Dispositif anticorruption : comment une entreprise doit-elle réaliser ses contrôles ?

Dispositif anticorruption : comment une entreprise doit-elle réaliser ses contrôles ?

25.04.2024

Gestion d'entreprise

La loi Sapin II impose aux grandes entreprises de mettre en place un dispositif anticorruption. Quatre experts ont partagé leurs pratiques en présence de l’AFA, à l’occasion du Global Anticorruption & Compliance Summit le 4 avril. On y était.

« Le contrôle et l’évaluation du dispositif anticorruption sont essentiels car ils vont permettre de mesurer l’existence et l’efficacité du dispositif et le cas échéant, d’adopter des améliorations », déclare Catherine Ferriol, chef du département de l’appui aux acteurs économiques de l’AFA lors d’une table ronde du Global Anticorruption & Compliance Summit qui s’est déroulé le 4 avril dernier. « 92 % des entreprises interrogées en 2022 déclarent avoir un dispositif » et moins de 20 % d’entre elles considèrent qu’il est complexe à mettre en œuvre, poursuit-elle.

«Les opérationnels sont la porte d’entrée de la gestion des risques»

Pour que le dispositif anticorruption soit efficace, l’AFA recommande « un contrôle à 3 niveaux » :

  • niveau 1 : un contrôle permanent mené par les équipes opérationnelles qui se fait avant ou concomitamment à la réalisation de l’opération mise en place par l’entreprise ;
  • niveau 2 : un contrôle dispensé par des personnes distinctes de celui du premier niveau qui permet de s’assurer que les contrôles ont bien été réalisés ;
  • niveau 3 : un contrôle plus global effectué par un service indépendant consistant à vérifier que les deux premiers contrôles ont été réalisés.

Pour Anne Daubas, directrice compliance groupe chez Geodis, les contrôles de premier niveau sont « très importants ». « Les opérationnels sont la porte d’entrée de la gestion des risques et donc des contrôles puisque ce sont eux qui sont le plus à même d’identifier les risques » avant d’être accompagnés par des contrôles internes. Conformément aux recommandations de l’AFA, la juriste fait appel à une équipe tierce, chargée de l’audit interne pour le dernier contrôle.

Alors, en pratique, le dispositif fonctionne-t-il ? « Dans l'accompagnement des entreprises, nous observons plusieurs obstacles parmi lesquels la dispersion des contrôles et leur manque de cohérence d'ensemble », estime Jean-Baptiste Siproudhis, associé chez Finegan, cabinet expert en éthique et compliance. Selon lui, la définition des contrôles doit être réalisée en concertation avec la direction de la conformité et la direction du contrôle interne, de l’audit et des risques, dans un document cadre unique intégrant également les indicateurs de suivi et de performance du dispositif de conformité anticorruption.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

Découvrir tous les contenus liés
«Expliquer de façon continue»

Pour accompagner les opérationnels, Geodis mise sur la sensibilisation régulière. « Nous devons expliquer de façon continue notre dispositif », soutient Anne Daubas. Aussi, les attentes « monumentales » des clients permettraient de faire « adhérer les opérationnels qui ont un rôle important à jouer », observe la directrice compliance.

Et à chaque niveau son enseignement. Chez Eiffage, une formation régulière est dispensée pour les contrôleurs de niveau 2 et 3. Ceux de niveau 1 reçoivent un code de conduite avec tous les principaux risques identifiés. Même formule chez Geodis. « Nous avons recours à des e-learning et des testings », souligne Anne Daubas. « L’idée est surtout de responsabiliser les opérationnels ».

Et comment impliquer les instances dirigeantes ? Chez Eiffage, des communications régulières sont faites aux organes de direction. « Nous avons également une campagne annuelle d’autoévaluation dont les résultats sont présentés en interne au Comex et au comité d’audit du groupe », précise Béatrice Chevalier, responsable groupe conformité.

Des contrôles parfois inefficaces

Attention toutefois aux questionnaires d’autoévaluation. L’AFA souligne qu’ils sont très répandus en contrôle de deuxième niveau. « Néanmoins, ils sont souvent déclaratifs et doivent nécessairement être accompagnés de tests par échantillonnages pour obtenir des constats éclairés et objectifs sur le fonctionnement du dispositif », ajoute Catherine Ferriol.

Pour Jean-Baptiste Siproudhis, le problème tient de « l’absence de l’efficacité du contrôle interne » qui se limite bien souvent à un exercice déclaratif non suivi de contrôles réels par échantillonnage. Or, la direction de la conformité doit s’impliquer dans la réalisation de cet échantillonnage, soit directement, soit en mandatant un cabinet indépendant, estime-t-il. Ceci afin d’assurer la bonne gouvernance de l’ensemble du dispositif. Se pose également selon lui la question des enseignements issus de ces contrôles. « Le risque est de ne pas tirer le meilleur des contrôles », précise Jean-Baptiste Siproudhis qui recommande en ce sens d’intégrer les résultats de ces contrôles dans un exercice d’évaluation annuel de l’efficacité du dispositif de conformité anticorruption.

 

Joséphine Bonnardot
Vous aimerez aussi