Elisabeth Borne se prépare à une rentrée chargée en 2021

Elisabeth Borne se prépare à une rentrée chargée en 2021

14.12.2020

Gestion du personnel

La ministre du travail, Elisabeth Borne, a répondu hier aux questions des journalistes de la presse sociale. L'occasion de dresser un premier bilan des dispositifs mis en place pour faire face à la crise économique liée à l'épidémie de Covid-19 et de retracer sa feuille de route pour 2021.

Cinq mois après son arrivée au ministère du travail, Elisabeth Borne, a rencontré hier - en visioconférence - l'Association des journalistes de l'information sociale. L'occasion de faire le point sur les dispositifs visant à amortir la crise économique et les sujets au menu d'un agenda social très chargé. 

La concertation au cœur de la "méthode Borne"

Dès son arrivée à Matignon, Jean Castex a insisté sur un changement de méthode en associant étroitement les partenaires sociaux aux réformes menées. Un changement de méthode que n’a pas manqué de rappeler la ministre du travail. "Il est fondamental de montrer qu’on est capable de travailler tous ensemble pendant cette crise". Elle se félicite ainsi que, dès la période de déconfinement, les partenaires sociaux aient fait preuve de responsabilité. "On peut se réjouir de l’esprit de responsabilité quand on échange avec les partenaires sociaux. Un esprit de responsabilité qu’il faut entretenir en leur donnant toute leur place. C’est la méthode que je vais continuer à appliquer".

La ministre ne voit donc rien à redire au fait d’entériner ce que les partenaires sociaux ont pu régler entre eux. "La force des accords est quelque chose de très important". Dès lors pas question de réitérer la mauvaise expérience sur la négociation assurance chômage, peut-on comprendre en creux des propos de la ministre. "Nous ne prenons pas de décision sans les consulter et pour permettre d’aboutir nous ne reprenons pas la copie des mains alors que des discussions sont en cours".

Et Elisabeth Borne de se féliciter de la conclusion récente de deux accords nationaux interprofessionnels : le premier sur le télétravail, le second sur la santé au travail. "Ces ANI ont le mérite d’exister. Les partenaires sociaux ont montré qu’ils étaient capables de s’entendre sur des sujets importants".

S’agissant du premier accord, la question de la traduction législative ne se pose pas. "L’accord sur le télétravail donne des repères pour les négociations de branche et d’entreprise". En revanche, l’ANI sur la santé au travail devra être transformé en prescriptions législatives. La ministre du travail souligne qu’il est inédit de traduire un ANI dans une proposition de loi [et non un projet de loi]. Elisabeth Borne ne se dit pas inquiète quant à la retranscription de l’ANI dans le texte législatif. "Nous échangeons avec les deux députés [Charlotte Parmentier Lecoq et Carole Grandjean, toutes deux LREM]. Il ne s’agit pas d’inventer un nouvel équilibre ; elles ont le souci de transcrire ce qui a été acté entre les partenaires sociaux. Il n’y a pas de raison que les députés inventent leur propre vision de la santé au travail".

Activité partielle : une modulation des taux pour les secteurs protégés ?

L'année 2020 restera, toutefois, une annus horribilis pour Elisabeth Borne. Entreprises à l’arrêt, généralisation du télétravail, flambée du chômage, regain de plans sociaux, stand-by des réformes en cours, notamment de l’assurance chômage et des retraites... Mais malgré les difficultés, la ministre du travail compte sur le début de l’année 2021 pour "répondre à la crise et engager les transformations nécessaires notamment sur l’accompagnement des jeunes". 

Côté activité partielle, Elisabeth Borne a confirmé un changement de cap, en début d’année, pour les entreprises des secteurs protégés qui continuaient à être remboursées à 100 % de l'indemnisation versée à leurs salariés couverts par ce dispositif. Si ce soutien devrait être prolongé jusqu’à fin janvier, la ministre du travail a évoqué l’idée de taux modulés selon le type d’activité exercé. "Au sein des secteurs protégés, il faut faire la part entre [les employeurs] qui peuvent redémarrer rapidement, comme les restaurateurs, et les autres, comme ceux de l’événementiel qui vont avoir besoin d’un certain temps pour ne pas arriver à des destructions d’emplois". Parmi les alternatives pour les entreprises qui ne bénéficieraient plus du dispositif d’activité partielle initial, Elisabeth Borne a suggéré la possibilité de conclure des accords d’activité partielle de longue durée (APLD). 320 000 emplois sont actuellement "protégés" par ce dispositif.

Attention toutefois, la ministre du travail sera vigilante sur l’accès à la formation, via le FNE, mobilisé dans le cadre de l’APLD. Estimant que les stages suivis jusqu’ici étaient des "formations occupationnelles", elle entend resserrer les critères d’éligibilité à ce dispositif. Objectif : Faire en sorte que le FNE soit utilisé pour des formation visant "à adapter les compétences des salariés aux défis de demain". Des travaux sont actuellement en cours avec l’Opco 2I (interindustriel) pour mieux cibler les besoins des entreprises. En 2020, 200 000 salariés ont pu suivre une formation grâce au soutien du FNE.

Transitions collectives : coup d’envoi en 2021

Ce sera également en 2021 qu’Elisabeth Borne va déployer le dispositif des transitions collectives, destiné à faciliter les reconversions professionnelles. Le mécanisme, géré par les associations transitions pro (ex commissions paritaires interprofessionnelles régionales) devaient être expérimenté en début d’année sur plusieurs territoires - un appel à projets a été lancé le 27 novembre pour identifier ces derniers - pour une généralisation qu’elle souhaite "rapide" en 2021. Elisabeth Borne a confirmé que le bassin d’emploi était ici la "bonne maille", c’est-à-dire le bon périmètre du dispositif pour identifier les métiers menacés et ceux qui recrutent. A ce titre, les entreprises devront activer, en amont, les mécanismes de "GPEC territoriale". Sans préjuger des résultats, la ministre du travail concède, toutefois, quelques difficultés de mise en œuvre. "Ce n’est pas complètement naturel de changer de métier, de secteur, cela ne va pas de soi". Aussi est-il important que "le dispositif soit porté par les organisations syndicales" afin de "convaincre les salariés d’aller vers une évolution de fonction".

Apprentissage : report de la publication des indicateurs d’insertion

S’agissant de l’apprentissage, des changements sont là encore à attendre, notamment sur la publication des indicateurs d’insertion des lycées professionnels et des centres de formation pour apprentis (CFA), prévus par la loi Avenir professionnel. Cette publication est reportée à janvier prochain alors qu’elle devait intervenir fin décembre ; plusieurs réseaux d’établissements avaient contesté, à l’automne, la méthode de calcul de ces indicateurs. Concernant les apprentis sans contrat, la ministre n’envisage pas de prolongation du dispositif actuel qui permet à un apprenti de rester en CFA, sans employeur pendant six mois. Plusieurs acteurs du secteur avaient jugé ce timing insuffisant et préconisaient, à l’instar de la Fédération nationale des directeurs de CFA, de permettre à ces jeunes de poursuivre leur formation théorique jusqu’à la fin de l’année scolaire. 38 000 apprentis sont actuellement dans cette situation, selon la rue de Grenelle.

Enfin, France compétences est chargé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, de présenter une trajectoire financière de retour en équilibre sur 2022. 4,9 milliards d’euros feraient défaut sur la période 2020-2023 selon l’une des trois projections menées par l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances, en septembre dernier. Un coup dur pour l’institution quadripartite. A défaut, la loi Avenir professionnel serait bel et bien en panne de financement.

Dispositifs suffisants ? Si Elisabeth Borne a indiqué "que l’on peut craindre un certain nombre de défaillances d’entreprise au premier semestre 2021", elle a exhorté les employeurs à avoir un "comportement responsable", sans chercher des "marges de performances" exceptionnelles, pour éviter les destructions d’emploi. Le message sera-t-il entendu ? 700 plans de sauvegarde pour l’emploi ont été homologués ou validés par l’administration du travail depuis le début de la crise sanitaire.

Une rentrée sociale chargée

Si la ministre du travail a bouclé deux dossiers importants, le télétravail et la santé au travail, son programme de discussions avec les partenaires sociaux s'annonce chargé pour la rentrée au regard de l’agenda social fixé entre les partenaires sociaux et le gouvernement : assurance chômage, formes atypiques d’emploi, seniors,…

La ministre appuie sur le frein s'agissant de la reprise des discussions sur l’assurance chômage, le Conseil d’Etat étant venu bouleverser la donne en annulant certaines dispositions de la réforme : bonus-malus (pour une question de procédure) et nouveau calcul du salaire journalier de référence comme contrevenant au principe d’égalité de traitement. Compte tenu de ces nouveaux éléments, la ministre reviendra vers les partenaires sociaux plutôt début janvier. Elle se donne le temps de la réflexion. "La situation actuelle pose aussi des questions d’égalité de traitement (…) Elle mérite de prendre le temps de l’analyser en détail". D'autant que du fait de la crise économique, le gouvernement a suspendu l'application de la réforme, décidée par décret en juillet 2019, jusqu'au 1er avril 2021. Elisabeth Borne estime toutefois qu'il y a "un chemin" concernant les modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR), pointées du doigt par les hauts magistrats.

Dès vendredi, Elisabeth Borne reprendra les discussions sur les formes particulières d’emploi, à commencer par les travailleurs des plateformes. Si le rapport Frouin récemment remis à Jean Castex ne constituera sans doute pas la pierre angulaire de la réforme annoncée sur les travailleurs des plateformes, elle sera "une contribution à la discussion, une brique versée à la concertation", assure la ministre du travail qui souhaite aboutir au cours de l’année 2021. D'une part, sur la question de la représentation collective des travailleurs de plateformes, d'autre part sur leur protection sociale. Elle rappelle toutefois qu’une initiative existe aussi au niveau européen et que les deux devront se concilier. "On peut très vite être confrontés à des questions de concurrence au niveau européen", met-elle en garde. Pour avancer dans ces discussions, une mission d’appui sera installée pour élargir la concertation à tous les acteurs "au-delà des partenaires sociaux habituels afin de prendre en compte les points de vue de chacun". Parmi les acteurs qui y seront conviés : des représentants d’autres ministère (transports, numérique, PME), des représentants des plateformes et des travailleurs des plateformes et d’autres plateformes (de traduction par exemple).

S’agissant des travailleurs de deuxième ligne dont il a été beaucoup question à la sortie du premier confinement, les deux rapporteures de la mission, Christine Erhel, économiste du travail et de l’emploi et chercheuse, et à Sophie Moreau-Follenfant, directrice générale adjointe en charge des ressources humaines au sein de la société RTE, présenteront vendredi les critères identifiés pour apprécier la qualité de ces emplois.

D’autres sujets sont sur la table des discussions, comme celui des travailleurs détachés dont les conclusions de la mission Igas en cours dont l'objet est d'aider à bien qualifier les secteurs les plus concernés sont attendues en janvier.

Le travail des seniors sera également abordé. La concertation pourrait démarrer courant janvier. Elle portera sur les fins de carrière, la prévention de l’usure professionnelle et l’enjeu de non-discrimination. Car si la situation des jeunes inquiète et fait l’objet de nombreuses mesures dans le cadre du plan de relance, il faut éviter que les seniors soient les grands oubliés de cette crise. La ministre déplore ainsi "le réflexe encore bien ancré de faire des préretraites [dans le cadre de PSE]. Il ne faudrait pas que les seniors soient les victimes de cette crise".

Enfin, d’autres réformes sont renvoyées sine die. D’une part, la poursuite de la restructuration des branches professionnelles ; d’autre part, celle des retraites. "Les partenaires sociaux n’ont pas follement envie de discuter de ce sujet", confie la ministre du travail. Cela ne semble pas être le cas de son collègue à Bercy, Bruno Le Maire, pour lequel la réforme des retraites constitue une priorité. "Au-delà de la réforme de l'assurance chômage, il faut regarder quand et comment nous pouvons engager une réforme des retraites", a ainsi réitéré le locataire de Bercy hier sur France Info.

 

Le retour au travail en suspens
Assouplissement du télétravail dès le 21 janvier ? Elisabeth Borne a indiqué hier qu'il faudra confirmer la possibilité d'un assouplissement du télétravail en janvier "en fonction des indicateurs sanitaires", ce qui sera fait "dans la semaine". La ministre avait dit vouloir proposer de revenir à au moins un jour par semaine sur site, alors que la règle actuelle veut que 100 % des tâches télétravaillables soient télétravaillées.

 

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Anne Bariet et Florence Mehrez
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