Du Perco au Pereco : pourquoi ça bloque

Du Perco au Pereco : pourquoi ça bloque

28.11.2021

Gestion du personnel

Le nouveau plan d’épargne retraite d’entreprise, le Pereco, fête ses deux ans cet automne. Mis en place dans le cadre d’une réforme globale de l’épargne retraite d’entreprise et individuelle, il peut être moins avantageux que le Perco pour certains salariés, d’où l’hésitation de certaines entreprises à transformer leur Perco en Pereco.

La loi Pacte du 22 mai 2019, puis une ordonnance du 24 juillet de la même année ont mis en place les nouveaux plans d’épargne retraite (PER) qui se déclinent à la fois dans l’entreprise (PER collectif et PER obligatoire) et hors entreprise (PER individuel), et ont vocation à remplacer, à terme, plusieurs dispositifs existants. Ils répondent à un socle commun de règles et présentent l’avantage de permettre le transfert de l’épargne d’un PER à un autre, par exemple si le bénéficiaire change d’entreprise.

Dans l’entreprise, le PER collectif ou "Pereco" est commercialisé depuis le 1er octobre 2019, tandis qu’il n’est plus possible de mettre en place un Perco (l’ancien plan d’épargne retraite collectif) depuis le 1er octobre 2020. Une entreprise déjà dotée d’un Perco à cette date peut toutefois le maintenir et continuer à en faire bénéficier ses salariés. Ces deux dispositifs étant très proches dans leur fonctionnement (ouverture à tous les salariés, alimentation, possibilité d’abondement par l’employeur, blocage des sommes jusqu’à la retraite, déblocage anticipé dans certains cas), l’objectif de la réforme était naturellement que les entreprises disposant d’un Perco le transforment en Pereco, selon les modalités prévues par la loi (la transformation d’un Perco en Pereco peut être décidée par l’employeur après information-consultation du CSE, à condition que les signataires d’origine ne s’y opposent pas. L’entreprise peut également effectuer un transfert collectif de l’épargne d’un Perco vers un Pereco, dans les conditions de négociation prévues pour la mise en place d’un Perco). 

Deux ans après la réforme, où en est-on ? Selon les chiffres publiés par l’Association française de la gestion financière (AFG) le 19 octobre dernier, le Pereco "continue sa progression" et 50 % de l’épargne retraite collective est désormais constituée de Pereco, par transformation du stock ou mise en place de nouveaux produits. Les Pereco représentent ainsi 12,5 milliards d’encours (montant total placé) sur les 24,8 milliards d’euros d’encours total (Pereco + Perco).

"Nous fêtons les deux ans de la réforme dans un contexte de crise sanitaire, explique Xavier Collot, directeur de l’épargne salariale et retraite chez Amundi, l’un des plus gros gestionnaires d’actifs en France. Malgré cela, on observe une dynamique de transformation assez forte, 90 % de notre stock a été transformé si l’on considère le nombre de plans, ou 60 % si l’on considère le montant des encours. Comme nous avions anticipé la réforme, dès le 1er octobre 2019 les dispositifs clés en mains pour les petites entreprises ont été transformés, depuis c’est au tour des entreprises de taille intermédiaire et des grands groupes".

Une incitation à basculer vers le Pereco

Le maintien de la règle des "taux historiques" pour les prélèvements sociaux sur les plus-values à la sortie du plan incite en principe les entreprises à transformer le Perco en Pereco avant 2023. Ce mécanisme consiste à appliquer aux sommes délivrées le taux des prélèvements qui était en vigueur au moment du versement, alors que les taux ont fortement augmenté depuis. Très favorable aux salariés, il est maintenu pour les sommes qui ont été placées dans un Perco avant le 1er janvier 2018, à condition qu’elles soient transférées sur un Pereco (ou que le Perco soit transformé en Pereco) au plus tard le 31 décembre 2022 (loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 article 21, I). "Cela incite les entreprises à agir avant cette date butoir, sinon les salariés paieront des prélèvements sociaux sur les plus-values plus importants, et ce n’est pas négligeable », appuie Xavier Collot. Malgré cela, bon nombre d’entreprises n’ont pas encore lancé la transformation. "Soit elles n’ont pas encore eu l’occasion d’en discuter, soit il peut y avoir une résistance à cause de la fiscalité des versements volontaires non déductibles", estime le gestionnaire.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Mais une fiscalité pénalisant les bas revenus

Explications : le Pereco, comme tous les PER nouvelle formule, offre un avantage fiscal substantiel en permettant au bénéficiaire de déduire de son revenu imposable les sommes qu’il verse sur le plan (versements dits "volontaires", hors participation, intéressement et abondement). En contrepartie, il sera imposé à la sortie du plan, mais a priori moins lourdement car ses revenus à la retraite seront probablement inférieurs. Cet avantage n’existait pas pour les Perco, mais il concerne surtout les salariés les plus fortement imposés.

Les salariés à plus bas revenus ne sont pas intéressés par cette déduction fiscale à l’entrée, notamment lorsqu’ils sont faiblement voire pas du tout imposables. Or, s’ils effectuent des versements non déduits fiscalement à l’entrée, la taxation des plus-values à la sortie du plan est plus forte avec le Pereco qu’avec le Perco : 30 % (prélèvement forfaitaire unique) au lieu de 17,2 % (prélèvements sociaux). "Dans les entreprises où les salariés ont moins de moyens, c’est un vrai frein du côté des représentants du personnel qui peuvent dire, en effet, que « le Pereco, c’est pour les riches », confirme Marie-Noëlle Auclair, directrice commerciale corporate chez Eres, un autre gestionnaire d’actifs. Le Pereco peut être intéressant dans une entreprise employant beaucoup de cadres, avec des populations qui ont des problématiques d’optimisation fiscale, mais pour des rémunérations plus modestes, c’est un frein". Chez Eres, 100 % des offres interentreprises à destination des PME ont été automatiquement basculées en Pereco, mais dans les plus grandes entreprises où la transformation d’un plan fait l’objet d’une négociation avec les représentants du personnel, il y a assez peu de mouvements, constate la gestionnaire, qui réclame un "ajustement de la fiscalité".

Un amendement au PLF adopté, puis retiré

Fin septembre, les députés du MoDem ont déposé en ce sens un amendement au projet de loi de finance pour 2022. L’exposé des motifs partait du constat que le régime du Pereco "profite aux ménages qui paient l’impôt sur le revenu et anticipent une baisse de leurs revenus au moment où ils partiront en retraite et mobiliseront leur PER", mais est "moins intéressant pour les ménages aux revenus le plus modestes qui ne sont pas soumis à l’impôt gsur le revenu", de sorte que ces derniers "privilégient les anciens Perco et que deux ans après la loi Pacte, 50 % des encours n’ont toujours pas été transférés vers les nouveaux Pereco".

L’amendement proposait un alignement de l’imposition applicable au Pereco sur celle du Perco, pour les versements non déductibles. Mais d’une part, un sous-amendement du groupe LREM a limité l’alignement aux sommes transférées d’un Perco vers un Pereco, excluant de la fiscalité plus favorable les futurs versements au Pereco, d’autre part… l’amendement a été retiré mi-octobre ! Le député Jean-Noël Barrot a expliqué en séance que "depuis l’adoption en commission, les échanges avec les professionnels du secteur et avec le gouvernement" ont amené son groupe à « conclure que la friction fiscale n’était peut-être pas la principale explication à l’absence de transfert des anciens Perco vers les nouveaux plans ». Retour à la case départ.

"Cet amendement allait pourtant dans le bon sens, déplore Xavier Collot d’Amundi. Les entreprises ne basculeront pas s’il n’y a pas une harmonisation des deux régimes, c’est surtout vrai pour les entreprises qui ont un Perco ancien avec des sommes importantes en jeu. Les deux types de plans vont continuer de cohabiter alors que l’objectif de la réforme était la simplification…". Le gestionnaire évoque même le cas d’entreprises qui maintiennent leur Perco pour que les salariés conservent la fiscalité avantageuse pour leurs versements anciens, et créent en parallèle un Pereco pour les nouveaux versements et les nouveaux salariés. "Cette juxtaposition rend les choses complexes pour les salariés, or la compréhension est cruciale : on n’épargne pas sur un dispositif qu’on ne comprend pas", conclut-il.

Fanny Doumayrou
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