Effet interruptif de la déclaration de créance sur la prescription: portée de l'opposabilité à la caution
17.08.2018
Gestion d'entreprise

L'opposabilité au codébiteur et à la caution solidaires de la substitution de la prescription ne peut avoir pour effet de soumettre l'action en paiement du créancier contre ces derniers au délai d'exécution des titres exécutoires.
Entre février 1999 et mai 2001, une banque consent trois prêts à deux époux. L’un des prêts est, en outre, garanti par le cautionnement d’une troisième personne. L’un des époux est placé en liquidation judiciaire le 16 septembre 2003. Les créances de la banque sont admises par ordonnance du juge-commissaire le 7 septembre 2004 et la liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d’actif le 18 janvier 2005. Le créancier assigne l’épouse codébitrice et la caution par actes des 20 août 2013 et 6 septembre 2013. Les défendeurs lui opposent la prescription de son action. La cour d’appel ne les suit pas dans leur argumentation et déclare l’action du créancier recevable.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
La Cour de cassation casse et annule cette décision. Les hauts magistrats commencent par rappeler une règle traditionnelle, qui n’étonnera personne, à savoir que la décision d’admission de la créance au passif du débiteur soumis à la procédure collective est opposable à la caution, comme au codébiteur solidaire.
A ce titre, comme le rappelle encore la Cour de cassation, la substitution de la prescription résultant de la décision d’admission - substitution applicable avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 réformant les règles de la prescription, et donc applicable en l’espèce - est elle-même opposable au garant (Cass. com., 19 janv. 1993, n° 91-11.322, Bull. civ. IV, n° 23 ; Cass. com., 5 déc. 2006, no 05-11.761, Bull. civ. IV, no 238 ; Cass. com., 25 févr. 2004, n° 01-13.588, Bull. civ. IV, n°40 ; Cass. com., 3 févr. 2009, no 07-19.423 ; Cass. com., 3 nov. 2009, n° 07-14.329), et au codébiteur (Cass. com., 30 oct. 2007, no 04-16.655, Bull. civ. IV, no 229), comme elle l’est d’ailleurs encore au tiers ayant constitué une sûreté réelle (Cass. com., 17 nov. 2009, no 08-16.605, Bull. civ. IV, no 149) ou à l’associé en nom tenu au paiement de la dette sociale (Cass. com., 29 sept. 2009, no 08-19.777, Bull. civ. IV, no 115).
Reste à appréhender la portée de cette opposabilité de l’interversion de la prescription du fait de l’admission de la créance, à l’égard, notamment, du garant. L’arrêt précise que « cette opposabilité ne peut avoir pour effet de soumettre l’action en paiement du créancier contre le codébiteur et la caution solidaires au délai d’exécution des titres exécutoires ». La solution n’est pas tout à fait nouvelle, un arrêt l’ayant déjà retenue, mais sans être publié (Cass. com., 12 janv. 2016, n° 14-21.295).
Si à l’égard du débiteur principal – et avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 –, donc, l’admission de créance emporte substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale, cet effet ne se prolonge pas sur l’action du créancier contre la caution. Du fait de l’opposabilité de cette interversion à son égard, la caution ne peut plus, dès la décision d’admission devenue définitive, arguer de l’expiration du délai de prescription initial pour plaider l’extinction de la dette garantie.
En revanche, la caution à qui l’interversion n’est « qu’opposable », conserve la possibilité de plaider, sur le terrain du rapport créancier-caution lui-même, la disparition du droit d’action du premier contre elle, par le jeu d’une prescription qui affecte ce droit d’agir de manière autonome par rapport à celui que le créancier détient contre le débiteur principal.
Il s’ensuit que l’action du créancier contre la caution (et le codébiteur), qui se prescrivait en l’espèce et à l’origine par 10 ans en application de l’article L. 110-4 du code de commerce, devait, sur le principe, rester soumise à ce délai de prescription, nonobstant l’admission de la créance au passif du débiteur principal.
Ceci acquis, encore fallait-il adapter l’application de ces règles aux particularités de la cause à savoir, en premier lieu, l’effet interruptif de la déclaration de créance et, en second lieu, l’intervention de la loi nouvelle du 17 juin 2008.
S’agissant de l’effet interruptif, on rappellera que la déclaration de créance étant, avant l’ordonnance du 12 mars 2014, assimilée à une demande en justice, elle interrompt la prescription, y compris à l’égard de la caution, notamment solidaire (Cass. com., 15 mars 2005 n° 03-17.783, Bull. civ. IV, n° 63 ; Cass. com., 26 sept. 2006, n° 04-19.751, Bull. civ. IV, n° 190) et ce, jusqu’à clôture de la procédure collective en cause (Cass. com., 12 déc. 1995, n° 94-12.793, Bull. civ. IV, n° 299 ; Cass. com., 15 mars 2005, préc.). La règle est légale depuis l’ordonnance du 12 mars 2014.
S’agissant de la réforme du 17 juin 2008, qui réduit l’ancienne prescription décennale de l’article L. 110-4 du code de commerce à cinq ans, on rappellera encore qu’elle s’applique dès son entrée en vigueur aux prescriptions en cours, soit à compter du 19 juin 2008, et sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (L. n° 2008-561, 17 juin 2008, art. 26, II).
En l’espèce, la banque ayant déclaré sa créance, la prescription décennale à laquelle était initialement soumise l’action du créancier contre la caution et le codébiteur a été interrompue, pour recommencer à courir après clôture. A compter du 19 juin 2008, cette prescription est passée de 10 ans à 5 ans. Dans la mesure où les assignations ont été délivrées en août 2013, l’action de la banque était donc clairement prescrite, car même à supposer que l‘on ait pu appliquer les 5 ans dans leur entier à compter du 19 juin 2008, l’action aurait de toute façon été prescrite à compter du 19 juin 2013.
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