Effet de la clôture pour insuffisance d’actif à l’égard du codébiteur solidaire

03.02.2022

Gestion d'entreprise

L'époux commun en biens, codébiteur solidaire d'un emprunteur dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, ne peut invoquer l'interdiction de reprendre les poursuites contre son conjoint.

Le codébiteur solidaire d’une dette contractée par un débiteur mis en liquidation judiciaire et dont la liquidation a été clôturée pour insuffisance d’actif ne profite pas de la libération du passif qui résulte, en principe, de cette clôture aux termes de l’article L. 643-11 du code de commerce.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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C’est la solution qu’énonce l’arrêt commenté (Cass. com., 2 févr. 2022, n° 20-18.791, n° 85 F-B) dans les circonstances suivantes. Une banque consent un prêt à deux époux communs en biens et qui s’engagent solidairement envers elle à le rembourser.

Quelques années après, le mari est mis en liquidation judiciaire et, au titre des opérations de liquidation, l’immeuble qui avait été financé au moyen du prêt est vendu. La banque n’ayant obtenu, sur le produit de cette vente, qu’un paiement partiel de sa créance, en réclame, par voie de saisie-attribution, le solde à l’épouse, qui s’y oppose, en faisant valoir, en substance, que la clôture de la procédure de liquidation interdit tout recouvrement de ce solde, même à son égard.

La Cour de cassation écarte cette argumentation par une motivation qui rappelle le sens et la portée exacts de l’article L. 643-11 précité.

Libération du débiteur en liquidation judiciaire par la clôture de celle-ci pour insuffisance d’actif

Cette libération est une nouveauté introduite par la loi n° 98-85 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. L’article L. 643-11, I, alinéa premier, du code de commerce, qui est le siège aujourd’hui de la matière, formule ainsi la règle : « Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ».

Pour faciliter le rebond de celui-ci, lui donner en quelque sorte une seconde chance dans les affaires, le législateur a, en effet, estimé nécessaire qu’il puisse repartir sans être lesté d’un passif n’ayant pas pu être apuré par la vente de tous ses biens en exécution du jugement de liquidation.

C’est pour atteindre ce but que la clôture pour insuffisance d’actif, quand tous les actifs sont réalisés, entraîne l’effacement de toutes les dettes résiduelles du débiteur.

Exceptions légales à la libération

La loi prévoit cependant, par exception à ce principe, plusieurs cas dans lesquels les poursuites individuelles peuvent être reprises contre le débiteur, malgré la clôture de sa liquidation. Ils sont limitativement énumérés par les II, III et IV de l’article L. 643-11 du code de commerce. On trouve dans la liste de ces cas, outre l’hypothèse classique de la fraude du débiteur à l’égard d’un ou plusieurs de ses créanciers (C. com., art. L. 643-11, IV), des hypothèses, figurant au III, qui concernent des débiteurs ne méritant pas la sollicitude de la loi, parce qu’ils ont commis des fautes graves (par exemple : débiteur sanctionné par la faillite personnelle ou par les peines de la banqueroute ; débiteur récidiviste qui a déjà connu il y a moins de cinq ans une procédure de liquidation judiciaire déjà clôturée pour insuffisance d’actif…).

Le II du texte y ajoute le cas de la personne qui est devenue créancière du débiteur parce qu’elle a payé à sa place, telle une caution ou un coobligé à la dette. Parce qu’il serait anormal qu’elles supportent seules une dette qui ne leur incombe pas à titre principal (cas des cautions) ou qui ne leur incombe au final que pour une part (cas des coobligés), ces personnes sont admises à exercer une action récursoire ou un recours en contribution contre le débiteur, malgré la clôture de sa liquidation pour insuffisance d’actif.

Dans l’arrêt commenté, le coobligé à la dette est, en l’espèce, l’épouse codébitrice solidaire du remboursement du prêt et sa situation diffère cependant totalement de celle que l’on vient d’examiner.

Situation du coobligé à la dette qui n’a pas payé celle-ci

Dans la situation objet du II de l’article L. 643-11 du code de commerce, le coobligé à la dette avait réglé la totalité de la dette et il se présentait donc comme demandeur à l’action en paiement contre le débiteur.

En l’espèce, l’on se situe dans une phase antérieure. La dette n’a pas été soldée, ni par le débiteur qui ne la doit plus et contre qui aucune action n’est plus ouverte au créancier, ni par le coobligé qui ne l’a pas davantage payée et que le créancier commun poursuit. Pour la Cour de cassation c’est possible.

Pour le comprendre, il faut reprendre les termes mêmes du premier alinéa de l’article L. 643-11. Ce dont ce texte prive les créanciers c’est de l’exercice d’une action personnelle contre le débiteur. Or, dans une situation comme celle de l’espèce, il n’y a pas un, mais deux, voire plusieurs, autres débiteurs in bonis, chacun d’eux étant tenu de sa propre obligation à la dette, peu important que celle-ci soit la même pour tous. Par conséquent, le créancier peut agir en paiement contre eux, la procédure de liquidation judiciaire ne les concernant pas.

Il n’en irait autrement que si la clôture de cette procédure entraînait l’extinction de la créance elle-même, dont personne ne devrait plus alors s’acquitter. Or, ce n’est pas l’effet de la clôture. La clôture a seulement pour conséquence légale de priver le créancier de son action contre le débiteur soumis à la procédure et lui seul. La créance quant à elle continue d’exister.

La solution a été rarement énoncée et, avant l’arrêt commenté, on ne peut guère trouver qu’un arrêt inédit de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 24 mars 2004 (Cass. com., 24 mars 2004, n° 01-17.288) pour dire clairement : « si le jugement de clôture ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice de leurs actions contre le débiteur, cette exception purement personnelle au débiteur ne peut être opposée par le codébiteur solidaire. »

Jean-Pierre Rémery, Docteur en droit
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