Le gouvernement a présenté hier sa campagne de lutte contre les discriminations à l'embauche. Parmi les mesures annoncées pour sensibiliser les recruteurs : le lancement d'une opération de testing auprès de plusieurs dizaines d'entreprises de plus de 1 000 salariés. Les résultats seront connus à la rentrée.
C'est tout le paradoxe de la campagne de lutte contre les discriminations à l'embauche qui a été lancée hier matin au ministère du travail en présence de quatre ministres : Myriam El Khomri (travail), Emmanuel Macron (économie), Patrick Kanner (ville, jeunesse et sport) et Ericka Bareigts (égalité réelle) : communiquer pour sensibiliser les entreprises et le grand public tout en n'éventant pas trop les tenants et les aboutissants du testing qui est lancé dans le même temps. Il faut garder un certain "secret", pour être "efficace", explique la ministre du travail, en marge de la présentation. Tout juste sait-on que plusieurs dizaines d'entreprises de plus de 1 000 salariés sont concernées par cette opération et que les résultats seront dévoilés en septembre.
L'idée de procéder à un testing avait été mise sur la table en mai dernier par le groupe de travail sur les discriminations piloté par le DRH de Solvay, Jean-Christophe Sciberras. La pratique du testing consiste à "envoyer deux candidatures comparables, sauf sur un critère possible de discrimination, puis de mesurer la différence de traitement", explique Eric Cediey, directeur d'ISM Corum qui est l'organisme choisi par le gouvernement. "Il s'agit d'une opération vérité car les ressorts de la discrimination sont complexes. Elle permet d'évaluer les pratiques au-delà des discours et est pédagogique en interpellant la responsabilité et le professionnalisme de chacun, notamment les RH".
A l'issue du testing, à la rentrée, le ministère du travail s'entretiendra avec les entreprises présentant des faiblesses pour leur demander de mettre en place des actions correctrices. La ministre du travail n'écarte pas la possibilité de recourir à l'arme dissuasive du "name and shame", jusqu'alors peu ou pas utilisée tant la pratique est très mal vécue par les entreprises. "Je n'hésiterai pas à diffuser les noms en cas d'immobilisme ou de mesures simplement cosmétiques", met en garde Myriam El Khomri. Il est à noter que les TPE-PME sont pour l'heure laissées à l'écart de cette opération.
Le testing présente cette vertu de mettre en lumière des pratiques parfois inconscientes, l'un des écueil dans la sensibilisation des recruteurs aux pratiques discriminatoires. "Les mécanismes de discriminations sont plus complexes que la simple intention de nuire ; on peut discriminer sans en avoir forcément conscience. Ces comportement s'appuient sur des stéréotypes, explique Inès Dauvergne, responsable expertise diversité au sein d'IMS Entreprendre pour la cité. Il s'agit dès lors de les identifier et prendre du recul pour s'en libérer". Tout l'enjeu est de "déconstruire les représentations collectives", insiste Emmanuel Macron. Et cela débute très tôt dès l'entrée dans le monde professionnel. "La discrimination commence au niveau des stages". Le ministre de l'économie déplore que des jeunes n'arrivent même pas "à mettre un pied dans l'entreprise". "Même l'offre d'emploi peut être discriminante", souligne pour sa part le président de SOS Racisme, Dominique Sopo.
Le testing vise à lever un deuxième obstacle dans ce travail d'identification des discriminations, celui de la mesure. Car pour "casser les représentations", encore faut-il être "en capacité de les mesurer", insiste Emmanuel Macron. Reste le troisième obstacle et non le moindre, celui de la preuve. Si l'arsenal juridique existe pour sanctionner les discriminations dans le monde du travail (sanctions civiles et pénales), encore faut-il être en mesure de les prouver. "Les personnes qui en sont victimes se disent qu'elles n'arriveront pas à les démontrer", constate Dominique Sopo. Pourtant, nuance Slimane Laoufi, chef du pôle Emploi privé auprès du Défenseur des droits, "nous arrivons à qualifier certains dossiers". Le Défenseur des droits peut en effet accompagner les personnes qui s'estiment victimes de discrimination lorsqu'il est saisi.
Au-delà de l'opération "testing", la campagne vise à sensibiliser le grand public autour d'un slogan "Les compétences d'abord". "Les discriminations sont irrationnelles car elles ne s'appuient ni sur les compétences ni sur la motivation des candidats", précise Myriam El Khomri pour expliquer le slogan retenu. "Nous voulons que les entreprises regardent la réalité en face".
La question de la discrimination est aussi liée à celle de la compétitivité, insiste la secrétaire d'Etat à l'égalité réelle, Ericka Bareigts. "Nous éliminons la diversité et ne comprenons pas qu'elle est un levier de richesse". D'ailleurs le gouvernement a confié à France Stratégie, organisme placé auprès du Premier ministre, le soin de préciser le coût des discriminations. Dans la lettre de mission qui lui a été adressée (en pièce jointe), les ministres du travail et de la ville demandent à France Stratégie d'évaluer les conséquences économiques des discriminations et les coûts associés, notamment au niveau des entreprises. Le rapport doit être publié en juin.
Cette campagne de sensibilisation n'est qu'un outil parmi d'autres pour avancer sur ce chantier. D'autres dispositifs sont en cours de finalisation :
- La création d'une action de groupe pour lutter plus efficacement contre les discriminations à l'embauche et au travail. Le texte a été adopté en première lecture au Sénat et est depuis en stand-by. Les changements à la tête du ministère de la justice ont peut-être ralenti l'examen parlementaire. Il devrait bientôt être examiné à l'Assemblée nationale. La ministre du travail l'a assuré au micro de France Info hier matin, l'action de groupe sera "mise en oeuvre dans les prochains mois".
- Le projet de loi égalité et citoyenneté présenté en Conseil des ministres le 13 avril dernier prévoit de faciliter la répression des délits de provocation, de diffamation ou d’injures fondées sur les origines, l’identité ou l’orientation sexuelle ainsi que, plus généralement, la répression de tous les crimes et délits commis pour des raisons racistes ou discriminatoires fondées sur l’identité ou l’orientation sexuelle.
- La commission des affaires sociales a réintroduit dans le projet de loi travail des dispositions du projet de loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel car introduites trop tardivement au cours de l'examen : le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités chômage versées à la personne licenciée suite à un traitement discriminatoire ou harcèlement moral ou sexuel et une indemnisation de 6 mois minimum en cas de licenciement en raison d’un motif discriminatoire, lié notamment au sexe, à la grossesse, à la situation familiale etc ou suite à un harcèlement sexuel.
Pôle emploi, qui était représenté hier lors de la présentation du plan de lutte contre les discriminations, accompagne aussi les entreprises sur ce terrain. Les nouveaux conseillers dédiés aux entreprises peuvent les accompagner sur ce terrain. "Nous pouvons les aider à bâtir une trame d'entretien d'embauche, leur préciser les champs qu'ils peuvent investiguer, leur expliquer comment combattre les préjugés, objectiver leur choix final et garder trace de la sélection d'une candidature plutôt qu'une autre", explique Catherine Poux, directrice des services aux entreprises de Pôle emploi. L'organisme a aussi développé la méthode de recrutement par simulation (MRS). "Sans nous appuyer sur un CV, nous donnons le même exercice à tous les candidats afin de détecter les habiletés". Pôle emploi a ainsi réalisé 40 000 MRS l'an dernier, dont 40% pour des entreprises de moins de 50 salariés. |
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- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
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- Les relations sociales.
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