Discriminations à l'emploi : comment les députés comptent améliorer l'action de groupe

Discriminations à l'emploi : comment les députés comptent améliorer l'action de groupe

28.02.2023

Gestion du personnel

Le 8 mars prochain, les députés examineront en séance publique une proposition de loi visant à rendre plus efficace l'action de groupe. Simplification de la procédure, élargissement des auteurs de l'action, prise en compte d'éléments de preuve antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi de 2016, création d'un registre national, autant de changements qui satisfont la Défenseure des droits.

L'action de groupe devrait bientôt évoluer, comme l'avait annoncé le ministre du travail, Olivier Dussopt, le 30 janvier dernier, dans le cadre de la présentation du plan national 2023-2026 de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. L'une des pistes afin de renforcer la lutte contre les discriminations au travail est en effet de "renforcer les actions de groupe en rendant "plus opérationnelles" celles pouvant être conduites par les organisations syndicales et les associations en cas de discrimination dans l’emploi ou l’accès à l’emploi", avait indiqué Olivier Dussopt.

Selon nos informations, cette piste devrait passer par la proposition de loi des députés LR, Philippe Gosselin, et Modem, Laurence Vichnievsky, déposée en décembre dernier, dans le prolongement de la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, dont les conclusions ont été présentées au mois de juin 2020. "Le bilan de cette nouvelle procédure était décevant, déplorent les deux rapporteurs auteurs de la proposition de la loi, seules 32 actions de groupe ont été intentées en France depuis 2014, dont 20 dans le domaine de la consommation. Sur cet ensemble, 12 ont fait l’objet d’un rejet et 14 sont toujours en cours. Seules 6 procédures (soit moins de 20 %) ont eu un résultat positif : 3 déclarations de responsabilité du défendeur et 3 accords amiables".

Après avoir été modifié par la commission des lois, le texte sera examiné en séance publique à l'Assemblée nationale les 8 et 9 mars prochains. La Défenseure des droits vient par ailleurs de rendre son avis sur la proposition de loi dont elle loue les avancées, avec toutefois quelques réserves. 

Zoom sur les principaux changements. 

Harmoniser les actions de groupe

L'une des modifications majeures de la proposition de loi est d'harmoniser les différentes actions de groupe existantes et de supprimer les dispositions spécifiques dans les différents codes.

La Défenseure des droits, dans son avis du 23 février, "salue la volonté du législateur d’instaurer, par la création d’une loi non codifiée dédiée, un régime général de droit commun des actions de groupe applicable dans tout domaine. Par ce cadre de référence commun, le droit des actions de groupe gagne en lisibilité et en accessibilité. En mettant fin à la disparité des régimes existants, la proposition de loi garantit par ailleurs une meilleure intelligibilité de ce droit". 

Le texte définit l'action de groupe comme celle "exercée en justice par un demandeur pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, subissant des dommages ayant pour cause commune un même manquement ou un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par toute personne morale de droit public ou par tout organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. L’action de groupe est exercée afin d’obtenir soit la cessation du manquement, soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement, soit la satisfaction de ces deux prétentions".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Etendre les initiateurs de l'action de groupe

La proposition de loi élargit le champ des personnes susceptibles d'initier une action collective. La Défenseure des droits rappelle dans son avis qu'"en l’état actuel du droit, l’action de groupe est seulement ouverte aux organisations syndicales et à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Par ailleurs, concernant le champ de l’emploi, seules les organisations syndicales peuvent initier une action de groupe ; les associations ne peuvent le faire que pour les cas de refus d’embauche et de stage (article L. 1134-7 du code du travail)".

Des évolutions en ce sens ont lieu via cette proposition de loi. "La nouvelle formulation des articles supprime la distinction entre le stade de l’embauche et les discriminations subies dans l’emploi : une association pourrait désormais, selon la proposition de loi, initier une action de groupe pour discrimination dans la carrière", indique la Défenseure des droits. qui salue cette avancée. Notamment, insiste-t-elle, parce que "les syndicats semblant avoir concentré leurs actions sur des motifs pour lesquels ils sont sensibilisés, soit parce qu’ils les concernent très directement (discriminations syndicales), soit parce qu’ils font l’objet de négociations collectives obligatoires auxquelles ils participent (égalité femmes/hommes), la limitation du recours collectif aux syndicats en matière de carrière apparaît restreindre de fait l’accès au recours des groupes discriminés dont la situation serait insuffisamment prise en compte par les organisations syndicales".

La proposition de loi prévoit d’élargir la qualité pour agir aux associations agréées, aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte (et non plus cinq ans), aux associations agissant pour le compte d’au moins cent personnes physiques se déclarant victimes, aux associations agissant pour le compte d’au moins dix personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés. 

L’action de groupe pourra ainsi être exercée par :

  • les associations agréées ;
  • les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
  • les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d’au moins 100 personnes physiques, soit d’au moins 10 personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales se déclarant victimes d’un dommage, causé par le défendeur ; 
  • les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122‑1, L. 2122‑5 ou L. 2122‑9 du code du travail ou de l’article L. 221‑1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l’ordre judiciaire :

a) en matière de lutte contre les discriminations ;

b) en matière de protection des données personnelles ;

c) ou lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.

  • les entités qualifiées figurant sur la liste dressée par la Commission européenne en application du paragraphe 1 de l’article 5 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE lorsqu’elle vise à sanctionner des infractions de professionnels aux dispositions du droit de l’Union européenne mentionnées à l’annexe I de la même directive, qui portent atteinte ou risquent de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs.

► A noter que le ministère public pourra exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement. Il pourra également intervenir, en qualité de partie jointe, dans toute action de groupe. La Défenseure des droits s'en félicite. "La participation accrue du ministère public à la procédure de l’action de groupe, outre qu’elle acte la gravité de l’atteinte à l’ordre public causée par les discriminations, est de nature à renforcer l’effectivité du dispositif et son efficacité".

Simplification de la procédure

La proposition de loi supprime l’étape de mise en demeure préalable et prévoit la possibilité pour le juge de la mise en état d’ordonner toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser, dans un délai qu’il fixe, le manquement allégué Le juge de la mise en état pourra ainsi intervenir rapidement pour faire cesser des situations discriminatoires évidentes au regard du dossier des demandeurs. Autant d'évolutions qui satisfont la Défenseure des droits.

Autre source de contentement, la proposition de loi prévoit une réparation intégrale du préjudice. "De manière peu satisfaisante, en l’état actuel du droit, la réparation varie en effet selon le domaine concerné". Le texte revient par ailleurs sur une limitation que prévoit actuellement le droit quant au préjudice indemnisable. "En effet, en vertu de l’article L.1134-8, alinéa 2 du code du travail, sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande de cessation", souligne l'avis de la Défenseure des droits. "L’article L. 1134-8, alinéa 2 du code du travail contraint actuellement les victimes de discrimination à devoir intenter de nouveaux recours individuels à l’issue de l’action de groupe, par exemple aux prud’hommes s’agissant de salariés, s’ils souhaitent voir indemnisés les préjudices antérieurs à celle-ci (...) Désormais, tous les préjudices, même antérieurs à l’action de groupe, pourront pertinemment être réparés dans le cadre d’un unique contentieux".

Registre national des actions de groupe

La proposition de loi crée un registre public des actions de groupe en cours devant l’ensemble des juridictions est tenu et mis à la disposition du public par le ministre de la justice. "La Défenseure des droits salue cette avancée "qui répond tout à la fois à des enjeux de publicité et de traçabilité. La tenue d’un registre public des actions de groupe permettra au Défenseur des droits et organisations concernées de connaître les actions en cours. Il pourrait aussi permettre aux personnes de vérifier si elles sont concernées par une telle action".

Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe

Le texte confie à des tribunaux judiciaires spécialement désignés le traitement des actions de groupe engagées en toutes matières. "Cette mesure, prise dans un souci de rationalisation des compétences et des moyens, semble en effet nécessaire au sein de l’ordre judiciaire. Elle permettra aux tribunaux désignés de développer une expertise essentielle pour le traitement de ces contentieux lourds et complexes et renforcera par conséquent l’efficacité du traitement des actions de groupe", explique la Défenseure des droits. 

Droit transitoire 

Enfin, la proposition de loi va permettre d'éviter certains obstacles liés au droit transitoire. On s'en souvient en effet, dans l'affaire Safran, le recours avait été rejeté, le tribunal judiciaire de Paris ayant estimé que la période comprise entre la date d’entrée en vigueur de la loi et celle d’introduction de l’action de groupe le 30 mars 2018 s’avérait objectivement trop courte pour conclure à l’existence d’une discrimination dans l’évolution de carrière des élus syndicaux. "La loi du 18 novembre 2016 empêche de prendre en compte les discriminations avérées avant l’entrée en vigueur de la loi et l’interprétation actuelle des dispositions légales semble de surcroît empêcher de prendre en compte tout élément probatoire antérieur qui se rapporterait à la situation discriminatoire", déplore la Défenseure des droits.

Ce ne sera plus le cas si le texte est adopté. Il ne prévoit en effet plus cette limitation dans le temps, sauf pour la disposition concernant la sanction civile. 

La Défenseure des droits souhaite tout de même que soient adoptés d'autres changements comme, notamment, la possibilité pour les associations et les syndicats, dès le déclenchement de la procédure, de faire connaître par voie de publicité l’action de groupe intentée, disposition qui a été retirée de la proposition de loi initiale par la commission des lois. 

Florence Mehrez
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