Du nouveau sur la portabilité de la prévoyance dans le cadre d'une liquidation judiciaire ou d'un PSE

18.03.2022

Gestion du personnel

Deux arrêts des 10 et 11 mars 2022, l'un rendu par la Cour de cassation, l'autre par une cour administrative d'appel, apportent leur contribution à la délicate question du maintien des garanties de prévoyance aux anciens salariés chômeurs indemnisés en cas de difficultés des entreprises (PSE et liquidation judiciaire).

Depuis le 1er juin 2014 (pour les frais de santé) et le 1er juin 2015 (pour la prévoyance lourde),  les salariés justifiant d'une rupture du contrat de travail, hors licenciement pour faute lourde, et ouvrant doit à une période de chômage indemnisé peuvent conserver gratuitement pendant 12 mois le bénéfice des garanties de prévoyance applicables dans leur ancienne entreprise (dispositif dit de portabilité des garanties de prévoyance) (CSS, art. L. 911-8).

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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De mise en oeuvre généralement assez simple, ce mécanisme pose toutefois certaines difficultés lorsque l'employeur est placé en liquidation judiciaire ou dans le cadre d'un PSE.

La Cour de cassation tente de lever les difficultés générées par la mise en liquidation judiciaire de l'employeur au fil de ces jurisprudences. Un de ses arrêts, rendu le 10 mars 2022, apporte sa pierre à l'édifice.

S'agissant du PSE, la Cour administrative d'appel de Nantes a eu à se prononcer sur la nature du contrôle à opérer  par l'administration au moment de l'homologation du plan. La mise en oeuvre du droit au maintien des garanties de prévoyance entre-t-elle dans le champ de ce contrôle ?

Un liquidateur maintenant volontairement  les garanties de prévoyance après résiliation du contrat d'assurance peut-il demander ensuite le remboursement des sommes versées à l'assureur ?

Le maintien de la couverture complémentaire santé et prévoyance prévu à l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale bénéficie aux anciens salariés à plusieurs conditions cumulatives :

  • l'ancien salarié doit avoir bénéficié de la couverture complémentaire lorsqu'il était présent dans l'entreprise et ne pas en avoir été privé par le jeu d'une franchise, de l'application d'un délai de carence ou d'une condition d'ancienneté ;

  • la rupture de son contrat de travail doit ouvrir droit à une indemnisation par l'assurance chômage, quel que soit le mode de rupture.

Ce maintien bénéficie, dans les mêmes conditions, aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire.

Pour que ces salariés puissent bénéficier du maintien des droits, la Cour de cassation exige que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié (Cass. avis, 6 nov. 2017, n° 17015) mais n'exige pas que le régime prévoie un dispositif de financement de la portabilité en cas de résiliation judiciaire du contrat d'assurance, cette exigence n'étant par requise par la loi (Cass. 2e civ., 5 nov. 2020, n° 19-17.164 - voir notre article du 6 novembre 2020).

Ainsi, dès lors qu'il existe un contrat de complémentaire santé et prévoyance au jour où le licenciement du salarié est intervenu (seule condition exigée par la loi), ce salarié peut prétendre au maintien à titre gratuit de ces couvertures. Les assureurs ne peuvent lui refuser cette garantie en arguant de l'inexistence d'un dispositif de financement spécifique. Le seul cas d'exclusion possible est le licenciement pour faute lourde.

Mais le maintien des garanties peut être remis en cause en cas de résiliation du contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur. C'est en tout cas l'avis émis par la Cour de cassation en 2017, confirmé dans un arrêt rendu le 10 mars dernier.

En effet, cet arrêt dispose sans ambiguité que « le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié » . Mais il va aussi un peu plus loin.

En l'espèce, l'institution de prévoyance avait résilié le contrat d'assurance adossé au régime de prévoyance applicable dans l'entreprise placée en liquidation judiciaire le 16 février 2016, dans les délais requis par la loi (CSS, art. L. 932-10 dans sa version applicable en 2016). Cette résiliation prenait effet à compter du 29 février 2016 mais l'assureur avait toutefois proposé une « prolongation onéreuse du contrat » à compter du 1er mars 2016. Le 18 mars suivant, le liquidateur adressait à cet organisme une somme de 35 120,18 euros afin de maintenir, pour un an, les garanties précédemment souscrites pour les salariés licenciés. Il assignait ensuite l'institution de prévoyance en justice en remboursement de cette somme, selon lui indûment payée.

Les juges du fond rejettent sa demande, un rejet approuvé par la Cour de cassation.

Le liquidateur avait librement choisi d'assurer le maintien des couvertures de prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés licenciés fin 2015. Dès lors, le paiement qu'il a volontairement opéré, en ce qu'il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu.

La mise en oeuvre du droit à la portabilité de la prévoyance complémentaire doit-elle être contrôlée par l'administration lors de l'homologation du PSE ?

Dès le lendemain de la date de la dernière réunion du CSE, le dossier de demande de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est adressé par l'employeur à la Dreets. 

L'employeur ne peut pas notifier les licenciements tant que le document unilatéral n'a pas été homologué ou que l'accord PSE n'a pas été validé.

La Dreets vérifie :

  • la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité,

  • le contenu du PSE, avec une lecture différente selon que le plan a été négocié ou élaboré unilatéralement par l'employeur,

  • le respect par l'employeur de son obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés 

  • et, le cas échéant, le respect de l'obligation de recherche d'un repreneur.

L'administration doit-elle contrôler la bonne application du droit des salariés à la portabilité de la prévoyance ? C'était, entre autres, la question posée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Dans cette affaire, une société de chaudronnerie et de tuyauterie industrielle avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 25 février 2021. Trois mois plus tard (le 11 mai 2021), le tribunal de commerce prononçait la cession totale des actifs de cette société au profit d'une autre société, précisait que, sur 220 emplois, seulement 162 étaient repris par le cessionnaire et autorisait les administrateurs judiciaires à procéder à 57 licenciements dans 28 catégories professionnelles différentes. Ces administrateurs avaient alors établi un document unilatéral reprenant ces licenciements et comportant un premier projet de PSE transmis à l'administration le 7 avril 2021 puis un second projet tenant compte des observations de l'administration, le 4 mai 2021. Par une décision du 4 juin 2021, la Dreets homologuait le document unilatéral fixant le contenu du PSE.

Trente-quatre  salariés saisissaient alors la justice aux fins d'annulation de cette décision.

A l'appui de leur demande, ils invoquaient, entre autres, la nécessité d'un contrôle administratif sur la mise en oeuvre du dispositif de portabilité des garanties de prévoyance dans le cadre du contrôle effectué sur le document unilatéral portant PSE, ce droit relevant, selon eux, du contenu du PSE au titre de l'obligation de santé et de sécurité de l'employeur résultant de l'article L. 4121-1 du code du travail.

La CAA rejette cette analyse puisqu'aucune disposition du code du travail ne prévoit qu'il appartient à l'administration du travail de contrôler les diligences mises en oeuvre par l'employeur en matière de droit à portabilité des garanties de frais de santé et de prévoyance des salariés dans le cadre d'un tel contrôle.

Remarque : du reste, les juges ont relevé que, sur ce sujet, des échanges de courrier entre la Dreets et les administrateurs judiciaires étaient intervenus antérieurement au dépôt du projet de PSE. Dans une lettre d'observations datée du 22 avril 2021, l'administration du travail avait demandé aux administrateurs judiciaires « de lui indiquer les modalités de portabilité de la prévoyance et mutuelle ». Les administrateurs avaient répondu, par un courrier du 3 mai 2021, que « les conditions de la portabilité étaient rappelées en page 39 et 40 du projet de PSE et qu'un courrier avait été envoyé aux organismes le 26 avril 2021 afin d'assurer la portabilité aux salariés concernés par la procédure de licenciement ». les juges ont noté également que le PSE comportait bien en ses pages 42 et 43 les modalités de la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle, en particulier la portabilité des droits en cas de liquidation judiciaire.

Attention ! L'analyse de la CAA sur ce point est susceptible d'être infirmée par le Conseil d'Etat.

Geraldine ANSTETT
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