Discriminations à l’embauche : AccorHotels et Courtepaille revoient leur plan d’actions

Discriminations à l’embauche : AccorHotels et Courtepaille revoient leur plan d’actions

24.03.2017

Gestion du personnel

Campagne de sensibilisation, dispositif d'alerte, recrutement d'un responsable diversité... AccorHotels et Courtepaille complètent leur plan d'actions pour traquer les discriminations à l'embauche, dévoilées par le ministère du travail à la suite du testing anonyme organisé l'an passé.

Epinglés par le ministère du travail, le 14 mars, pour pratiques discriminatoires à l’embauche, Courtepaille et AccorHotels ont revu leur copie. L’enseigne de restauration avait rendez-vous, hier, rue de Grenelle, pour présenter son troisième plan d’actions. Le groupe hôtelier devrait, lui, être reçu dans les prochains jours. "On a travaillé sur trois axes, prévient Elisabeth Brégnard, responsable recrutement et personnel de Courtepaille. Le premier volet portera sur l’intégration d’un responsable diversité, chargé d’homogénéiser les process de recrutement de l’ensemble de nos restaurants. Le deuxième volet sera orienté vers l’examen des candidatures qui n’ont pas été retenues afin de prévenir des risques de discrimination. Enfin, le troisième axe sera dédié à la communication de recrutement. Un dispositif d’alerte sera mis en place pour permettre à tout candidat s’estimant victime de discrimination de contacter l’entreprise, via une adresse mail ad hoc".

Autotesting

AccorHotels s’engage, de son côté, sur deux actions : le lancement d’un vaste programme de formation en présentiel, déployé sur tout le territoire, pour tous les acteurs en charge du recrutement, directeurs d’hôtels, opérationnels RH, directeurs régionaux. Et la mise en place d’autotestings pour mesurer l'efficacité des actions engagées. "C’est la priorité du moment, affirme France Van Dorsselaer, directrice Talent Management au sein du groupe AccorHotels. Toutes nos équipes RH sont mobilisées sur ce projet".

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des entreprises surprises

Ces nouvelles versions recevront-elles l’aval du ministère ? En interne, les responsables du recrutement croisent les doigts. Car le "name and shame", procédé qui consiste à révéler publiquement le nom des entreprises fautives, a été mal vécu par les services RH mis en cause. "Ce fut une énorme déception, rappelle France Van Dorsselaer. D’autant que nous étions précurseurs sur beaucoup de sujets". Pour preuve, "la signature dès 2007 avec l'ensemble des partenaires sociaux d'un accord relatif à la diversité pour le groupe".

"Nous avons ressenti un profond sentiment d’injustice", poursuit  Karim Soleilhavoup, directeur marketing, membre du comité exécutif de Courtepaille.

La surprise fut de taille pour les deux entreprises. "Nous avons été alertés de l’avis défavorable, le matin même de l’annonce du ministère du travail, indique Elisabeth Brégnard. Or, fin octobre, lors des résultats du testing, les services de Myriam El Khomri nous avaient indiqué qu’il n’existait pas d’écart significatif entre les CV des candidats à consonance maghrébine et à consonance française, notamment pour les postes de managers. Nous avions même félicité les équipes RH pour leurs performances". Du coup, le premier plan d’actions présenté comportait peu de précisions complémentaires. "Nous n'avons pas cherché à maîtriser les risques de discrimination". Or, "avec plus de 5 000 contrats signés par an, CDI, CDD, et contrats saisonniers, le risque zéro n’existe pas", reconnaît la responsable recrutement. Une nouvelle mouture, enrichie des suggestions de Vigeo, en charge de l’examen de ces plans d’actions, a alors été présentée au ministère, en février. "Mais cette fois, sans retour jusqu’au 17 mars, soit trois jours après l'annonce de la Ministre". Et ce, "malgré les relances de la société".

Communication à l'ensemble des collaborateurs

De même, AccorHotels regrette que le testing n’ait porté que sur 38 hôtels alors que le groupe hôtelier compte 1 635 établissements, dont 65% d'hôtels franchisés ou sous contrat de management. Sans connaître précisément les hôtels ciblés. Les recrutements sont d’ailleurs décentralisés au niveau de chaque établissement.  Surtout, "les résultats ne reflètent pas notre engagement en France et à l’international, en matière de diversité et d’inclusion", a plaidé l'entreprise. 122 nationalités y sont représentées et en moyenne 5 nationalités différentes par hôtel en France. Des valeurs rappelées noir sur blanc dans un mail de la direction générale adressé à chaque collaborateur, le lendemain de l’annonce des résultats.

Les retombées peuvent, en effet, être redoutables en termes d’images. "Nous avons reçu quatre mails négatifs signifiant "je ne viendrai plus manger chez vous", rappelle Karim Soleilhavoup. Mais nous avons eu bien d'avantage de courriels de soutien et d'incompréhension de la part de nos clients et prestataires".

Méthode par simulation

Les deux entreprises se disent toutefois bien déterminées à contrer ces accusations. "Cette annonce a renforcé notre détermination, poursuit Elisabeth Brégnard. Jusqu’ici nous n’avions aucun doute sur nos pratiques mais nous ne formalisions pas nos process". Parmi les processus déployés, l’enseigne a d’ailleurs recours, depuis 2008, à la méthode par simulation développée par Pôle emploi pour le recrutement des serveurs, des employés d’office et des grillardins. "Une méthode d’une neutralité parfaite", soutient Elisabeth Brégnard qui envisage également de signer la charte de la diversité. De même, des formations à la non-discrimination vont être lancées à l’attention de l’ensemble des acteurs en charge du recrutement, directeurs de restaurant, responsables recrutement RH et chargés de recrutement.

Le groupe hôtelier est, lui, en pleine réflexion sur sa stratégie de recrutement. "Notre objectif est désormais de nous placer dans une politique de performance durable, c’est à-dire d’attirer et de fidéliser", explique France Van Dorsselaer. Le turn-over est élevé. Concrètement, le groupe compte élargir son sourcing pour cibler des personnes qui ne disposent pas systématiquement de diplôme d’écoles hôtelières. Car nous sommes capables de former les personnes en interne via notre école d'entreprise, Académie Accor, qui dispense des enseignements pour tous les salariés quel que soit leur niveau de formation initiale. Nous axons avant tout sur la personnalité et le sens du service. Le groupe recrute environ 2 000 personnes par an en France en CDI et en CDD, hors franchisés".

Mais d'ici là, les deux sociétés comptent bien rattraper leur retard et signer le Pacte pour l’égalité de traitement des candidats dans l’accès à l’emploi quelles que soient leurs origines, initié le 14 mars par le ministère du travail, l’Association française des managers de la diversité (AFMD) et Les entreprises pour la cité (ex IMS-Entreprendre pour la Cité). 23 signataires, dont une dizaine ayant fait l’objet du testing du ministère, ont déjà apposé leur signature à ce pacte, qui "reste ouvert à signature", selon Myriam El Khomri.

Anne Bariet
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