprises pourraient s’engouffrer pour échapper à toute responsabilité. Les demandes de la société civile visant à garantir l'accès à la justice et à la réparation pour les personnes affectées n’ont été qu’en partie entendues. Même si les entreprises pourront être tenues responsables en cas de dommage, en l’état actuel du texte, la charge de la preuve repose encore sur les victimes, à qui il revient de démontrer que l’entreprise a manqué à ses obligations. De plus, la possibilité aujourd’hui prévue par loi française de saisir le juge, avant tout dommage, afin qu’il enjoigne à une entreprise de respecter ses obligations de prévention, n’est pas explicitement envisagée dans la proposition de la Commission. » |
---|
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.